De retour après une période chargée avec un petit billet sur le film d'Ari Folman Valse avec Bachir. Un an après Persepolis de Marjane Satrapi, voilà un nouveau film d'animation qui attire l'attention, mais cette fois-ci, plus qu'une autobiographie, c'est un véritable documentaire, disons un auto-documentaire.
Un soldat israélien tente de renouer avec la mémoire - celle de son rôle dans la guerre du Liban et plus précisément du massacre de Sabra et Chatila en 1982. Jusque-là, cette période de sa vie avait été oubliée, ou plutôt refoulée.
Voilà pour la trame de ce film que je conseille vivement, sauf peut-être aux allergiques à Apocalypse now puisque de nombreux passages sont dans la même veine. Partons du titre. Je m'avance peut-être, n'ayant lu aucune explication de Folman, mais l'emploi du mot "valse" sonne comme un triple renvoi à la Vienne de la fin du XIXe siècle. D'abord, à Freud et la psychanalyse, à la rescousse d'un (anti-)héros à l'image de son pays : malmené dans son identité et troublé dans sa mémoire. Ensuite parce que c'est de Vienne que Herzl pense le premier congrès sioniste de Bâle. Et enfin, parce que la belle eau du Danube de la célèbre valse semble s'être transformée en une mer omniprésente, obsédante et parfois menaçante.
Ce film apparaît alors comme une remise en question radicale de l'identité d'Israel autant qu'un appel à effectuer un véritable travail de mémoire pour ne pas répéter inlassablement car imperceptiblement les mêmes erreurs. Folman n'hésite pas, dans ce qui me semble être une parfaite éthique de la compréhension comme dirait Edgar Morin, ni à faire des soldats israéliens des victimes, ni à assimiler les palestiniens de Sabra et Chatila aux juifs du ghetto de Varsovie et par là à poser l'effroyable question : les soldats israéliens n'ont-ils pas tenu le rôle des nazis ? Davantage peut-être qu'une comparaison forcément fausse, Folman doit vouloir signifier que la vue israélienne est brouillée par la Shoah, menant le pays dans une spirale psychologique néfaste.
Bref, ce film soulève des questions très profondes (qu'y a-t-il de plus enfoui que cette obsession de mer-mère ?) concernant son pays et son rapport à la mémoire et à l'histoire et dont l'appropriation par la société israélienne devrait être fort bénéfique. Malgré la brutalité de ces questions, Folman reste confiant par l'intermédiaire de l'héritier de Freud, le psychanalyste dans le film, qui estime que rien de trop intolérable ne pourra être découvert durant ce travail de mémoire, mais uniquement de l'auto-compréhension, de la comprehension tout court, et donc une sérénité et un apaisement nouveau.
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