lundi 29 août 2011

Le pire-que-capitalisme

Allez, je jette en pâture. Pas le temps, pas le courage, pas l'envie pour le moment de creuser. Juste une intuition, subite. Dans un monde capitaliste, on aurait laissé les banques intoxiquées couler et de nouvelles plus saines auraient pris place, il me semble. Dans un monde capitaliste, on poursuivrait la marche en avant, le travailler moins pour gagner plus, il me semble. Il ne suffit donc pas que le monde soit capitaliste, ce contre quoi il paraît déjà ringard de se battre. Il est pire-que-capitaliste.

Je ne sais pas. C'est d'autant plus étrange, j'ai eu cette pensée immédiatement après m'être commémoré un passage du Journal de Léon Bloy, mentionnant son périple chez Émile Zola. Émile Zola. Comme dirait Dieudonné, au-dessus c'est le Soleil de la littérature, fin du XIXe siècle. Et pourtant, quel abject, quel abominable, intolérable comportement :

14 juillet 1892
Fête nationale du Goujatisme. Expédition à Médan. Voyage cruel, avec des griffes autour du coeur. Introduit dans cette maison videment cossue, je fais passer une lettre ainsi libellée :


Monsieur, J'arrive de très loin - de toutes manières - et je vous prie de m'accorder un quart d'heure d'entretien, une demi-heure, s'il est possible, pour une communication dont vous apprécierez l'importance. Mais seul à seul.
Ne croyez pas trop aux légendes de la haine et n'écoutez pas non plus vos ressentiments personnels. Dites-vous simplement que ma démarche doit avoir pour objet quelque chose de tout à fait impossible à conjecturer et recevez-moi, sinon par curiosité, du moins avec la bienveillance et la bonne humeur qui conviennent à votre force.
Agréez, Monsieur, l'assurance de mon respect insolite pour l'auteur de La Débâcle
LÉON BLOY

- Il s'agit, aurais-je dit à Émile Zola, de Barbey d'Aurevilly, enterré depuis trois ans, dont vous fûtes l'ennemi et qui fut le vôtre. Et je lui aurais offert de m'aider à sauver la précieuse collection. Le portrait du dernier des Goncourt était devant moi, me rappelant un abominable passé. Après cinq minutes, le domestique vient de me dire que Monsieur ne peut pas me recevoir. Il a du monde et ne saurait se déranger. J'insiste pour savoir si je serai plus heureux un peu plus tard. La consigne est absolue. Le drôle ne me recevra pas. Je m'en vais donc, délivré de l'horrible constriction du coeur, mais submergé, noyé de dégoût.
Comment est faite cette âme ? Voici un homme comblé de bonheur, rassasié de triomphes, qui sait que je suis un artiste pauvre, VOLONTAIREMENT pauvre, que je viens de faire un vrai voyage : trois quarts d'heure de chemin de fer et une demi-heure de marche, pour essayer de le voir, ayant dépensé peut-être pour cela mes derniers sous - et qui ne me reçoit même pas ! 
Il avait du monde, Huysmans ou quelque autre ennemi. Naturellement, on dira partout que je suis venu lui demander l'aumône. Un instant, je suis tenté de revenir sur mes pas et d'exiger la restitution de ma lettre. A quoi bon ?
J'explique ceci à ma chère femme qui se désolait d'avoir prié vainement pour moi : la prière n'est pas pour obtenir, mais pour consoler Dieu (II Machab. VII, 6)
Il paraît qu'à Montmartre, on a dressé une grande croix lumineuse. Cette profanation manquait. Fruit charmant du républicanisme de Léon XIII. Visiblement, la fin est proche.


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