Tel fut donc le joyeux sujet du CAPES d'histoire 2008. La première remarque, c'est que ce sujet était ultra-prévisible, la moderne était archi-favorite pour tomber, et ce thème en était le thème central. Nulle surprise donc, et même une satisfaction certaine de nager en eaux connues, même si j'aurais préféré la contemporaine (Penser et construire l'Europe)...
Alors ? Les premiers plans postés sur les forums, ainsi que ceux corrigés de la fac de St Etienne où le sujet était tombé, au mot près, lors de la préparation, vont tous dans le même sens : prendre le sujet au mot, ne pas le questionner, ne pas dépasser les limites. C'est aussi ce que je pensais avoir fait, rester dans les sentiers battus, trop échaudé par l'expérience de l'an dernier, mais quand je compare à ce qu'ont fait les autres, je dois bien constater que, malgré moi, j'en suis très largement sorti, des sentiers battus.
Déjà des problèmes épistémologiques et historiographiques me semblaient essentiels : comment penser et classer les sociétés du XVIIè ? Comment se pensaient et se classaient-elles, elles-mêmes ? S'interroger sur le mot "rang"... très vague. Société d'ordres ? Société de classes ? Etc. Du coup, interroger la pertinence de la question : pourquoi est-il pertinent de se poser la question des stratégies pour tenir son rang au XVIIe ? Se posait-on déjà la question (oui, de toute évidence) ?
- le XVIIe siècle est une période de troubles, d'incertitude, de crise(s) même si le tableau a souvent été trop noirci.
- c'est aussi LE siècle du contrôle social (Civilisation des moeurs - N. Elias ; Grand renfermement - M. Foucault ; confessionalisation, réforme tridentine et reconquête des esprits ; chasse aux sorcières ; obsession de la pureté de sang ; etc.)
- et c'est le siècle d'émergence de nouvelles mobilités sociales (essor bourgeoisies urbaines, sociogenèse de l'Etat accélérée, transition féodalisme => capitalisme avec le commerce au loin)
Et c'est à cause de ces caractéristiques du XVIIe siècle que les acteurs ont cette motivation de "tenir son rang" si présente. C'est parce que les riches marchands concurrencent la noblesse militaire que celle-ci se crispe sur son identité et les nobles leur rang ; c'est parce que c'est une période trouble qu'on cherche des boucs émissaires (sorcières, juifs, mauvais pauvres) et qu'on aspire au maintien de l'ordre social (chacun à sa place). Etc.
Donc, pour moi, ce sujet justifie que l'on parle, en plus des stratégies des acteurs pour tenir leur rang, des nouvelles mobilités sociales et du contrôle social sans quoi on ne comprend rien à ce qui se passe, on reste dans la description bebête (j'ai bien peur que ce ne soit ce qu'on nous demande, justement). Ce sujet justifie qu'on ait en tête des schémas de longue durée (Braudel) et des théories de l'organisation sociale (Elias, théorie des jeux, E. Morin, H. A. Simon). Il me semble m'être justifié assez clairement sur ces choix, j'espère donc que cela ne sera pas jugé trop iconoclaste.
Mon plan, pour mémoire :
I/ Les sociétés A/E/F du XVIIe : des sociétés d'ordre ? => le XVIIe, une phase B ? => le contrôle social => ordre, désordre, organisation sociale
II/ Des mobilités sociales nouvelles => essor urbain => sociogenèse de l'Etat => sur la route du féodalisme au capitalisme
III/ Tenir son rang : les acteurs et leurs stratégies => risques de déclassement => stratégies identitaires (honneur, demeure, habit) => stratégies socio-économiques (mariage, héritage)
Qu'il en soit ainsi... ça va être long d'ici les résultats et la sentence... enfin, avant cela : la géographie demain. Je parie sur un sujet sur la mondialisation, et plus précisément sur les rapports Etats/mondialisation ou territoires/mondialisation. Tant que c'est pas un sujet de régionale française, ça ira...
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