Bon, allons-y, quelques petits commentaires sur la crise financière. Il y a en effet quelques points que j’aimerais souligner.
1/ Economie de marché, capitalisme, libéralisme
Ces trois notions sont habituellement allègrement confondues, or elles ne renvoient pas du tout aux mêmes réalités. Ce n’est pas qu’une affaire de mots, alors revenons dessus.
Le libéralisme est un courant de pensée basé sur le droit naturel qui entend donc limiter le pouvoir (étatique ou autre) pour préserver les libertés individuelles. Il implique donc que chaque individu ait les mêmes droits.
Passons à l’économie. L’approche la plus pertinente me semble être celle de Braudel. En effet, les économistes ont cette fâcheuse tendance à voir du marché partout. Braudel parle d’une tripartition, de trois étages. Le premier serait celui de l’autoconsommation, de la valeur d’usage, des échanges « non économiques », le plus conséquent. L’étage au-dessus serait occupé par l’économie (de marché), celui des régularités du jeu de l’offre et de la demande, de la libre concurrence non faussée, qui prend son envol dans les villes-mondes européennes à partir du XVe siècle. Et enfin, profitant des progrès de l’économie de marché, mais aussi de la complicité de la société, et de l’action libératoire d’un marché mondial (commerce au loin, division internationale du travail), le capitalisme. Le capitalisme a besoin de l’économie de marché, d’où la confusion qui est faite, mais en a besoin pour mieux la contourner. Le capitalisme c’est l’art de s’arroger des monopoles, et à ce titre, l’Etat est à la fois un gêneur et un complice. On se demande en effet lequel du capitalisme et de l’Etat est l’idiot utile de l’autre.
Toujours est-il que, me semble-t-il, d’un point de vue libéral, l’économie de marché est évidemment défendable, et souhaitable, compatible (paradigme libéral fondé sur le travail agricole et la propriété foncière au XVIIIe siècle : tous les sujets se valent en droit, toutes les propriétés sont mesurables en valeur), mais le capitalisme certainement pas.
Pour revenir à la crise des subprimes, il me semble, là encore, qu’on en arrive là à cause d’actions anti-économiques menées à la chaîne et en masse, c’est-à-dire pousser les gens à s’endetter pour des crédits dont les taux augmenteront mais voyez-vous ce n’est pas grave parce que le marché de l’immobilier monte aussi. On est loin du jeu de l’offre et de la demande, mais bel et bien dans la spéculation la plus folle. Il était bien évident que le marché n’allait pas monté indéfiniment. Ça n’a pas empêché un ahuri de proposer des « crédits hypothécaires » pendant la campagne de 2007 sous prétexte qu’il n’y avait pas assez de propriétaires dans ce pays. Ça n’avait manifestement pas affolé ses électeurs. D’ailleurs, au Etats-Unis également, la responsabilité des pouvoirs politiques est bien établie. Bref, étatisme et capitalisme ont encore une fois marché, si j’ose dire, main dans la main, pour le plus grand malheur de l’ensemble des citoyens. La question de la dérégulation soi-disant néo-libérale est donc assez hors de propos. Ce à quoi il faut s’attaquer, c’est au capitalisme, ou, comme dit Daniel Cohen, le jeu qui consiste à lancer une pièce, et dire : « pile je gagne, face vous perdez » - autrement dit la privatisation des profits et la socialisation des pertes.
2/ Le centre du monde va changer
Ce n’est pas vraiment une conséquence, encore que les crises doivent bien accélérer les choses. Mais les richesses sont largement en train, depuis un moment déjà, de se transférer de l’Amérique vers l’Asie. Déjà, on sait que les Chinois sont blindés de bons du Trésor US. Et les 1400 milliards du plan Paulson (700 + 300 qui avaient déjà été avancés, + ce qui va venir, inévitablement) seront financés par la dette publique, donc ira en Chine, encore une fois. C’est peut-être la dernière crise de domination de l’Empire US. Peut-être que la prochaine crise partira d’Asie et signifiera que le centre économique mondial a vraiment changé, comme la crise de 29 partie de New York signifiait le triomphe de cette dernière sur Londres. Surtout que, contrairement à 29 où la solution était somme toute assez simple (faire remonter les prix, inflation, croissance, dépenses publiques), la situation est bien plus complexe aujourd’hui, et seules les exportations pourront sauver les USA, autant dire les pays émergents comme la Chine, l’Inde, le Brésil, la Russie. Emmanuel Todd devrait voir les ventes de ses bouquins remonter encore.
3/ Autonomie et action politique
C’est avec stupéfaction que certains ont vu des sommes mirobolantes débloquées soudainement pour palier à cette crise bancaire alors qu’on nous bassine régulièrement comme quoi on ne peut rien faire, il n’y a pas de marges de manœuvre, j’en passe et des meilleures. Merci à la crise, donc, de faire remarquer à tout le monde que si, on a des marges de manœuvre. La condition de maintien d’un pouvoir, quel qu’il soit, est de faire croire au peuple qu’il dirige que celui-ci ne peut pas changer sa situation et sa réalité. Si, justement, on peut la changer. Rien n’oblige à ce que le monde soit celui qu’il est aujourd’hui, et d’ailleurs il n’était pas le même hier et ne sera pas le même demain. Alors il ne manque que la volonté de se saisir de la question politique, de comprendre que nous, ici et maintenant, décidons de quel monde nous voulons habiter. So what ?
1/ Economie de marché, capitalisme, libéralisme
Ces trois notions sont habituellement allègrement confondues, or elles ne renvoient pas du tout aux mêmes réalités. Ce n’est pas qu’une affaire de mots, alors revenons dessus.
Le libéralisme est un courant de pensée basé sur le droit naturel qui entend donc limiter le pouvoir (étatique ou autre) pour préserver les libertés individuelles. Il implique donc que chaque individu ait les mêmes droits.
Passons à l’économie. L’approche la plus pertinente me semble être celle de Braudel. En effet, les économistes ont cette fâcheuse tendance à voir du marché partout. Braudel parle d’une tripartition, de trois étages. Le premier serait celui de l’autoconsommation, de la valeur d’usage, des échanges « non économiques », le plus conséquent. L’étage au-dessus serait occupé par l’économie (de marché), celui des régularités du jeu de l’offre et de la demande, de la libre concurrence non faussée, qui prend son envol dans les villes-mondes européennes à partir du XVe siècle. Et enfin, profitant des progrès de l’économie de marché, mais aussi de la complicité de la société, et de l’action libératoire d’un marché mondial (commerce au loin, division internationale du travail), le capitalisme. Le capitalisme a besoin de l’économie de marché, d’où la confusion qui est faite, mais en a besoin pour mieux la contourner. Le capitalisme c’est l’art de s’arroger des monopoles, et à ce titre, l’Etat est à la fois un gêneur et un complice. On se demande en effet lequel du capitalisme et de l’Etat est l’idiot utile de l’autre.
Toujours est-il que, me semble-t-il, d’un point de vue libéral, l’économie de marché est évidemment défendable, et souhaitable, compatible (paradigme libéral fondé sur le travail agricole et la propriété foncière au XVIIIe siècle : tous les sujets se valent en droit, toutes les propriétés sont mesurables en valeur), mais le capitalisme certainement pas.
Pour revenir à la crise des subprimes, il me semble, là encore, qu’on en arrive là à cause d’actions anti-économiques menées à la chaîne et en masse, c’est-à-dire pousser les gens à s’endetter pour des crédits dont les taux augmenteront mais voyez-vous ce n’est pas grave parce que le marché de l’immobilier monte aussi. On est loin du jeu de l’offre et de la demande, mais bel et bien dans la spéculation la plus folle. Il était bien évident que le marché n’allait pas monté indéfiniment. Ça n’a pas empêché un ahuri de proposer des « crédits hypothécaires » pendant la campagne de 2007 sous prétexte qu’il n’y avait pas assez de propriétaires dans ce pays. Ça n’avait manifestement pas affolé ses électeurs. D’ailleurs, au Etats-Unis également, la responsabilité des pouvoirs politiques est bien établie. Bref, étatisme et capitalisme ont encore une fois marché, si j’ose dire, main dans la main, pour le plus grand malheur de l’ensemble des citoyens. La question de la dérégulation soi-disant néo-libérale est donc assez hors de propos. Ce à quoi il faut s’attaquer, c’est au capitalisme, ou, comme dit Daniel Cohen, le jeu qui consiste à lancer une pièce, et dire : « pile je gagne, face vous perdez » - autrement dit la privatisation des profits et la socialisation des pertes.
2/ Le centre du monde va changer
Ce n’est pas vraiment une conséquence, encore que les crises doivent bien accélérer les choses. Mais les richesses sont largement en train, depuis un moment déjà, de se transférer de l’Amérique vers l’Asie. Déjà, on sait que les Chinois sont blindés de bons du Trésor US. Et les 1400 milliards du plan Paulson (700 + 300 qui avaient déjà été avancés, + ce qui va venir, inévitablement) seront financés par la dette publique, donc ira en Chine, encore une fois. C’est peut-être la dernière crise de domination de l’Empire US. Peut-être que la prochaine crise partira d’Asie et signifiera que le centre économique mondial a vraiment changé, comme la crise de 29 partie de New York signifiait le triomphe de cette dernière sur Londres. Surtout que, contrairement à 29 où la solution était somme toute assez simple (faire remonter les prix, inflation, croissance, dépenses publiques), la situation est bien plus complexe aujourd’hui, et seules les exportations pourront sauver les USA, autant dire les pays émergents comme la Chine, l’Inde, le Brésil, la Russie. Emmanuel Todd devrait voir les ventes de ses bouquins remonter encore.
3/ Autonomie et action politique
C’est avec stupéfaction que certains ont vu des sommes mirobolantes débloquées soudainement pour palier à cette crise bancaire alors qu’on nous bassine régulièrement comme quoi on ne peut rien faire, il n’y a pas de marges de manœuvre, j’en passe et des meilleures. Merci à la crise, donc, de faire remarquer à tout le monde que si, on a des marges de manœuvre. La condition de maintien d’un pouvoir, quel qu’il soit, est de faire croire au peuple qu’il dirige que celui-ci ne peut pas changer sa situation et sa réalité. Si, justement, on peut la changer. Rien n’oblige à ce que le monde soit celui qu’il est aujourd’hui, et d’ailleurs il n’était pas le même hier et ne sera pas le même demain. Alors il ne manque que la volonté de se saisir de la question politique, de comprendre que nous, ici et maintenant, décidons de quel monde nous voulons habiter. So what ?
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