dimanche 27 mai 2012

Expert bla bla !

Deux nourritures me donnent des boutons : les arachides, et les experts. Les arachides, je comprends qu'elles passent pour la plupart de mes coreligionnaires... mais les experts !... comment leur nocivité n'est-elle pas universellement admise ! reconnue ! entendue, acquise... on n'en parle plus, c'est fini, terminé !

Au lieu de ça, ce ne sont que rivalités pour les supporter. Elle a bonne presse aussi, la tolérance. Et nous y sommes tellement accoutumés, à leur présence. Il faut dire : nous avons été bien dressés.

Ah ! on en demande et redemande de la parole d'expert ! certifiée... validée... conforme ! réglementaire et tout, sérieuse ô combien ! oh ! ah ! lumineuse ! implacable ! logique ! démontrée...

Mais oui, en voulons-nous en voilà de la propagande ! de la belle langue de bois, du jargon techniciste... ce ne sont qu'entourloupes et emberlificotages, du parler Robot. Montrez-nous encore, abreuvez-nous encore de ces Phares de l'humanité, et Gloires du Progrès, nous aimons tant ça.

La palme, là on ne tient plus, elle revient à l'expert économiste. Comme antinomie, ça se pose : expert économiste. Article 1 : tout individu se présentant comme "expert économiste" devra porter un nez rouge et un chapeau pointu. 

Petit tour par l'étymologie : 
"Espert, du lat. class. expertus « éprouvé, qui a fait ses preuves », part. passé de experiri « éprouver, faire l'essai, tenter de réaliser »; expert par réfection étymologique"
L'économiste ne fait aucun essai, ne tente rien, ne prouve rien et, je vais l'ajouter avec plus de mauvaise foi que de souci d'exactitude, n'éprouve rien. Son habileté serait assurément plus difficile à démontrer que le Théorème de Fermat. Par définition, un économiste n'est pas un expert. N'importe quel licencié de l'industrie a plus de connaissance pratique que notre >> expert << économiste. Ne s'étonneront de les voir systématiquement valider le sinistre jeu bankster "Pile je gagne, face tu perds" que ceux qui ne se sont jamais renseignés sur leur situation d'employés de banque ou plus simplement encore de banquiers. Il n'y a plus beaucoup d'excuses à cela aujourd'hui entre les films de Pierre Carles, les livres (celui de Mauduit, dernier en date), le travail d'ACRIMED, etc. 

Passons, donc. Et relions. C'est la figure même de l'expert qui doit être détruite. Ma réflexion sur ce sujet a commencé avec la lecture de l’œuvre d'Edgar Morin, penseur de la complexité qui en dénonçait très bien les dangers : l'hyper-spécialisation et l'hermétisme de plus en plus poussés. A chaque sujet, ou plutôt micro-sujet, son spécialiste, hyper-pointu, mais analphabète sur les micro-sujets de ses comparses. Le développement des connaissances risquant de nous les faire perdre et d'amener à la dictature de l'expert. Le citoyen de base n'a pas les moyens de comprendre les enjeux, il faut donc laisser la décision à ceux qui savent. Par exemple : les employés de Goldman Sachs (exemple choisi au hasard).

En fait, ce problème n'est que la réactualisation d'un vieux problème. Ça a toujours été le même. C'est celui de la démocratie. Il y a ceux qui >> savent << qui ont peur de ceux qui ne savent pas. Les >> Républicains << n'ont pas donné le droit de vote aux femmes pendant 1 siècle parce qu'ils avaient peur d'elles, soumises selon eux aux curés. Il y avait le Parti Intellectuel dénoncé par Charles Péguy comme étant le pire pouvant exercer sa domination. Aujourd'hui, on a notre ami BHL qui nous explique doctement que la démocratie, c'est quand on a le temps, sinon, il faut que quelqu'un passe au-dessus (lui, par exemple). 

Tout cela a une longue perspective historique. Les >> experts << aujourd'hui se réfèrent systématiquement à Voltaire, non sans raison. Voltaire m'a toujours paru suspect pour son attirance vers le despotisme éclairé et son mépris corrélé de la "populace". Rousseau n'était pas sur cette ligne, mais nos >> experts << en dignes héritiers de Voltaire ont fait de Rousseau le grand-père de Robespierre lui-même grand-père de Staline. D'après les liquidateurs du Peuple, parler du Peuple c'est du "populisme" soit quasiment du "fascisme" de mangeurs d'enfants et d'assoiffés de sang. Voltaire, si souvent cité par le si bon Henri Guillemin : "Un pays bien organisé est celui où le petit nombre fait travailler le grand nombre, est nourri par lui, et le gouverne." Passez, muscade !

Et vous savez quoi ? On n'a pas besoin de Voltaire contre la religion. De toute façon, la religion, c'est fini... les sacralités sont ailleurs aujourd'hui. L'athéisme doit être radical. Aller à la racine. Cornélius Castoriadis nous a donné les armes théoriques de l'autonomie politique. Nous faisons société et nous écrivons nos lois. Nous pouvons le faire : nous devons le faire. Toute hétéronomie est à rejeter. On s'en fout ! que ce soit Dieu, le Roi, l'Expert, qui nous gouverne. Nous ne voulons pas être gouvernés. 

A ce stade, seuls les démocrates pourront me suivre. Ça implique en effet de faire confiance au Peuple, à l'éducation populaire, à l'éducation du peuple, par le peuple, pour le peuple. Il faut admettre que le citoyen est compétent. C'est difficile.

C'est pour cela qu'un échange avec une écolière m'a fait particulièrement plaisir, alors que nous construisions une montgolfière : 
- et tu en as déjà construit beaucoup des montgolfières ?
- non, jamais ! c'est la première...
- ah bon ! mais alors comment tu as autant d'expérience ?

Ça m'a fait très plaisir, non pas pour mon cas personnel, mais pour ce que ça veut dire du mythe de l'expertise. Je ne suis pas expert. Mais un petit travail, quelques renseignements pris, quelques recherches documentaires effectuées, et quelques essais réalisés permettent de (s'auto-)former et de devenir compétent. Nous sommes face à Alain Minc comme cette petite fille face à moi : nous fabriquons nous-même l'imposture dans laquelle l'expert nous enfermera. Il est tout à fait illégitime de se sentir incompétent.

L'adulte, de manière bien plus générale que l'enfant, se postule incompétent. En un sens, c'est un signe de sagesse, parce qu'il est vrai que la liste est infinie de ce que nous ignorons. Mais c'est virtuellement faux. Il est à la portée de n'importe qui de devenir compétent sur un sujet de son choix, à la condition d'y travailler, de chercher, d'avoir conscience de son ignorance et de ne pas la tenir pour grave : on a le droit de se tromper et c'est justement en vérifiant ses idées et corrigeant ses erreurs que nous progressons. Mais, l'adulte, il a subi le schéma descendant tout son parcours scolaire durant, et toute la journée à la télévision. Les voltairiens des deux derniers siècles lui ont très bien enseigné la résignation sociale.

Rien n'est fait pour que nous prenions conscience de notre capacité à construire notre savoir. Pourtant, le faisant, nous retrouvons par la même occasion : 
- du plaisir
- des connaissances
- du lien et de la transmission
- de l'estime de soi
- de la curiosité, de l'éveil à son environnement
- de l'autonomie intellectuelle, et politique

Quand Franck Lepage et ses amis organisent des ateliers de désintoxication du langage, il n'y a pas besoin d'avoir lu Marcuse, il n'y a pas besoin d'être un linguiste hors pair, un sémiologue internationalement reconnu. Il suffit d'avoir un vécu, et de tiquer sur certains mots et expressions... et de construire tous ensemble un corpus, des lignes, une logique, du sens même pour se bâtir une force d'auto-défense intellectuelle. Dans mon métier, il n'y a pas une journée sans qu'un gamin ne débarque pour m'apprendre quelque chose sur une expérience que je peux pourtant avoir déjà faite des centaines de fois ; tous deviennent la démonstration que chacun peut construire du savoir.

C'est très bien qu'il y ait des scientifiques très pointus qui travaillent dans leurs laboratoires avec de grands moyens sur l'effet Venturi par exemple. C'est autre chose, beaucoup plus signifiant politiquement, que nous, le Peuple, s'éduque de lui-même. C'est possible, et c'est ça, la démocratie. Nous pouvons, le Peuple, écrire nos lois. C'est tout le sens du combat mené par Étienne Chouard.

La tête du mouton qui tombe doit donner envie de se poser la question.

dimanche 13 mai 2012

D'une opposition l'autre - 1er épisode

Il n'aura pas fallu longtemps. Le jour-même de la passation de pouvoirs, Hollande allume la mèche et la vend. Rien encore de concret, pas encore de détricotage social, ni d'entourloupe économique, pas plus que de félonie institutionnelle. Non, du symbolique.

Le premier acte de son quinquennat sera donc de rendre hommage à Jules Ferry. On entend déjà pleurer dans les chaumières. Les rédactions ont préparé leur dossier tout le week-end, soyons-en assurés. Nous en aurons pour notre argent de la >> République << : éducation ! lois laïques ! jeunesse ! démocratie ! n'en jetez plus !... Ce ne seront que des "Oh !" et des "Ah !". Jules Ferry. 

Mais ce Jules-là (il y en avait d'ailleurs beaucoup d'autres du même acabit à cette époque, on disait même "Les Jules"), nous l'avons dans notre collimateur. Je maudissais le >> centre-gauche << le 7 mai. Jules incarne le >> centre-gauche <<. C'est comme ça, il y a des gens qui incarnent, ils le veulent tellement, ils sont tout entier occupés à incarner, la France, ceci, cela, pour Ferry c'est >> centre-gauche <<. Je rappelle que cela signifie pour nous : extrême-droite. Et comme je sais que c'est difficile à admettre, et que je ne voudrais pas être lapidaire, voici : 

1/ du lapidaire : le >> centre-gauche << ! Mais oui ! Ferry-famine ! Les Versaillais ! La République pour de rire ! La générosité des races supérieures de coloniser les races inférieures ! Yabon Ferry ! 




Résumons-nous : ces gens-là se sont précipités au pouvoir pour éviter une République rouge (populaire, socialiste), ils ont fabriqué une République (voltairienne) pour de rire, en lui donnant une image modernisée et progressiste pour la faire accepter ; ils ont remplacé le curé par l'instituteur (et c'est en effet positif) de manière à ce que ce soit l'instituteur qui enseigne la résignation sociale au peuple. Ce bilan-là ne sera pas fait. Effectivement, cet homme n'est pas dangereux (pour les gens de bien, les gens qui ont du bien).

Sic transit gloria mundi, amen.

dimanche 6 mai 2012

D'une opposition l'autre

Les mots ont un sens. Nous nous les faisons voler. Ils sont retournés. Et nous les ingurgitons alors en parfait contresens.

5 années de forfaitures et trahisons en tous genres m'ont poussé à voter NON, CONTRE. Il y a eu l'opération "un génocidé par CM2"... il y a eu le bouclier fiscal... tests ADN... lettre de Guy Môquet... il y a eu la >> réforme << des retraites... mais le Traité de Lisbonne : haute-trahison... il y a eu aussi les vacances payées aux Roms... encore l'ami Kadhafi et aussi... l'ami BHL... et tant pis pour l'ami précédent... il y a eu le curé supérieur à instituteur... mais l'Homme africain pas assez entré dans l'Histoire... il y a eu le référendum >> d'initiative populaire << dans la >> Constitution <<... ah ! il y a eu la Kkkrrriiiiiiiiiiiiiiizzzzzzz, la vente de l'or, des autoroutes... il y a eu l'Arche de Zoé... le retour au bercail OTAN... la Géorgie, aussi, la Syrie, aussi, Ben Ali, aussi, notre ami, aussi... mais l'Ivoirie... Laurent est vilain... il y a eu l'Afghanistan, la nomination Audiovisuel depuis l’Élysée - coucou Jean-Luc et Philippe... on a encore eu le service minimum... et la rétention de sûreté... avec une loi par fait divers... il y a eu la mille et deuxième nuit : la fable de Karachi... les zaffaires... pas les citer toutes !... il y a eu la Grèce, l'Europe, le Monde, sauvés une ! deux ! trois ! vingt-sept ! trente-six fois !... le capitalisme moralisé !... les paradis fiscaux supprimés !... il y a eu vingt-sept ! vingt-neuf ! soixante-dix nouvelles taxes !... il y a eu 500 milliards de dette supplémentaires, ETC.

Bon, ça suffit comme ça. 

Pour autant, je n'ai pas voté POUR.

Disons-le, dès maintenant, et aussi clairement que possible.

Nous avons identifié François Hollande. Pas même comme "capitaine de pédalo" ! certes il l'est. Pire que ça. Il est, typiquement, le Président du >> centre-gauche <<, c'est-à-dire selon les mots de l'Empire : >> républicain << >>social-démocrate <<.

Mais selon nos mots, le >> centre-gauche << c'est tout autre chose parce que nous avons écouté Henri Guillemin nous en raconter l'histoire biséculaire. Pour nous, c'est le parti voltairien ("un pays bien organisé est celui où le petit nombre fait travailler le grand nombre, est nourri par lui, et le gouverne"), c'est le parti ploutocrate, celui des Versaillais contre le peuple. Le >> centre-gauche << c'est l'extrême-droite. "I am not dangerous !" est l'aveu de leur parler par contresens. 

Nous avons à rétablir les mots : démocratie, République, libéralisme, Constitution, socialisme, internationalisme, Peuple, gauche, Travail, lutte des classes, révolution, etc.

Ce vote ne vaut pas caution. Il n'est pas question de valider la poursuite de la liquidation du Travail au prétexte de politiques pour l'emploi. Nous avons déjà reconnu la tête du "contrat de génération", mais aussi de la socialisation des dettes. Il n'est pas question de valider quelque agression que ce soit à l'étranger. Nous connaissons aussi bien 1983 que 1984.

Ce matin, nous étions opposants au >> centre-gauche << >> populaire <<, ce soir nous devenons opposants au >> centre-gauche << >> socialiste <<. Nous ne sommes pas dupes de ce >> changement << guépardien.

D'une opposition l'autre...