Dessins de Konk |
Le référendum de 2005
J'ai voté "oui", et c'était pour moi une évidence, au nom de la démocratie, du fédéralisme, de l'internationalisme. Quels débats à l'époque ! Un référendum permet au peuple de se saisir d'une question, de la soumettre au débat avec passion, d'y répondre, sans avoir à entrer dans une logique de partis politiques, avec le sentiment que la réponse pourra changer quelque-chose, quand l'alternance obligatoire bipartite apparaît trop bien désormais pour ce qu'elle est : fallacieuse. Il me semblait que les sujets économiques, les discussions autour de la libre concurrence, étaient secondaires, relativement à ceux politiques et démocratiques. Que fait-on ? est la question qui se pose nécessairement après avoir défini ce "on" : qui a le pouvoir et sur quel territoire ? C'est une simple question de logique sur laquelle je n'ai pas eu à revenir. Mais, les termes du débat étaient : nationalisme, souverainisme. C'était mal poser le problème. Cette erreur (ou tromperie) a servi à deux choses :
- Empêcher une bonne partie de la gauche, nourrie des bons sentiments de la gauche morale, d'accéder au sujet démocratique. Les nonistes sont souverainistes, nationalistes, xénophobes, et c'est mal, donc il n'y a même pas à discuter du contenu de la Constitution, il faut être pour l'ouverture, l'Europe, la paix.
- Interdire toute concrétisation de la victoire du "non" en le scindant en deux camps distincts et adeptes de vocabulaires épuisant toute velléité de compréhension : alter-mondialisme versus nationalisme.
La question démocratique
Aujourd'hui, la Traité de Lisbonne a piétiné le référendum, la crise financière a fait son œuvre, et le sort réservé à la Grèce ferait l'édification des plus incrédules. Du coup, le problème est mieux posé. La question n'est pas le nationalisme, ni même le souverainisme : la question c'est la démocratie. Quand les agences de notation dictent les politiques économiques et sociales des États, c'est la démocratie qui est en jeu. Quand Sarkozy et Merkel, ou le FMI, dictent la conduite de Papandréou, c'est la démocratie qui est en jeu. Quand l’État doit emprunter auprès des banques privées et non auprès de sa banque centrale, c'est la démocratie qui est en jeu.
Ce n'est pas la situation qui est nouvelle, c'est sa description. De longue date, elle fut dénoncée comme totalitaire, fasciste, mais par des écrivains, des artistes, marginaux, (infra-)liminaux et laminés, ou rangés dans les étagères pour les plus chanceux. Pasolini le vitupérait. Bernanos le vociférait. Céline avait inventé le mot bankster. Rien ne sert de multiplier les exemples. Ce qui change, c'est qu'aujourd'hui enfin ! c'est le débat public qui tourne autour de cette question.
Aujourd'hui, des intellectuels comme Emmanuel Todd, Jacques Sapir, Frédéric Lordon, Jean-Claude Michéa, d'autres encore, posent le débat en ces termes sur la table. Avant, ils étaient plus radicaux sans doute - qui écrirait du Castoriadis, du Illich, du Debord, en 2012 ? qui écrirait, plus encore, un Droit à la paresse ? En contrepartie, nous avons une pensée plus opérante.
Aujourd'hui, nous vous écoutons, et nous entendons le problème correctement posé. Je dis vous, candidats en pré-campagne pour 2012, de tous bords politiques, prêts que vous seriez à vous étriper sur tout sujet politique : éducation, laïcité, immigration, peine de mort, avortement, sécurité, retraites, que sais-je ? Mais vous avez un point commun : celui de subir les flèches du système médiatico-politique UMPS faisant de vous des populistes, plus ou moins égal à fascistes.
Car vous parlez du peuple, ce qui est un grave crime, imaginons-le, en démocratie. Je disais que la situation n'est pas nouvelle. Péguy décrit si bien comment L'Argent a liquidé le Peuple. Ce qu'il en restait à son époque a pris la poudre d'escampette - c'est fini. Il n'y a plus de peuple. Il est donc logique de ne pas pouvoir en parler. Toutefois, il est tout aussi logique de chercher le peuple, quand on est démocrate : si on estime que le peuple doit avoir le pouvoir, il faut nécessairement qu'il y ait un peuple. Laissons parler Péguy :
"Notre socialisme [...] n'était nullement antinational. Il était essentiellement et rigoureusement, exactement international. Théoriquement il n'était nullement antinationaliste. Il était exactement internationaliste. Loin d'atténuer, loin d'effacer le peuple, au contraire il l'exaltait, il l'assainissait. Loin d'affaiblir, ou d'atténuer, loin d'effacer la nation, au contraire il l'exaltait, il l'assainissait. Notre thèse était au contraire, et elle est encore, que c'est au contraire la bourgeoisie, le bourgeoisisme, le capitalisme bourgeois, le sabotage capitaliste et bourgeois qui oblitère la nation et le peuple" (Notre jeunesse, Folio n°232, pp. 217-218)
Vous, socialistes ou non, posez que l'oligarchie mondialiste oblitère la nation et le peuple (ils vont de paire). Rien de commun entre vous, Jacques Cheminade, Arnaud Montebourg, Marine Le Pen, François Asselineau, Jean-Luc Mélenchon, Jean-Pierre Chevènement, Nicolas Dupont-Aignan ! On ne trouvera vraiment rien de commun entre vous, si ce n'est ce postulat de départ. Vous êtes si différents que des ralliements semblent impossible entre vous. Même entre Chevènement et Dupont-Aignan, ce n'est pas à l'ordre du jour... Même entre Cheminade et Asselineau, pas de solidarité d'exclus du système médiatique...
Nous sommes dans une situation où il y a une chose à exiger en toute urgence : une Constituante, pour une reprise en main démocratique de son destin par le peuple, qui retrouverait immédiatement la conscience d'être un peuple, un peuple en tension(s), avec des citoyens de gauche, de droite, d'extrême droite, d'extrême gauche, de nulle part, mais un peuple. Nous ne l'obtiendrons pas si vous vous présentez en ordre dispersé. La dispersion est logique : moi par exemple et mes influences situationnistes, anarchistes, décroissantes, internationalistes, je suis très heurté par le progressisme effréné des uns, le nationalisme exacerbé des autres, le modernisme exalté des troisièmes, que sais-je ?
La dispersion est donc tout à fait compréhensible pour cette raison ; mais aussi pour celle-ci beaucoup plus contestable : la logique des partis, et de l'élection. On ne peut pas demander à Mélenchon de s'allier à Le Pen. Dans une démocratie élective (oxymore, il faut bien le dire, malgré le lieu commun si pervers), cela n'a aucun sens.
J'en viens donc à la solution : que vous vous ralliez tous, abandonnant vos candidatures individuelles, à l'idée du tirage au sort d'une Constituante, portée par une dynamique accordant ce que l'UMPS nomme les deux fois 20% populistes, qui ont fait 55% en 2005. Faute de quoi, à force d'agir en andouilles, nous finirons par mériter d'être traités en andouillettes.
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