Avec l’élection de Nicolas Sarkozy, la France s’est donc « dotée » d’un ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale, ce qui, pour avoir suscité un temps quelques levées de boucliers, semble pour le moins bien accepté. Et pour cause ! Ce n’est, finalement, que la manifestation d’un national-laïcisme hégémonique ou presque dans le pays. C’est pourquoi le nouveau « Que sais-je ? » (PUF, n° 3794) rédigé par l’historien et sociologue Jean Baubérot et intitulé Les Laïcités dans le monde devrait résonner et raisonner.
Le format (les 120 pages d’un « Que sais-je ? ») est le principal défaut de cet ouvrage et, souvent, c’est le regret qui nous envahit tant il faut passer vite sur des questions si passionnantes. Qu’importe ! La bibliographie alimentera les plus affamés de réflexion sur la laïcité. La démarche est claire : « Une approche rationnelle, dynamique de la laïcité, où sciences humaines et philosophie concourent ensemble à la construction d’un savoir. Que cette approche soit internationale [...] n’est pas indifférent au sujet traité. »
Je me risquerai même à juger ce livre « salvateur » tant il permet de combattre les idées reçues et de mettre à jour celles refoulées. Qu’y apprend-on ? Déjà que la laïcité n’est pas une idée, un concept pur tombé du ciel (tiens ?) une fois pour toute et pour tous, mais qu’au contraire, la laïcité se construit selon le temps et l’espace, selon des références philosophiques différentes, contradictoires et/ou complémentaires. Par exemple, la laïcité française emprunte largement à l’anticléricalisme voltairien et à la religion civile rousseauiste, mais, ce qui est plus ignoré ou nié, c’est que la séparation de 1905 est tout à fait lockéenne. Comment ? La laïcité française inspirée du modèle anglais ? Je ne puis le croire... Ce n’est pourtant pas le plus stupéfiant. Chacun sait, bien évidemment, que la laïcité est une exception française et que partout ailleurs, il y a de graves manquements. Or, démonstration est faite par J. Baubérot qu’Aristide Briand, père de la séparation de 1905, faisait de l’Amérique latine le continent le plus laïque et s’est largement inspiré des expériences américaines, jugeant ainsi que la France n’était pas du tout à la pointe de la laïcité. Or, quand l’Assemblée nationale réédite Briand pour le centenaire de la loi de 1905, elle oublie purement et simplement le chapitre dans lequel Briand parle des expériences étrangères. C’est comme cela qu’en 2007, le Haut Conseil à l’intégration, lors de l’élaboration d’une Charte de la laïcité, peut tranquillement avancer que le Mexique s’est inspiré du modèle de séparation français alors que la séparation mexicaine date en réalité de 1861 !
Que se cache-t-il derrière tout ça ? La France moderne s’est construite sur ce que les historiens appellent le « conflit des deux France ». Il y avait alors un conflit pour définir l’identité nationale : France catholique versus France laïque. Or, ce conflit est pour ainsi dire terminé si bien que la laïcité, acceptée par la France catholique, fait désormais figure d’emblème national. Dans un contexte de globalisation anxiogène, il s’agit de préserver l’identité nationale, c’est-à-dire la laïcité, qui serait menacée par le communautarisme anglo-saxon et l’islam. D’où le besoin de réécrire l’histoire en oubliant soigneusement ce que la laïcité française doit au reste du monde et en exagérant ce que le reste du monde doit à la laïcité française. Le risque est donc celui de sacraliser un modèle, le rendre intouchable, penser qu’il est immuable pour toujours alors qu’au contraire il a toujours évolué, et de le voir en complet décalage avec la réalité.
La lecture de ce petit livre de J. Baubérot devrait permettre la prise de conscience de ce risque parce que la laïcité est remise sur ses pieds, c’est-à-dire sur son histoire, sur ses fondements philosophiques, sur ses différentes expériences dans le temps (avancées et reculs) et dans le monde. Il permet de dégager des outils pour comparer les niveaux de laïcisation de chaque pays, mais aussi pour en comprendre les mécanismes, liés à la modernité, à la sécularisation. Il permet, par un rapide panorama géopolitique, de dégager les enjeux mondiaux en termes de laïcité, les enjeux du XXIe siècle : une laïcité qui a bien entamé son 3e seuil qui consiste à déconstitutionnaliser les institutions qui ont permis, justement, de déconstitutionnaliser la religion, à savoir l’Ecole, la médecine, l’Etat voulant enseigner la nation. Faute de saisir ces mécanismes et enjeux, ne sommes-nous pas condamnés à prendre les manifestations pour les causes des problèmes ? A voir dans l’islam en France une menace pour la laïcité, pour l’identité française, alors que, selon l’expression de J. Baubérot, il n’en est que le « miroir grossissant » ?
Le format (les 120 pages d’un « Que sais-je ? ») est le principal défaut de cet ouvrage et, souvent, c’est le regret qui nous envahit tant il faut passer vite sur des questions si passionnantes. Qu’importe ! La bibliographie alimentera les plus affamés de réflexion sur la laïcité. La démarche est claire : « Une approche rationnelle, dynamique de la laïcité, où sciences humaines et philosophie concourent ensemble à la construction d’un savoir. Que cette approche soit internationale [...] n’est pas indifférent au sujet traité. »
Je me risquerai même à juger ce livre « salvateur » tant il permet de combattre les idées reçues et de mettre à jour celles refoulées. Qu’y apprend-on ? Déjà que la laïcité n’est pas une idée, un concept pur tombé du ciel (tiens ?) une fois pour toute et pour tous, mais qu’au contraire, la laïcité se construit selon le temps et l’espace, selon des références philosophiques différentes, contradictoires et/ou complémentaires. Par exemple, la laïcité française emprunte largement à l’anticléricalisme voltairien et à la religion civile rousseauiste, mais, ce qui est plus ignoré ou nié, c’est que la séparation de 1905 est tout à fait lockéenne. Comment ? La laïcité française inspirée du modèle anglais ? Je ne puis le croire... Ce n’est pourtant pas le plus stupéfiant. Chacun sait, bien évidemment, que la laïcité est une exception française et que partout ailleurs, il y a de graves manquements. Or, démonstration est faite par J. Baubérot qu’Aristide Briand, père de la séparation de 1905, faisait de l’Amérique latine le continent le plus laïque et s’est largement inspiré des expériences américaines, jugeant ainsi que la France n’était pas du tout à la pointe de la laïcité. Or, quand l’Assemblée nationale réédite Briand pour le centenaire de la loi de 1905, elle oublie purement et simplement le chapitre dans lequel Briand parle des expériences étrangères. C’est comme cela qu’en 2007, le Haut Conseil à l’intégration, lors de l’élaboration d’une Charte de la laïcité, peut tranquillement avancer que le Mexique s’est inspiré du modèle de séparation français alors que la séparation mexicaine date en réalité de 1861 !
Que se cache-t-il derrière tout ça ? La France moderne s’est construite sur ce que les historiens appellent le « conflit des deux France ». Il y avait alors un conflit pour définir l’identité nationale : France catholique versus France laïque. Or, ce conflit est pour ainsi dire terminé si bien que la laïcité, acceptée par la France catholique, fait désormais figure d’emblème national. Dans un contexte de globalisation anxiogène, il s’agit de préserver l’identité nationale, c’est-à-dire la laïcité, qui serait menacée par le communautarisme anglo-saxon et l’islam. D’où le besoin de réécrire l’histoire en oubliant soigneusement ce que la laïcité française doit au reste du monde et en exagérant ce que le reste du monde doit à la laïcité française. Le risque est donc celui de sacraliser un modèle, le rendre intouchable, penser qu’il est immuable pour toujours alors qu’au contraire il a toujours évolué, et de le voir en complet décalage avec la réalité.
La lecture de ce petit livre de J. Baubérot devrait permettre la prise de conscience de ce risque parce que la laïcité est remise sur ses pieds, c’est-à-dire sur son histoire, sur ses fondements philosophiques, sur ses différentes expériences dans le temps (avancées et reculs) et dans le monde. Il permet de dégager des outils pour comparer les niveaux de laïcisation de chaque pays, mais aussi pour en comprendre les mécanismes, liés à la modernité, à la sécularisation. Il permet, par un rapide panorama géopolitique, de dégager les enjeux mondiaux en termes de laïcité, les enjeux du XXIe siècle : une laïcité qui a bien entamé son 3e seuil qui consiste à déconstitutionnaliser les institutions qui ont permis, justement, de déconstitutionnaliser la religion, à savoir l’Ecole, la médecine, l’Etat voulant enseigner la nation. Faute de saisir ces mécanismes et enjeux, ne sommes-nous pas condamnés à prendre les manifestations pour les causes des problèmes ? A voir dans l’islam en France une menace pour la laïcité, pour l’identité française, alors que, selon l’expression de J. Baubérot, il n’en est que le « miroir grossissant » ?
Table des matières :
Introduction - La laïcité, réalité internationale
I/ Protohistoire de la laïcité
II/ Fondements philosophiques de la laïcité
III/ Despotismes éclairés, révolutions, laïcité
IV/ Laïcité et modernité triomphante
V/ Sociétés sécularisées et laïcité
VI/ Géopolitique de la laïcité
VII/ Laos, laïcité et défis du XXIe siècle
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