mardi 24 mars 2009

Obama ? No, I can NOT

Manifestement, ce que j'ai dit, à la dérobée à chaque fois, sur Obama en étonne plus d'un. Alors je vais essayer de regrouper ce que je pense sur le sujet, afin que ce soit peut-être mieux compris. Je voulais le faire, au moment de son élection. Mais je me suis aperçu que j'avais été doublé par Marc-Edouard Nabe qui y avait consacré son dernier "Tract", intitulé Enfin Nègre ! Or, ce qui est écrit dans ce tract, je le pense aussi, bien que parfois ce soit difficile à admettre. Par exemple, puisque cette remarque m'a été faite, sur Abd al Malik : je l'aime bien, et sa musique avec, et en particulier son exigence littéraire et artistique alors qu'il est plus souvent convenu dans le rap d'afficher des grosses voitures et des filles dessus, dedans, à côté, peu importe ; mais Nabe a malheureusement raison sur son rôle de berger aux ordres d'une méprisable "intégration républicaine" (tu parles). Bref, je crois avoir donné le lien du tract, et ça m'évitait d'en parler.

Finalement, que puis-je reprocher à Obama ? Pas grand chose. Politiquement, ce n'est pas mon trip. Moi je suis anti-capitaliste, alors Obama, Clinton, McCain, Bush... quelle différence ? A la limite, vous pouvez tenter de les ranger en deux catégories, les marchands de sparadrap ® d'un côté et les marchands de mercurochrome ® de l'autre... mais ça fera une belle jambe de bois aux éclopés, de plus en plus nombreux, de ce système. En gros : aucun intérêt. De toute façon, le pouvoir échappe aux politiques, et c'est la raison de cet extrême-centrisme, c'est ce qui rend les gugusses interchangeables. Sarkozy peut bien faire son gouvernement photogénique, il sait très bien que les ministres ne feront rien. Dati n'a pas été choisie pour sa compétence, mais plutôt pour son incompétence, et le fait que... Ceux prétendument de gauche qui rejoignent Sarkozy n'ont rien à trahir. Il n'y a plus d'industrie nationale, alors que voulez-vous que les politiques fassent contre Big Moustache ? Les actionnaires décident et puis c'est tout. Ah, nos amis font le G20, et ils vont s'attaquer aux paradis fiscaux. On va voir ce qu'on va voir. Le premier paradis fiscal est Londres. Faut être sérieux deux minutes. L'eurogroupe est dirigé par le premier ministre luxembourgeois. Ahaha. Bref, économiquement, il n'y a rien à attendre de quelque politique que ce soit. Obama ou un autre, c'est pareil. Mais si vous voulez, ça explique que je n'ai aucune admiration pour Obama, et que je n'attends strictement rien de lui.

Au niveau de la politique extérieure maintenant. Je ne vois aucune inclinaison positive. Le départ d'Irak était déjà prévu et j'attends de voir. L'Afghanistan, allons-y gaiement. S'il venait à laisser l'Iran tranquille, ce serait parce que le zouave Brzezinski veut toujours placer ses pions autour de la Russie et donc qu'il vaut mieux avoir l'Iran comme allié. Donc le Pakistan en ferait les frais. Dans les faits, tout se poursuit tout à fait logiquement. Et c'est normal, c'est la realpolitik. Je ne vois pas pourquoi les USA ne défendraient pas leurs intérêts. Il ne faut pas compter sur moi pour cautionner ça, en revanche. Qu'Obama montre un visage moins agressif que Bush est une chose. Que sa politique soit vraiment différente en est une autre à laquelle je ne crois pas une seconde. Il m'est demandé si je préfère quand même Obama à Bush. C'est le genre de question qui ne se pose pas. Ne serait-ce que pour la prestance intellectuelle, enfin il y a un monde entre les deux. Mais quand bien même Obama serait super gentil et super intelligent et Bush très très méchant et stupide, ce n'est pas là l'essentiel. Nombreux sont ceux qui prétendent par exemple que DSK aurait été très bon président mais que Ségo est une catastrophe. Mais ces deux-là auraient conduit exactement la même politique : leur niveau de culture, leur intelligence supposée n'est pour rien dans l'histoire. Donc, si je résume : je n'ai rien contre Obama spécifiquement, il est comme n'importe quel homme politique (plus brillant que les autres, mais enfin) et n'a aucune chance de répondre à une attente qu'on serait en droit de lui opposer.

Il ne susciterait donc que de l'indifférence chez moi, s'il n'était pas l'objet d'un invraisemblable engouement international. Et là je renvoie plus spécialement à Nabe. C'était une véritable communion générale ici en France parce qu'Obama était élu. Ce n'était certes pas pour son programme économique génial ou pour sa politique extérieure formidable. C'était bel et bien parce qu'on voyait un noir à la Maison Blanche. Le rêve de MLK était réalisé. Et c'était ça, le rêve américain. Et que ce n'était possible qu'aux USA (tu parles... et Morales pour ne prendre qu'un exemple ?). Or, si Obama est "noir", il n'est pas "nègre". Il n'est pas ce qu'on croit voir en lui. Ce n'est pas du tout la réalisation du rêve de MLK, c'est même le contraire. On est content parce qu'un noir est Président. C'est-à-dire qu'on juge le type à sa couleur de peau. C'est du racisme, tout simplement. Et ce racisme est déguisé sous l'antiracisme le plus sincère. C'est par la plus belle admiration de MLK qu'on saute de joie aujourd'hui. Et le fait est qu'il n'a pas mené une campagne de nègre, et pour cause. S'il l'avait fait, jamais il n'aurait été élu.

Il y a aussi que l'Europe voulait voir une Amérique sous un meilleur visage. Bush était vraiment très très méchant. Obama remplit donc la fonction de redorer un blason. Juste par sa couleur de peau. Car dans les faits, rien ne changera. Ce qui aurait donc suscité les hauts cris si Bush l'avait conduit, ça passera comme une lettre à la poste puisque c'est le gentil Obama qui le fera. Autant dire que c'est à mes yeux encore plus inquiétant. Moi, ce n'est pas Bush qui m'écoeurait, mais l'occupation de l'Afghanistan. Sous Obama elle reste la même. Du moins trouvait-on des opposants du temps de Bush. Maintenant, tout va bien, la pacification est certainement en cours. En tout cas, l'opium doit arriver au Kosovo, pas de problème. Bref.

Voilà, je vais en rester là. Je ne sais pas du tout si ce petit billet rend plus claire ma position. Elle résulte du décalage entre mon opposition politique et l'engouement ambiant lequel ne me dit vraiment rien qui vaille.

PS : j'ajoute au sujet de ma phrase jugée provocante dans ma revue du concert d'Ahmad Jamal [D'ailleurs, il n'a pas été invité par Obama, comme aucun des grands jazzmen vivants, lors de l'investiture de ce dernier, ce qui à la fois déshonore Obama et honore Jamal.] Ce n'est pas de la provocation. Je pense vraiment que c'est honteux pour un artiste de célébrer un pouvoir quelqu'il soit, ça c'est mon côté anar, et je suis donc heureux que Jamal n'ait pas eu à se compromettre de la sorte. En revanche, cette absence n'est pas une source d'honneur pour Obama.

dimanche 22 mars 2009

Et c'est ainsi qu'Ahmad Jamal est grand



Le printemps m'apporta un miracle. Les quelques dernières semaines écoulées, je m'immergeais joyeusement dans le jazz, aussitôt converti ; et l'une des figures m'ayant le plus marqué était peut-être celle d'Ahmad Jamal. Ce vendredi 20 mars, je pars donc à la recherche d'informations le concernant lorsque je tombe sur une phrase qui retient mon attention : "Ahmad Jamal en concert". Je n'y crois pas. J'estime la vérification indispensable. Et quelle ne fut pas alors ma stupeur de constater une réponse dans le moteur de recherche du marchand de culture ? Je n'étais pas au bout de mes surprises. Le concert était prévu à Lyon, à l'Auditorium. Diantre ! La lucidité devait me quitter à ce moment-là. Et c'était regrettable, puisqu'il me fallait encore prendre connaissance de la date : "21 mars 2009". De par ma chandelle verte ! Le sang-froid ayant été définitivement perdu, je ne savais plus si la date du jour était le 20, le 21 ou le 22. Nous étions bel et bien le 20 et il ne me restait plus qu'à aller me procurer, fébrilement, ma place (l'une des dernières) pour aller voir le lendemain sur scène l'un des derniers grands jazzmen ! Stupéfiant.


21 mars 2009, 20h30. Les lumières s'éteignent. Les musiciens entrent. James Cammack à la basse, James Johnson à la batterie et Manolo Badrena aux percussions. Et voilà Ahmad Jamal, avec sa démarché hésitante de vieille légende. C'est parti. Il va malheureusement m'être assez difficile de parler des morceaux. Je me contenterai donc de faire part de mes impressions. Il s'agit d'être clair : ces presque deux heures de concert étaient fabuleuses. Le jazz a cette puissance dans ses gènes qui bouleverse, choque même. Nietzsche disait qu'on écoute avec les muscles. Oui. Pour le jazz, on l'écoute avec les muscles lisses, avec les tripes, cette musique prend au ventre et terrasse tout sur son passage en élevant vers d'insensés cimes l'auditeur. Ce sentiment ne se rencontre nulle part ailleurs, je crois. "Sans la musique, la vie serait une erreur" - Nietzsche, toujours.


Le jazz est la Musique. Jamal maintenant. Il est impressionnant - on s'en serait douté. Que fait Ahmad Jamal qui n'en fait pas un humain comme un autre ? Il pointe de l'index, et il le pointe vers ses musiciens. Je sens le doute poindre : vous vous dites qu'il est tout à fait normal de pointer de l'index, surtout en France, surtout pour désigner les bougnoules à expulser du territoire. C'est à la mode. Hélas ! vous n'avez rien compris. Car il ne fait pas de la délation, il organise son concert. Il donne ses ordres. Et on s'exécute. Voilà le moment où il lance un défi à son bassiste, qui prolonge les notes de son piano et se lance dans un solo sous le regard du maître. Interminable. Le maître en arrive à poser les bras sur son piano, puis regarde le batteur comme pour indiquer à un autre élève quelque chose qu'il fallait remarquer dans ce solo. [je pense un peu au sketch de Coluche : "Ah celui-là quand il commence, y en a pour des heures"] Et finalement le maître reprend la parole. Magistral, et pour cause. Ce n'est pas tout. Jamal se démarque du commun des mortels par sa capacité à faire rire. Il joue avec son batteur, s'en amuse comme un gamin de 79 ans, et tape furieusement les notes de son piano dans un grand éclat de rire. Communicatif, le rire. Où l'on vérifie qu'il n'y a nul besoin d'être humoriste pour faire rire. Au contraire, peut-être, de nos jours. Tout le concert fut grandiose. Alternent les percussions furieuses du percusionniste cubain sorte de Papageno psychopathe, les emballements d'ensemble, les notes de Jamal à peine effleurées. Non, il n'enlève pas la poussière de ses touches, il joue la note telle une plume tombant dessus. Une ligne de basse en particulier m'a époustouflé : elle évoquait. Quoi ? C'est bien la question ! Peut-être une armée pléthorique en ordre de marche, mais qui ne ferait pas hurler le métal et cracher le feu, mais sautillerait au contraire dans les herbes et les ruisseaux.


Voilà, j'en arrive à écrire n'importe quoi. La seule raison en est mon incapacité à trouver les mots pour être à la hauteur de ce dont je fus témoin ce soir. J'abandonne. Ahmad Jamal est trop grand. D'ailleurs, il n'a pas été invité par Obama, comme aucun des grands jazzmen vivants, lors de l'investiture de ce dernier, ce qui à la fois déshonore Obama et honore Jamal. Respect.

vendredi 13 mars 2009

Horresco Referens

Tout d'abord, bien le bonjour à ceux qui cherchent le "titre film muet Anton Corbijn" car je vois que vous êtes nombreux à tomber chez moi (pas trop mal ?) au moyen de ces mots clés. Ce film, remarquable par ailleurs, est intitulé Linear et accompagne ... No line on the horizon de U2. Je vous le conseille, le film, pas l'album. Malheureusement, pour le voir, il faut se procurer une box au prix honteux (50 €) ou un digipack au prix plus raisonnable (19 € je crois). Ainsi va la vie et les sacrifices qu'elle demande inévitablement. Le pire n'est pas financier, du reste, mais bel et bien de devoir supporter des titres magnifiques tels Get on your boots ou I'll go crazy if I don't go crazy tonight (oui, oui, c'est bien le titre, heureusement remplacé sur le film par Winter, quoique l'intro de ce dernier titre est une honte invraisemblable). Voilà, vous êtes renseignés. De rien.

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Il y a quelques semaines, je vous avais parlé d'une scission de ce blog d'avec lui-même, pour en donner une branche disons plus clairement littéraire. Je n'ai pas abandonné l'idée. C'est simplement aussi difficile que je l'avais imaginé. J'ai pour le moment écrit 5 textes, et garde une bonne dizaine d'idées en rayon. J'ai l'impression de faire de mon mieux. Mais j'ai aussi le sentiment que c'est... nul. Eh oui. Ceux qui me connaissent un minimum ne seront pas surpris. Je ne dis pas ça pour qu'on me dise le contraire, ou pour me la jouer un peu façon Beigbeder "ouais je casse ce que je fais, c'est déjà génial mais je vaux bien mieux". Je le dis parce que ça l'est, et c'est bien logique pour un premier essai. Bon, le pire, c'est quand je relis du Cavanna. J'ai la terrible impression de faire pareil... en moins bien évidemment. En même temps, je m'y attendais, je l'avais dit : je suis abreuvé de Cavanna, Desproges, Vialatte, etc. et ce sont eux qui me donnent envie d'écrire. Il va me falloir surmonter cette difficulté. Ce n'est pas la seule, c'est du moins la principale. Voilà, certains sont impatients. Mais ce n'est pas encore pour demain. Je peux d'ores et déjà, pour faire mon représentant de commerce (pouah), vous offrir le nom que porteront ces futures chroniques : Horresco Referens. Je pense que je vais vous laisser vous poser des questions quant à ce titre.

mardi 10 mars 2009

Black // Hearted // Love


Voilà. J'étais tout occupé à maudire le rock. Il y avait de quoi, en tout cas à mes yeux. Rien que U2 offrait suffisamment de matière pour des millénaires de moqueries en tous genres. Et pourtant je les aime bien, ces ahuris. Je maudissais le rock, je découvrais le jazz - ce dont je vous reparlerai, tenez-le vous pour dit. Il a pourtant suffit qu'une Péronnelle y aille de sa remarque : "hum on n'aurait pas négligé quelques trucs là?" ; et de son lien pour réveiller (au sens propre tout autant qu'au sens figuré). Pour réveiller quoi ? Pour réveiller. Car PJ Harvey est de retour. Avec John Parish. Pour un nouvel album. A Woman A Man Walked By. Il sort le 30 mars, autant dire demain. En attendant, on peut écouter le premier single, au fabuleux titre Black Hearted Love. Le dernier album avait de quoi laisser pantois - personnellement il m'a beaucoup plu. On revient à du plus sagement pijesque (bel oxymore non ?). La voix est stupéfiante (évidemment, après une cure de Bono, ce n'est pas pareil), les guitares obsédantes, ce titre est vraiment vraiment jubilatoire. Les commentaires ne marquent pourtant que la déception des fans, qui trouvent cela "mou". Plaît-il ? Oui, il me plaît. Il n'y a pas à dire, ça fait du bien.


BLACK

HEARTED

LOVE

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mercredi 4 mars 2009

Willem - Un monde sans Rolex




Publié dans le Charlie Hebdo courant, ce fantastique dessin du fantastique Willem. A quelques pages du fantastique texte du fantastique Cavanna. Mais assez loin d'un édito de Philippe Val assez... bon c'est un peu facile de lui taper dessus, mais enfin je ne comprends pas, vraiment pas. Cavanna et Willem justifient à eux seuls qu'on lise encore Charlie.


Je ne résiste pas et vous livre la conclusion de la chronique de Cavanna : "Je suis heureux que Siné échappe à la condamnation*, je le dis, je serais encore plus heureux si son journal ne cultivait pas la haine personnelle contre Charlie hebdo comme un fonds de commerce." Cavanna est de loin le meilleur de tous et de tous les autres.


* pour ceux qui n'auraient rien suivi : Siné était poursuivi en justice par la LICRA qui s'appuyait sur les témoignages, notamment, de P. Val et de BHL, pour sa chronique sur Jean Sarkozy dans Charlie cet été. Siné a été relaxé et le tribunal s'en est même quasiment pris à ceux qui hurlent au loup antisémite tous les 4 matins. Cavanna en profite pour appeler à la fin de l'autocensure.

mardi 3 mars 2009

La Vague - l'Allemagne et la dictature

Vu Die Welle hier soir. Difficile d'exprimer un avis, même après cette nuit supposée, d'après l'une de ces débiles expressions clé en main (tiens en voilà encore une), porter conseil. En fait, il est clair que je n'ai pas aimé plein de choses. Et tout aussi clair que j'en ai trouvé pas mal d'autres intéressantes. Essayons donc de rassembler tout cela, si possible dans le désordre. Que ceux qui auraient envie de voir ce film aillent surfer ailleurs, mieux vaut revenir après l'avoir vu.
Puisque je parle de désordre, commençons par le tour joué aux anarchistes. Car il y a des anarchistes dans ce film. Oui. Il y a un groupe de gros blaireaux, parfaitement lamentable, dont le plus dur des énergumènes revient manifestement des genoux de sa maman où il a pleuré parce que des méchants très vilains ont recouvert son A ! Il aura une meilleure raison d'y retourner après s'être fait braquer. C'est beau l'anarchie. Et puis il y a notre ami Rainer, sorte de dinosaure bloqué en 74 ou en 79, et qui n'écoute que les Clash et les Ramones. Bref, passons.

Il y a dans ce film des scènes vraiment bizarres : mais où veut-il en venir ?! (interrobang) Juste un exemple. Rah j'ai oublié son prénom. Peu importe. La fille distribue ses tracts anti-Vague au pied des portes des salles de classe, et puis tout d'un coup, ce n'est plus que musique angoissante, regard angoissé, lumière qui s'étend, menace alors qu'on sait très bien qu'aucun monstre ne va lui sauter dessus ni aucun psychopathe l'agresser. Elle l'aurait mérité, c'est une fille, alors on l'espère un peu, mais non. Plus sérieusement, sur l'instant (essayez de monter sur l'instant, vous verrez que ce n'est pas si facile que ça en a l'air, mais j'y arrive enfin), je pensais que c'était humoristique, un peu parodique (mais de quoi?), que sais-je? J'en doute un peu maintenant : peut-être le réalisateur voulait-il par là signifier que la Vague étendait partout sa terrrrrrrrible menace et que bien courageux sont les individus qui résistent ? Je n'ose croire plus longtemps à cette hypothèse.

Dans le négatif : tous les passages 'ados'. Les fêtes, le skate, tout çaaaa. Non. Si j'avais eu le caractère d'Ignatius, je me serais plusieurs fois écrié : "Dois-je en croire mes sens ? Suis-je vraiment le témoin d'une perversion aussi totale ?" Très peu pour moi. En compensation, on a par exemple le prof ringard qui assène un "Alea jacta est" ; il n'en faut pas plus pour me faire rire. Et puis Rainer qui fait gronder les pas de sa communauté d'élèves dont certains commencent à s'impatienter : "Il y a un autre objectif à cet exercice. Lequel ? En-dessous c'est la classe de Wieland".

Il y a ce passage où la Vague déferle sur la ville, ce n'est pas forcément raté, mais ça fait terriblement penser à Stress de Justice et là-dessus Die Welle ne soutient pas la comparaison. La Vague déferle trop tôt cela dit : ils font encore figure de plaisantins et c'est logique dans la progression du film. Mais c'est comme ça, il se trouve que d'autres ahuris font rien que de nous embêter en ayant déjà fait des choses comparables à l'aune desquelles on se retrouve jugé.

Ce que j'ai préféré reste quand Rainer est avec sa classe. On peut trouver les élèves caricaturaux, mais je crois que ce sont les ados qui sont eux-mêmes des caricatures dans la réalité. Et puis la fin du film donne un rôle à ce côté cliché. Oui c'est cliché, mais justement, en partant de la classe la plus banale qui soit, on arrive au drame. Si les conditions de départ avaient été exceptionnelles au contraire, la portée du film s'en trouverait amoindrie.

Alors la méthode Rainer ? Attention, Alain Finkielkraut s'arrache les derniers cheveux qu'il lui reste (il est allé voir Entre les murs) en voyant ces scènes d'apocalypse. Il sera rassuré, peut-être, en voyant le malotru désigné longuement à la vindicte populaire. Là encore, tout ne me parait pas clair dans les intentions de l'auteur. Reprenons. Notre prof anar' veut parler d'autocratie, il prend vite conscience de la naïveté de ses élèves persuadés qu'une dictature ne pourrait pas se reproduire en Allemagne. Il décide donc de mettre en pratique son cours et de faire jouer les éléments qui amènent à la dictature. Rainer devient Herr Wenger, on doit se lever pour parler, puis trouver un nom pour la communauté, un uniforme, un emblème, etc. Mais les élèves s'emballent, et l'affaire lui échappe. Tout le long, sa hiérarchie le soutient, les élèves suivent (à deux exceptions près), ils en parlent chez eux et les parents ne réagissent jamais ; seuls quelques profs sans doute jaloux désapprouvent. Quand il comprend être allé trop loin, il a toujours carte blanche de sa hiérarchie et assène une dernière leçon assez magistrale d'ailleurs prouvant par l'exemple que la barbarie n'est jamais très loin. Si le film s'arrête là, les élèves l'adulent, les collègues mangent leur chapeau, les fleurs fleurissent, les oiseaux chantent, c'est le sauveur de l'humanité. Mais il y a un psychopathe parmi les élèves qui sort son flingue, tire sur un élève, et se règle son compte mais sans jamais dire FULL... METAL... JACKET bon je m'égare. Et donc, logiquement, notre Rainer devient la pire des crapules, son compte est bon. Ce n'est pas pour dédouaner Rainer de sa responsabilité, mais simplement pour souligner que c'est un peu facile pour tous les protagonistes, plus passifs les uns que les autres, de le désigner lui comme responsable. Tous ont eu le choix de quitter le cours, une seule l'a fait et l'autre s'en est sentie exclue (égo blessé). Bref, il ne faudrait pas faire l'impasse sur la psychologie humaine en se contentant de désigner un bouc émissaire. Là-dessus, je ne sais pas trop où se place le réalisateur.

Pour finir, il est quand même assez jubilatoire de retrouver, en pleine séance de manipulation collective, le slogan de notre bienaimé Président : Ensemble, tout devient possible.