mardi 13 novembre 2012

Un nénuphar sinon rien



J'apprends ce jour la dégringolade du mot nénuphar, défait de son ph pour se voir affublé d'un f pas à la hauteur. Ma réaction de réactionnaire est d'une part de ne pas comprendre ces tentatives réformatrices pour "simplifier", argument le plus insensé qui soit. Et nénufar... c'est moche. 

Mais au fait, pourquoi ce ph ? Parce qu'on écrivait nénufar jusqu'au XIXe siècle... d'après l'Académie Française, mais je vous rappelle que cette même Académie est celle coupable de cette phrase extraordinaire :
La bonne orthographe distingue les gens de Lettres d'avec les Ignorants et les simples femmes.

Si on en croit plutôt le Trésor Informatisé de la Langue Française, c'est à n'y rien comprendre. On écrivait nenuphar, neuenufar, neufar, ou encore nenufar, d'un mot emprunté au latin médiéval... nenuphar, lui-même dérivé de mots arabes issus du persan nilufar d'après le sanskrit nilotpala, ce qui est élémentaire puisque nilah signifie "bleu-noir" et utpalam "fleur de lotus". nilotpala veut donc dire "lotus bleu". On se demande à ce stade que vient faire Tintin dans l'histoire.

Résumons-nous : on est passé d'un f en persan, parce que sans faire de négationnisme anti-sanskrit, je vois mal l'influence de nilah-utpalam dans l'orthographe f/ph qui nous concerne, d'un f en persan, disais-je, à un ph en latin, puis un f en vieux françois, à un ph en français moderne, et désormais à un f en français "modernisé-simplifié-dégénéré".

D'autres en auraient perdu leur latin. Mais pourquoi les dix-neuviémistes ont-ils jugé opportun de rendre au mot son ph ? Mais par souci naturaliste, pardi ! Le nénuphar est une plante de la famille des nymphéacées : le tout a donné son ph a la partie.

Si vous vous croyez sortis d'affaire, vous allez déchanter. D'où vient nymphéacée ? Tenez-vous bien : "emprunté au latin nymphea "nénuphar"" qui lui vient du grec pour dire "divinité", "jeune fille ou jeune femme" ou d'autres diableries extravagantes.

Conclusion : un nénuphar, c'est joli. C'est pourquoi j'arbitre ce duel gréco-perse en faveur des premiers. Mahmoud me pardonnera.


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