samedi 23 mars 2013

La démocratie folklorisée par la Shoah

L'arc démocratique. En joue ! Tirez ! (photo)
Daniel Cohn-Bendit publie un petit livre posant la question de la suppression des partis politiques. Il ne manque pas d'air, puisqu'il me semble qu'entre mai 68 et ce livre, il a largement vécu par et pour le système politique et ses partis, alors que la critique "anar" comme il dit mène tout droit à la suppression des partis, sans détour ni parenthèse... tout droit.

D'ailleurs, il parle de Simone Weil - c'était déjà sur la table à l'époque, non ? Bref, je ne vois pas l'intérêt du livre de Cohn-Bendit, mais prenons le sujet. A la suite de Rousseau, de Simone Weil, de Castoriadis, et d'autres, nous nous posons la question de la démocratie, à opposer absolument au "gouvernement représentatif" qui est notre régime. Simone Weil a raison : imagine-t-on le peuple donner son opinion comme dans les cahiers de 1789 ? Impossible. Désormais, seul le référendum lui demande de dire "OUI" ou "NON", et quand il dit "NON", c'est "OUI" quand même. Et ça, c'est ce qu'on appelle la "démocratie". 

Bon.


Voilà donc pourquoi il y a toute une réflexion citoyenne autour de ces questions (voir le Plan C), à mon avis plus légitime que celle de notre ami Dany. Mais Dany, il passe à la TV, contrairement à Etienne Chouard. Ça permet au système de jouer à se faire peur.

Il explique chez Taddéi que Ségolène / Trierweiler ou Fillon / Copé, ça justifie qu'on supprime les partis. Personne ne lui a posé la question du référendum de 2005... Non... non... c'est juste une histoire de tweets. La révolution dispose donc de bases solides : sous les pavés : le vent. Un peu d'agitation, pour rien. 

Mais cette agitation, c'est déjà trop. Immédiatement, Chantal Delsol, philosophe, comme Bernard-Henri Lévy, monte sur un grand cheval. On ne peut pas jouer avec ces questions. C'est très dangereux.

Elle montre, et c'est normal puisque c'est une philosophe, là où le peuple peut jouer (bac à sable) et là où il ne le peut pas (cour des grands). Simone Weil pouvait, en son temps, écrire un texte sur la suppression des partis politiques. C'était même un texte très beau. On ne savait pas, à l'époque, on était encore innocent. Mais après Hitler, ce n'est plus possible. 

On ne va quand même pas faire du beau après Hitler ! Ce serait insensé.

C'est-à-dire... Simone Weil avait raison, dans sa Note sur..., mais on ne peut plus avoir raison après la Shoah. Tant pis ! C'est une fausse démocratie, mais tant pis ! Il ne faut plus chercher la vraie. Oh ! ce serait mieux... c'est vrai... que le peuple s'émancipe... mais c'est trop risqué, ça doit rester un rêve puéril. Il vaut beaucoup mieux que les philosophes guident le peuple vers la Lumière. C'est plus sûr, surtout quand on est philosophe. 

Ainsi, à quiconque ressort la question démocratique, les belliqueux tenants du fameux "arc démocratique" le criblent des flèches que sont les crimes d'Hitler. C'est pratique...

C'est toujours la même opposition autour de laquelle nous tournons : Voltaire contre Rousseau ou l'élite contre le peuple. 

Avec la même hypocrisie insensée au passage. Pour Voltaire, le christianisme, c'est vraiment un truc de faquins, mais c'est très bien que les gueux croient, ça les empêche d'aller piocher dans la fortune qu'il a accumulée. Pour Delsol, c'est très joli Simone Weil, mais il vaut beaucoup mieux que le peuple écoute Patrick Cohen, ça évite qu'il se prenne à... penser par lui-même... à être philosophe...

samedi 9 mars 2013

Hugo l'infréquentable

Mercredi 6 mars, le réveil est difficile, hésitant, maugréant... il pleut de cette sale pluie pénible, juste faite pour saper le moral... sournoise et vicieuse, le contraire des franches pluies orageuses d'été. Néanmoins, puisque Réveil sonne, se lever il faut, c'est la loi. Quelques minutes plus loin, quelques degrés supplémentaires offerts par le thé matinal, c'est l'heure de prendre les nouvelles du jour. Chavez est mort... Les journalistes s'en donnent à coeur-joie, et ajoutent le retour (non-)annoncé de Sarkozy en politique. La journée commence mal. 

Je ne suis pas aficionado de Chavez, pas plus que de quelque autre homme politique d'ailleurs. Je connais extrêmement mal son action, tout autant que la vie des Vénézuéliens. Ce n'est cependant pas le sujet, ses adversaires n'étant bien entendu pas plus au faîte que moi... de cet arbre-là. 

Ah ! bien entendu, ils nous font croire le contraire. Par je-ne-sais quel miracle, ils sont par exemple extrêmement inquiets du sort des Syriens, et d'immenses connaisseurs de ce pays. En revanche, tumulte et fracas en... disons... Bostwana... bah ! ils ne savent même pas ce que c'est - tartufes ! 

Je ne discuterai donc pas de la réalité de la vie vénézuélienne et des éventuels bienfaits ou méfaits de Chavez vis-à-vis de sa population. Cela pourrait pourtant être intéressant - mais demanderait le temps de se forger un avis, de soupeser. 

En revanche, Chavez veut dire beaucoup de choses, sur l'idéologie dominante de notre société à nous - et là, je suis en terrain connu. 

Les plus féroces, les plus voraces, les plus acharnés à piétiner Chavez, qui sont-ils ? A droite ? Mais non. On trouvera même un Nicolas Dupont-Aignan pour honorer la mémoire de cette "légende vivante". Quant à François Asselineau... Vous me direz : ce n'est pas la vraie droite, mais des populistes = fascistes = nazis, les extrêmes se rejoignent, bla... bla... et reblabla. 

Mais non, les plus virulents, ils viennent bien entendu - c'est tellement évident ! ils viennent du centre-gauche. Daniel Cohn-Bendit, les yeux hors de la tête ! Libération tire à boulets rouges ! Rue89, le Nouvel Obs' - feu à volonté. Ils multiplient les articles, ils mettent la gomme pour dégommer l'icône des "extrêmes qui se rejoignent". Tout est bon. Et surtout, bien entendu : "antisémite" !... chaud ananas... 

C'est un ami de Mahmoud ! un ami de Bachar ! 


Ce n'est pas suffisant. Mais nos amis honnêtes gens de bien ont plusieurs cordes à leurs arcs. Ils trouvent également particulièrement choquant que l'argent du pétrole ait été utilisé par Chavez pour... tenez-vous bien... que les pauvres puissent se nourrir à des prix plus bas que le marché... pardon... que le Marché. Une honte sans nom ! C'est pas fait pour se nourrir des pauvres. Mille pauvres ont plutôt comme rôle de mourir de faim pour qu'un riche voit venir la Kroaaa-ssance. 

Ce centre-gauche est incroyable. Vous savez, ce sont les gens qui écument les plateaux TV pour dire... crier... professer surtout... mais chanter aussi... que l'UE c'est magnifique, parce que c'est un formidable contrepoids aux USA. Et le lendemain, ils sont là, ce sont les mêmes absolument les mêmes, et ils ont apporté avec eux leur citerne de salive pour être certains de pouvoir cracher assez longtemps sur tous les réels contrepoids aux USA. 

Par un tour de passe-passe invraisemblable, ils ne s'intéressent (se préoccupent) de la politique intérieure des seuls pays hostiles aux USA. L'Arabie Saoudite ? Qu'on coupe les mains de cette femme adultère ! Pujadas n'en a rien à foutre. En revanche, on fera 150 introductions de JT sur le cas Sakineh en Iran (qui, à ma connaissance, n'a toujours pas été exécutée, à la différence d'un cas similaire aux... USA). 

Le pétrole, ça doit servir à faire un Mondial de Foot au milieu du désert. Ça, c'est bien. Là on est bon. De la Kroaa-ssance, du sang et des larmes, on en aura plein à plus savoir où les mettre, de la construction à la destruction en passant par l'esprit Coubertin de la compétition. Permettre aux pauvres de se nourrir ? c'est le comble de l'infâmie. 

Mélenchon sauve l'honneur. Il est bien le seul, comme d'habitude, mais il respire l'hypocrisie et la tartuferie, comme d'habitude. Il est de la première cohérence pour Chavez de nationaliser la rente pétrolière et de soutenir la souveraineté de tous les pays attaqués par l'Empire. Mais Mélenchon, lui, tombe dans le panneau (nous fait tomber dans le panneau, plutôt) des droits de l'homme, de la liberté, de la démocratie, et ta sœur ? elle bat le beurre. En tant que Vénézuélien, on n'a pas à se prononcé sur la politique intérieure en Libye. Ah ! on peut souhaiter que les Libyens se libèrent et s'émancipent... mais on ne saurait le faire à leur place, malgré eux (Robespierre : "les missionnaires armés ne sont aimés de personne"). Ce n'est pas notre sujet. Ce qui l'est, en revanche, ce sont les enjeux géopolitiques, qui consistent à remplacer des dirigeants locaux qui sont ce qu'ils sont par des pantins du FMI. D'où une solidarité assez comparable à celle de communistes et de maurrassiens vous savez dans quelles circonstances. 

Qui saura m'expliquer le Progrès qu'il y a à ce que trois abrutis réfugiés à Miami accumulent les milliards de pétrodollars, plutôt que des millions de gens puissent manger à leur faim ? Ils s'y mettent à beaucoup, nos amis du centre-gauche. Ils sont moins convaincants que jamais.