Clément Sénéchal, Bernard-Henri Lévy et un antifa anonyme tentent d'endiguer la pandémie démocratique |
Etienne Chouard a donc craqué, signalant ses divergences idéologiques avec Alain Soral (dans un très bon article, mais inutile, parce qu'il faut n'avoir jamais rien lu de Chouard ni de Soral pour avoir pensé à une convergence idéologique entre ces deux-là), mais annonçant également la suppression de ce fumeux lien. Pour moi, ce dernier point était une erreur. Je restais sur ma ligne, celle que j'estimais d'ailleurs défendue par Etienne Chouard comme par Jean Bricmont. Il est parfaitement inutile de toute façon de s'excuser et de céder à la pression des Grands Inquisiteurs, notre attitude sera toujours suspecte à leurs yeux, et nous ne ramperons jamais assez.
Puis, le lendemain, il revient sur sa mise au point ; la confirmant dans son essence, mais regrettant son attitude d'exclusion, prise sous la pression, manifestée par la suppression de ce fameux lien. Pour moi, c'était parfait. Pour beaucoup, c'était la catastrophe. Tentons de sabrer le nœud du problème et de voir ce qu'il y a derrière.
De mon point de vue, nous sommes confrontés à un double manque d'autonomie.
1/ considérer qu'un lien vaut adhésion ; que la controverse vaut allégeance
2/ considérer que "les gens" ne sont pas assez adultes pour faire la part des choses
Un lien vaut adhésion
Un lien ne vaut pas adhésion. Rappeler de telles évidences va être pénible, mais il faut apparemment le faire. Dans le cas qui nous occupe, Chouard a trouvé une vidéo de Soral intéressante, il y renvoie. Il est pour le moins spécieux d'en conclure que Chouard épouse l'idéologie soralienne et entre ainsi dans la sphère "rouge-brune". L'inanité d'une telle vue ne décourage nullement les journalistes et antifas qui s'en donnent à cœur-joie. Répondre que sur ce site, il y a des milliers de liens, renvoyant vers des personnes aux idéologies très différentes, contradictoires, incompatibles, cela ne sert à rien. Un jour peut-être, un antifa nous expliquera comment nous pouvons être à la fois d'extrême-droite (avec Soral), d'extrême-gauche (avec Lepage) et centriste pépère (avec Rosanvallon, par exemple). Je n'y crois guère, puisque la réponse apportée est systématiquement : "confusionnisme!"
Déjà, vous l'avez remarqué, il y a -isme, horresco referens! j'en tremble encore en l'écrivant. Ça fait très peur, et c'est ce qui s'appelle la "nébuleuse", la "galaxie", la "fachosphère", etc. Nous serions des abrutis incultes et incohérents politiquement, seulement animés par la Haine et la bêtise de nos convictions, et nous nous retrouverions ainsi avec tous les autres abrutis haineux de tous horizons. Philippe Val et Marek Halter diraient de nous que nous sommes les mécontents, des hommes de ressentiment. Bref la Haine! Et les extrêmes se rejoignent quand ils voient le chiffon rouge ou le chiffon brun des haines voisines. Haine de qui? haine de quoi? attendons le diagnostic de nos bons docteurs.
La lecture accompagnée et le permis de lecture à points
Entre-temps, avançons. Cheminons. Certains se rendent en effet compte de la nullité de la position précédente, et optent alors pour l'argument n°2. "D'accord, nous sommes adultes et intelligents, nous savons faire la part des choses, et ce n'est pas parce qu'on écoute quelqu'un raciste que nous allons le devenir..." Ah? Oh! "... mais, c'est notre cas parce que nous sommes éveillés à ces questions, mais les gens qui découvrent tout ça, et qui tombent innocemment sur le site de Soral, ils vont se faire influencer." Ouf! je me disais bien qu'il y aurait un "mais"!
Je dois bien reconnaître qu'il y a toujours un je-ne-sais-quoi de prétentieux dans cette attitude qui me heurtera toujours. De toute façon, cela résiste difficilement à l'épreuve des faits. Surtout, elle pose une contradiction dans les termes qu'il faut surmonter, j'y reviendrai.
Ce qui est proposé revient en quelque sorte à une lecture accompagnée. Le vil peuple ne serait pas assez intelligent pour comprendre ce qu'il va lire. Lire est dangereux pour la santé. Lire tue. Il faudrait se prémunir contre cela en publiant moult précautions oratoires et force avertissements. Que chaque lien soit précédé de la mention : "Inciter à la haine est très vilain, et n'oubliez pas de manger cinq fruits et légumes par jours". Peut-être pourrions-nous envisager la création d'un permis de lecture à points. Toute personne prise en flagrant délit de mal-pensance se verra retirer de 1 à 4 points, voire son permis d'un coup d'un seul dans certains cas. Des stages de récupération des points seront organisés par la LICRA.
Le cordon sanitaire
Certains trouveront ma proposition difficile à mettre en place. Il y a fort heureusement un plus efficace moyen à disposition. Le cordon sanitaire. Il y a des pensées très mauvaises, des maladies contagieuses. Il faut établir un cordon sanitaire. Certains le pensent sincèrement. D'autres pensent que ça évitera de donner le bâton pour se faire battre (mais sans jamais se demander pourquoi celui qui a le bâton nous bat!).
Cette logique du cordon sanitaire me parait parfaitement anti-démocratique. Dans le cas présent, c'est-à-dire réclamé par une équipe se préparant à la convocation d'une nouvelle constituante, c'est inadmissible. La logique du "cordon sanitaire" est une insulte insupportable, de mon point de vue, à l'ouverture d'esprit et à l'esprit critique. J'ai moi-même écouté ou lu Alain Soral avec lequel je ne suis évidemment pas sur la même longueur d'onde idéologique. De même, avec Adrien Abauzit, qui se pense Français donc chrétien donc de droite ; alors que moi, je me pense athée inter-nationaliste. Encore, avec Vincent Reynouard, qui se déclare nazi et qui pense que Hitler était envoyé par la providence divine... Jean Robin, qui voit des gauchistes et des islamistes partout ; François Asselineau, gaulliste s'il en est. Aucun de ceux-là, n'aura jamais pu et ne pourra jamais me convaincre d'épouser leur idéologie. C'est par les controverses que l'on a avec des personnes différentes que nous pouvons savoir où aller. Plus on écoute des gens différents et aux points de vue inattendus et plus on exerce son esprit critique. Étonnant, non?
La logique du cordon sanitaire est d'ailleurs également une insulte insupportable au principe de réalité : que faire de tous les gens parqués derrière le cordon sanitaire et qui n'auront donc pas eu leur mot à dire dans le processus constituant? Seront-ils citoyens français? d'une République qui les aura exclu? comment diable pourraient-ils s'y reconnaître? comment pourrions-nous arriver à un "intérêt général"? Si on les fait taire, ils vont prendre les armes. C'est ça le but? pour démontrer que ce sont d'horribles fachos qui veulent s'attaquer à la République? Comment faire République après un processus d'apartheid idéologique?
Le retour des "citoyens passifs"?
L'abbé Siéyes avait sorti de la citoyenneté "active" ceux qui ne gagnaient pas assez d'argent ; la canaille nouvelle, c'est ceux qui ne pensent pas bien. Seront considérés comme citoyens actifs les citoyens qui pensent bien. Joli programme. Qui restera-t-il d'ailleurs en fin de compte parmi les citoyens actifs, une fois ce formidable travail d'épuration idéologique terminé? Connaissant l'inclinaison de la pente (qui plus est savonnée) du principe de culpabilité par association qui prévaut : plus grand monde. Ça a commencé avec les nazis. Bon. Puis, les "négationnistes" soupçonnés de ne pas condamner assez les nazis. Bon. Puis, ceux qui sont soupçonnés de ne pas condamner assez les "négationnistes". Puis, Dieudonné, Soral, etc. Puis, Etienne Chouard qui refuse de condamner Soral. Puis, Judith Bernard qui refuse de condamner Chouard. Puis... enfin etc. c'est sans fin!
Je me propose même pour participer au grand ménage. Karl Marx était un horrible antisémite qui a du régler la "question juive" avant d'écrire Le Capital. Toute personne se réclamant de près ou de loin de Marx est donc à mettre derrière le cordon sanitaire. De la même façon, Voltaire était un horrible antisémite. Et hop! tous les Voltairiens, derrière le cordon! quarantaine! isolement! en camp! pfuit!
Cette Chasse aux Sorcières, cette Grande Inquisition est sans fin. Ce ne sont pas les "Sorcières" qui décident qu'elles sont "Sorcières". Et nous devons tous avoir en tête qu'une fois identifié "Sorcière", une fois une étoile sur la veste, c'est terminé, c'est plié. Ça nous poursuivra ad vitam aeternam.
C'est ce que nous avons à dire aux amis d'Etienne Chouard attristés par sa décision de maintenir le lien infamant. C'est foutu. Etienne sera à jamais soupçonné! pire! coupable! Lien vers Soral ou pas, ça ne change rien à l'Affaire. D'ailleurs, excusez-moi, mais je navigue un peu sur son site, et que vois-je?
- mention de André-Jacques Holbecq proche du parti de Dupont-Aignan, donc nationaliste donc proche du FN donc fasciste
- un dessin de Jean-Pierre Petit pro-théorie du complot
- mention de Bruno Boulefkhad antisémite proche de Soral et Dieudonné
- mention de Michel Collon, antisioniste = antisémite complotiste
- Robespierre = Terreur = Staline = fascisme
- mention de la loi de 1973 donc antisémitisme
- mention de Asselineau complotiste nationaliste d'extrême-droite étant allé chez Ayoub
- bon bref... un antifa ou un journaliste moyen a 12 000 occasions de conclure en 3 minutes qu'Etienne est un dangereux fasciste conspirationniste antisémite...
Le lien vers Soral est un prétexte. Un prétexte parce qu'il est extrêmement important pour eux de nous faire passer pour des nazis. Comment pourraient-ils justifier (et se justifier) que nous menions un combat idéologique censé dépasser leur "démocratie" par la gauche? C'est impensable pour eux. Nous devons être fascistes pour ces gens-là. Nous n'avons pas à nous excuser, à ramper, à avoir peur, à nous tétaniser face à ces accusations aussi grotesques qu'inévitables.
Système hétéronome et postuler l'autonomie
Je suis revenu à 1789 parce que ce genre de procédés qui me paraissent parfaitement anti-démocratiques sont en effet ceux qui posent les bases de la République laïque que nous combattons, au service depuis 1789 des possédants, qui ont fait la République, mais en donnant le mot mais pas la chose. Jaurès disait que la République contenait en elle le socialisme, et qu'il fallait déplier le mot. Cela n'a jamais été fait, bien entendu. Ceux qui nous attaquent n'en ont aucune envie, manifestement. Cette République d'honnêtes gens ne m'intéresse absolument pas.
Nous entendons penser la réforme démocratique (disons plutôt la révolution). Mais pour penser la réforme, il faut réformer la pensée, comme l'a expliqué Edgar Morin. Dans ce système qui postule notre infantilisation politique, notre hétéronomie d'électeurs tout juste bon à élire nos maîtres, nous devons postuler notre autonomie.
Chaque société, en s'auto-instituant, postule les conditions de sa possibilité. Tant que nous n'aurons pas postulé notre autonomie, nous n'aurons évidemment aucune chance de le devenir. Nos maîtres ne nous donnerons que des illusions, des ersatz d'autonomie. Et postuler notre autonomie, cela signifie postuler mon autonomie, mais aussi et surtout celles des autres.
Devenons tous des Zarathoustras. Il est là évidemment le Grand Désastre pour la Doxa (le régime de despotisme éclairé oligarchique dans lequel nous vivons et que nous avons accepté de nommer "démocratie"). Le Grand Révisionnisme. L'Histoire Expérimentale. Je mets des majuscules. C'est pour plaire, une dernière fois, aux Grands Inquisiteurs qui nous ont dans leur Grand Collimateur.
Faute de quoi, je ne vois pas de différence significative avec le comportement des honnêtes gens au pouvoir, et nous ne pourrons que reproduire le système qu'ils ont mis en place. Je n'en vois pas l'intérêt.
Faute de quoi, je ne vois pas de différence significative avec le comportement des honnêtes gens au pouvoir, et nous ne pourrons que reproduire le système qu'ils ont mis en place. Je n'en vois pas l'intérêt.