Le bruit – prenons-le ici dans son sens pauvre (mais non commun) soit celui qui englobe tous les désordres qui nuisent à la communication de l’information, tout ce qui est non pertinent, toute pollution finalement. Tout ce qui nous pourrit la vie. Le bruit des voitures, des sirènes, des klaxons, mais aussi celui de la publicité – et tout ce qui fait notre société de consommation, mais encore celui des papiers à remplir – et tout ce qui fait notre société bureaucratique, etc. – le déchaînement de bruit et de fureur shakespearien rendant la vie insignifiante, déchaînement dédoublé encore par toutes les tentatives humaines pour le recouvrir (religions en tous genres, au sens large). La question est donc : peut-on recouvrir le bruit ? par quelque chose de Beau, de Sublime s’entend. Le dernier film de Béla Tarr (L’homme de Londres, adapté du roman de Simenon) dans son grand et magnifique dénuement stigmatise le bruit, omniprésent, accablant tout au long du film, répétitif comme dictant la destinée à laquelle nul ne saurait échapper ; ce film, donc, répond tragiquement à la question : non, on ne peut pas couvrir le bruit ni s’en débarrasser, et c’est lui qui nous définit.
En revanche, De la guerre de Bertrand Bonello donne une toute autre réponse. 1/ Il faut s’enfuir, échapper au bruit, sortir du monde, s’extraire de la soumission sociale qui fait notre quotidien. 2/ On peut revenir, non sans mal, dans le monde et couvrir le bruit ambiant par du Bob Dylan. Pour accomplir ce chemin, on passe par l’isolement façon Printemps, été, automne, hiver et printemps de Kim Ki-Duk (mais là, on n’en revient pas !) ou Zabriskie Point de Michelangelo Antonioni (mais en une version communautaire chez Bonello, quoique…), le silence (où l’on retrouve toute la filmographie de Kim Ki-Duk quasiment, hanté qu’il est par le mensonge et le bruit que portent les mots dont il est plus qu’économe), la folie façon I’m a cyborg but that’s OK de Park Chan-Wook et façon, diamétralement opposée, Apocalypse now de Francis Ford Coppola. Un petit côté Eyes wide Shut aussi de Stanley Kubrick. Voilà, il faudrait penser tous ces films ensemble. Je vais simplement laisser en l’air ces réflexions. J’ai beaucoup de mal à croire que ce soit possible et considère qu’il faut sortir totalement du monde pour couper le bruit. Mais enfin… La seule chose certaine, c’est que l’ordre social se charge bien de reléguer comme fou, malade, sectaire, illuminé ou je ne sais quoi celui qui se pose la question, sans doute par excès de sensibilité, de la réduction du bruit. Ce sont donc ces fous qui sont intéressants.
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