Un croissant, du vert... je suis plongé dans une sorte de syncrétisme byzantino-ottoman tout ce qu'il y a de plus réjouissant. Hélas ! c'est de la nouvelle métamorphose du capitalisme qu'il s'agit, et des armes idéologiques qui servent à sa propagande.
Ce mois-ci,
La décroissance égratigne quelque peu
Edgar Morin et la "complexitude" comme il est écrit, en hommage à qui vous savez. Pourquoi Paul Ariès "démonte"-t-il ainsi le penseur de la complexité ?
1/ Il s'est rapproché de Nicolas Hulot, et donc du "capitalisme vert" ce qui est assez pathétique en effet.
2/ Ce rapprochement était en germe dans sa pensée. Là, il me semble qu'il y a un simplisme. D'accord, on a parfois l'impression qu'Edgar dégrade lui-même sa fameuse "pensée complexe" (et il annonçait d'ailleurs cette dégradation à venir, la dénonçant dans tous les autres courants de pensée féconds à leur naissance). Mais il y a des choses à dissocier quand elles sont plus emmêlées que reliées. Ce que j'ai appris de ma lecture de Morin, entre autres, c'est en effet de prendre garde au discours de propagande des puissants qui segmentent, séparent, rendent illisibles les enjeux, incompréhensibles les débats hyperspécialisés, et empêchent l'accès du commun des mortels aux prises de décision. Puisque tout est trop complexe, seuls les experts peuvent en parler. C'est l'exact contraire de ce que prônait Morin. On voit bien l'entourloupe, et Ariès la dénonce bien : un avis un peu tranché sera immédiatement condamné comme étant simpliste, et corrigé par un expert autorisé par le système médiatique. C'est la Grande Modération. Pas de censure, non, mais la transformation du plus banal trafiquant de lieux communs en génie de la subversion. Laurent Gerra nouveau prophète libertaire. Je ne suis pas certain que Morin soit responsable de cette druckerisation du monde.
C'est vrai qu'il y a, quelque part, un destin à la Guy Debord, révolutionnaire contre la société du Spectacle, et qui a fini par produire un film pour Canal+... avec une armée de sbires "situationnistes" tous plus cyniques et médiatiques les uns que les autres. La complexité subit peu ou prou le même sort. Bref, on voit bien, en effet, le dogme démocratique libéral vanté par les éditorialistes à écharpe s'emparer de la complexité contre l'horrible meute fascisante (i.e. le peuple) qui ne comprend rien à rien. On est loin du Morin de l'anthropolitique, par exemple. Là, c'était radical. Et pour reprendre l'opposition croissance/décroissance, comment ne pas vouloir la dépasser ? Pas pour dire qu'il y a du bon dans le modèle de croissance. Mais pour sortir d'un mode de pensée quantitatif. Produire plus, produire moins ? Ce n'est pas la question, qui devrait être celle du mieux, du qualitatif, du bien-être. Comme le disait Castoriadis, détruire la motivation économique.
La
chronique, dans le même numéro, de
Jacques Testart est plus réjouissante. C'en serait même à hurler de rire. L'idéologie du Progrès est ridiculisée en quelques lignes, lisez-les. On y apprend comment on fait des progrès pour réparer les dégâts des anciens progrès. Jubilatoire. Ça me fait penser à une chronique de
Vialatte, ô combien d'actualité, qui se félicitait de l'invention de nouveaux médicaments... pour lesquels il ne restait plus qu'à inventer les maladies. On n'arrête pas le progrès.