samedi 29 mars 2008

Fernand Braudel et l'économie-monde




Aucune réflexion sur la mondialisation ne peut, à mon sens, faire l'économie de la connaissance des travaux de Fernand Braudel. Voilà pourquoi je livre ici une rapide présentation ainsi qu'un résumé plus conséquent des 2500 pages de Civilisation matérielle, économie et capitalisme - XVe-XVIIIe siècle.









1/ En repensant à la vie matérielle et à la vie économique. L’économie européenne entre 1400 et 1800 a du son développement à la qualité de ses institutions (Bourses, formes de crédit) plus performantes que dans les régions non européennes qui pourtant connaissent toutes les instruments de l’échange économique, à des degré divers : Japon, Insulinde et Islam, Inde… et tout en bas, habituée à vivre sur elle-même, la Chine. Mais partout, y compris en Europe, les zones d’auto-consommation sont majoritaires.

2/ Les jeux de l’échange. L’économie de marché progresse, reliant entre eux les différents marchés du monde, au point que l’on croit à la « main invisible » (A. Smith), alors que les liaisons ne sont que partielles. Le monde de l’échange est hiérarchisé, les capitalistes faussent la concurrence. Le capitalisme est conjoncturel, non spécialisé. Il y a 2 types d’échanges donc : l’un concurrentiel (le marché), l’autre dominant – c’est le 2è qui est capitalisme, déterminé par le progrès de l’économie d’échange en soubassement (d’où l’erreur de Weber). Il y a donc des conditions sociales favorisant le capitalisme : ordre social stable, faiblesse de l’État. Ce n’est pas le capitalisme qui provoque cela, il arrive après. Faut-il briser les hiérarchies ? Oui pour Sartre en 1968… Est-ce seulement possible ?

3/ Le temps du monde. Le monde s’unifie entre XVè et XVIIIè sous le signe du capitalisme. Des crises provoquent parfois des changements de polarité de l’économie-monde, en général renforcent au contraire la centralité existante. Les inégalités se font ressentir par rapport à ce centre en cercles concentriques : zones de « libertés », pays intermédiaires, régions marginales (servage). Le capitalisme, s’inscrivant sur cet étagement, est une création de l’inégalité du monde, il lui fallait donc l’ouverture économique internationale (ce qui contredit la thèse successive). Il y a – toujours aujourd’hui - tripartition : vie matérielle, économie de marché, économie capitaliste.





Pour aller plus loin : La dynamique du capitalisme, publié en 1985 et présentant l'ouvrage majeur de Braudel en 3 tomes : Civilisation matérielle, économie et capitalisme, XVè - XVIIIè siècle

vendredi 28 mars 2008

L'essentiel est de (ne pas) participer

Deux ou trois choses en attendant la suite*
1/ Les débats auxquels il est urgent de ne pas participer : ceux tournant autour de Chantal Sébire et de Michel Fourniret. Comme d'habitude, il faut du sensationnel pour parler des sujets, et du coup, on entend quasiment que des banalités, des choses dites sous l'emprise de l'émotion, et un dialogue de sourds entre les camps opposés. Or, ces questions posent des problèmes on ne peut plus profonds et qui mériteraient donc des débats plus sereins, plus longs, et plus raisonnés. Que je sache, il n'y a aucune urgence absolue à débattre : de l'euthanasie qui n'est quand même pas un problème nouveau ; ni des tueurs en série qui ne nous attendent pas à chaque coin de rue. Je refuse donc de participer à ces débats obligatoires, que je reporte sine die.
2/ Le Tibet. Boycotter ou ne pas boycotter ? En général, la question est posée en termes d'efficacité. Ce n'est pas mon approche. Si on ne devait faire que des choses efficaces, on ne ferait rien du tout. C'est au contraire en sortant du champ de l'efficace, du productif que l'on peut (peut, seulement) entrer dans celui du créatif. Donc cet argument est très faible. Ce qui est plus pertinent : qu'est-ce que nous avons à porter ? Et, au moins, sommes-nous en droit de le porter ? Pour ce qui est de la deuxième question : je trouverais un peu grotesque et hypocrite que des États s'autorisent à boycotter la cérémonie d'ouverture (et juste elle, et reprendre le silence dès le lendemain, histoire de dire qu'on n'est pas content mais qu'on veut des médailles et vendre des centrales nucléaires quand même), en revanche, de la part des individus, voilà qui aurait plus de valeur et de dignité à mes yeux. Un peu dans l'esprit de ce qu'a fait Bjork en chantant "Tibet, Tibet" à la fin de Declare Independance lors d'un concert en Chine. Justement, cela n'est pas sans poser des problèmes : après ce genre de performance, le régime Chinois ne risque-t-il pas de limiter les apparitions de tels artistes pour se limiter au stock des artistes occidentaux mielleux ? Et à qui cela fait le plus plaisir ? au peuple chinois ou à quelques internautes fans de l'égérie médiévo-rock islandaise ? Cela ne risque-t-il pas d'accroître la répression au Tibet ? En fait, je n'ai pas de réponse ni d'avis tranché, hormis celui qu'il faut des manifestations qui ne ferment pas le dialogue, qui soient non-violentes et compréhensives (au sens plein du mot). Le régime chinois va se servir de ces JO pour sa propagande et sa désinformation... difficile y en allant d'y échapper.
* la suite est :
=> j'en aurai fini ce week-end avec la reprise de mon travail sur Braudel et l'histoire économique, enfin !
=> je vois que La zona vient de sortir, à ma connaissance le premier film sur les gated communities et la nouvelle lutte des classes... Je ne sais pas ce que ça vaut, mais il faudrait se pencher là-dessus
=> j'aimerais parler des théories de la complexité et de leurs idéologies
=> il faudrait reprendre l'article sur l'athéisme et le développer
=> un retour sur la culture-monde, un an après
=> j'entame la semaine prochaine Les carrefours du labyrinthe de C. Castoriadis, l'occasion de synthétiser sa pensée, si je la comprend bien, et d'en montrer la portée
=> Mai 68, La brèche sera réédité d'ici là, il faudra en parler
=> le programme est bien chargé, et je dois donc abandonner pour le moment pas mal de choses que ce soit en histoire (La naissance du monde moderne, Les Lumières radicales), en pédagogie, en économie, en sciences... Enfin, il faut éviter trop de dispersion, et ce d'autant plus que l'épistémologie des sciences sociales va être au centre de mes préoccupations pour l'oral du capes

samedi 22 mars 2008

Halte au féminisme triomphant !

Allez, pour ce petit week-end, juste quelques mots piqués à Jean Baubérot, histoire de parler de son blog

"Un dernier mot sur le politique : 101 président de Conseils généraux viennent d’être élus…DONT 4 FEMMES. Les politiques sont très féministes face à l’islam. Conséquents avec eux même, ils font beaucoup d’efforts pour promouvoir la parité.
Il y avait 3 femmes présidentes de Conseils généraux. Hourrah, nous en avons 4 désormais.
Mais attention, un féminisme aussi débridé peut s’avérer menaçant pour l’égalité des sexes elle-même. Rendez-vous compte : si l’on continue la progression des femmes présidentes à un rythme aussi échevelé, en 2149, c’est à dire dans moins d’un siècle et demi, et le temps passe vite !, nous aurons 51 présidentes de Conseils généraux contre… seulement 50 présidents.
Notre belle Marianne y survivra-t-elle ? Il n’est nullement trop tôt pour se poser la question. Mobilisons nous, que diable : objectif : le retour à 3 présidentes de conseils généraux dans 3 ans. 2 dans six ans, une dans neuf. Et dans 12, entre hommes!"

Allez, il parle aussi de la belle victoire de D. Voynet contre J.P. Brard et la clique des sectaires et cléricaux politiques, tout n'est pas complètement noir.

vendredi 21 mars 2008

La pédagogie sur le net

Site de Daniel Calin : une stupéfiante mine d'or

Institut National de Recherche Pédagogique

Mouvement Contre La Constante Macabre

ICEM : sur la pédagogie Freinet

Freinet.org

Ecoles Steiner-Waldorf : notamment soutenue par Albert Jacquard

CRISE : Centre de Recherche sur l'Imaginaire Social et l'Education

FNEPE : Ecoles de parents, ah bin oui

Les cahiers pédagogiques

La ligue de l'enseignementSite du Ministère de l'Education Nationale (pour visiter le mammouth)

Everland : blog de l'auteur du génial Journal d'un remplaçant

Philosophie de l'éducation

Reboul, La philosophie de l'éducation, Que sais-je? n°, PUF, 2006

I/ Introduction à la philosophie de l'éducation

Elle se demande quelles sont les fins de l'éducation, depuis Socrate mais c'est une vérité de toujours (cf. Bible). Elle apporte une méthode, en fait 5 méthodes :
- histoire de la philosophie
- réflexion sur les sciences (ici le pluriel irréductible des sciences de l'éducation)
- analyse logique éliminant les fausses questions
- l'argumentation a contrario la complétant (d'inspiration platonicienne)
- dialectique, idéaliste dans sa synthèse mais elle sert quand même à faire bouger le réel

Montrer que les choses ne vont pas de soi, sous l'égide de Montaigne, est son but.

II/ Qu'est-ce que l'éducation?

educare : élever des animaux ou des plantes. Eduquer = élever ? = enseigner ? = former ? Ces termes s'excluent et se complètent. Comment réunifier ? Apprendre, devenir meilleur : cela pose la question de l'humanité.
Est-on Homme de naissance ou le devient-on ? Pour Helvétius, "l'éducation peut tout", la nature humaine est réduite à l'insignifiance. Mais alors se pose la question : "qui éduquera les éducateurs ?" On peut éduquer des enfants sauvages, pas des animaux, donc la place de la nature humaine importe et l'éducation, non, ne peut pas tout (Piaget, Freud, Wallon et les stades de développement). En fait, l'éducation ne peut pas tout, mais on ne peut rien sans elle.
Doctrine empiriste/culturaliste vs. partisans de la nature = éduquer pour la société vs. éduquer pour l'enfant. Les premiers estiment qu'en adaptant l'enfant à la société, on oeuvre aussi pour son bien. Les seconds y voient le triomphe du conformisme, et une perte de complexité. Alors, fausse alternative ? Entre l'individu et la société, il y a l'humanité : on éduque pour faire un Homme, accomplir sa nature au sein d'une culture humaine. Utopie ? Seul moyen d'éviter à la fois le laisser-faire et l'endoctrinement.
Définition : l'éducation est l'ensemble des processus et des procédés qui permettent à tout enfant humain d'accéder progressivement à la culture, l'accès à la culture étant ce qui distingue l'Homme de l'animal.

III/ Les institutions éducatives

Une institution est une réalité sociale relativement autonome, stable ou régulière, contraignante selon ses règles et qui se spécifie par sa fonction sociale. Leur trait commun est la confiance qu'elles inspirent, sans laquelle il n'y aurait pas de vie sociale.
La famille : la 1ère éducation, "l'école du sentiment" (Alain). Elle protège (conservatrice) et elle éduque (impose sa hiérarchie) au risque d'en faire un éternel mineur (Piaget), de devenir un "régime cellulaire" (Gide). Pourtant elle n'est pas remplacée, pas remplaçable ? Freud insiste sur ses dangers mais ne la rejette pas : être refoulé, c'est être Homme. Comte est plus... positif : la famille transforme les instincts les plus brutaux en tendances sociales apaisées (sexualité, maternité). Donc la famille forme les sentiments, est la seule institution capable de le faire, par sa simple existence, elle éduque autant les parents que les enfants, et subsiste par la confiance dont elle bénéficie.
L'école : institution prospère. Pourquoi ? Nocive et inefficace selon Ivan Illich mais sa disparition provoquerait la fin de la protection des enfants, donc de l'enseignement du savoir. Or le savoir scolaire est le seul qui soit à long terme, organisé, adapté (didactique), argumenté et désintéressé. Regrettons quand même avec Illich le monopole de l'école qui prouve que la société devient anti-éducative (quid du tiers milieu éducatif ?)
L'université : fonctions d'enseignement "supérieur", de recherche fondamentale (critique instituée), de collation des grades et de formation des adultes. Comprendre est la raison d'être de l'université.
Ces institutions sont-elles antagonistes ? Est-ce dommageable ou au contraire sont-ce de nécessaires ruptures ? C'est le problème de la pédagogie !

IV/ La pédagogie et ses antinomies

C'est un savoir-faire pratique et une théorie (Durkheim dit "théorie pratique"), elle suscite débat, parce qu'elle est le lieu d'antinomies, inhérentes à sa nature même.
Dès qu'il y a pédagogie, il y a débats (contenus, manières d'enseigner...) Eduquer les hommes (sophistes) => l'Homme mesure de toute chose => la pédagogie tend à mépriser les savoirs qu'elle enseigne. Le garde-fou contre cette pente : la conscience qu'il existe plusieurs pédagogies : courants classique, novateur, techniciste.
Contrainte vs. désir d'apprendre : Dewey apporte une synthèse en voulant trouver l'intéressant suscitant de lui-même l'effort en profondeur et la joie véritable (dialectique question / réponse se réalisant dans l'œuvre). Autre solution : la pédagogie du secret (paraboles du Christ) incitant les élèves à résoudre l'énigme, pour constater que la réponse est en eux.
Transmission vs. spontanéité : la synthèse serait de trouver "l'acte commun" de l'apprenant et de l'appris => pédagogie de la compétence (l'esprit est capable d'apprendre ; les savoirs sont une forme dynamique). Paradoxe de Platon : on n'apprend jamais que ce qu'on savait déjà.
Incertitude vs. technicité : les techniques pédagogiques sont indispensables pour réduire l'inertie mais sont par nature imparfaites puisque si l'éducation se ramenait à une technique parfaite, elle ne serait plus éducation. Il y a un non-pouvoir pédagogique (Saint Paul, Corinthiens, III, 7), la pédagogie n'est qu'un synergoi, un auxiliaire et ne peut connaître le résultat ni même en quoi elle y contribue. Il y a une boîte noire entre les méthodes et leur résultat.
Rupture vs. continuité : thèses classique (ruptures) et nouvelle (continuité) se contredisent aussi efficacement. Faut-il choisir ? L'allégorie de la Caverne : détours et retours et relation pédagogie / politique (enseignement = détour et retour à la vie active d'adultes conscients et responsables)

V/ L'autorité

Eduquer, c'est un rapport vertical, donc d'autorité, qui ne va pourtant pas de soi. 6 formes d'autorité : le contrat, l'expert, l'arbitre, le modèle, le leader, le Roi-Père. L'enfant rencontre d'abord la dernière, les régimes totalitaires tentent de l'y maintenir. Comment s'en émanciper ? Les libertaires s'enferment dans une alternative infantile en confondant l'autorité avec sa forme Roi-Père. Le vrai débat, plus que liberté vs. autorité, serait plutôt : quelle forme d'autorité ? Les classiques (paideia) optent pour l'expert, l'arbitre, et surtout le modèle (reproche d'élitisme, et d'imposition de modèles). L'éducation nouvelle accepte l'expert et l'arbitre, mais remplace le modèle par le contrat.
Mais n'y a-t-il pas des formes d'autorités présentes inconsciemment (leader) ? Pour Kant on doit "prouver à l'enfant qu'on exerce sur lui une contrainte qui le conduit à l'usage de sa propre liberté". Le but est donc de passer de la contrainte à l'autocontrainte, à être majeur.
Quel enseignement en société démocratique ? C'est équivoque (plus de liberté ? d'égalité ?) 3 principes :
1/ former des démocrates (Dewey) en usant de l'autorité du contrat (autodiscipline, coopération, respect de l'autre)
2/ l'enseignement fondamental doit durer le plus longtemps possible, sinon la culture devient privilège d'une élite (se pose le problème de l'enseignement différencié : supprime ou consacre les inégalités ?)
3/ objectivité, pluralité des valeurs, éviter l'endoctrinement (perversion de l'enseignement)

VI/ La rigueur

L'exercice de l'autorité, c'est l'usage de la rigueur, terme ambivalent et ambigu. Education et rigueur sont inséparables (Bible, Proverbes, XIII, 24 "qui aime corrige avec rigueur"). L'enfant est un être mauvais à corriger ? Les deux sens de discipline étaient unis. Depuis, l'anti-rigueur a fait du chemin, notamment avec Rousseau pour qui "la nature de l'enfant est bonne". Il rejette la rigueur qui commande, l'indulgence qui laisse commander. Mais la nécessité des choses lui paraît une rigueur éducatrice, elle. Ne jamais interdire, rendre la chose impossible (mieux vaut un enrhumé qu'un fou). C'est la rigueur humiliante car arbitraire qu'il rejette. Rousseau connaissait-il l'enfant, cet être social qu'il isole de la société ? Le néo-rousseauisme corrige ce point : pédagogie de la coopération. Mais, rigueur occulte ? C'est l'institution qui décide qu'il y aura contrat, pas l'élève ! Et la rigueur de l'échec persiste, épée de Damoclès. L'enfant aime le risque, apprendre c'est surmonter (ceci contre la pédagogie de la réussite). Finalement, la rigueur est un "invariant pédagogique" (Michel Tardy).
Apprendre la rigueur, c'est apprendre à grandir. La rigueur est une valeur, ne devient violence que quand elle est arbitraire. La rigueur éducative est une violence épargnée. Pour éviter le rigorisme, faire preuve de rigueur envers sa propre rigueur (Aristote), admettre que le qualitatif est plus ou moins arbitraire et d'autant moins selon l'examinateur (discussion avec collègues et élèves). L'anti-rigueur, la grâce, est aussi nécessaire. "Quid d'une pédagogie qui ne saurait sourire ?"

VII/ Les valeurs de l'éducation

On ne peut se passer des valeurs en éducation, pourtant, en parler est délicat (il faut passer outre positivisme, relativisme et indifférence). C'est un problème pédagogique et politique résumé par Alain : "nous n'avons pas besoin d'une élite éclairée, mais d'un peuple éclairé." Mais qu'entendre par "valeurs" ? Ce qui vaut la peine d'être enseigné (choix). 2 catégories :
1/ ce qui unit : ce qui intègre l'individu durablement à une communauté aussi large que possible (attention : on ne peut l'établir par une statistique, sinon on enseignerait l'astrologie au lieu de la physique). Place à la mémoire, à la socialisation
2/ ce qui libère : de ce qui domine ou aveugle. Ce qui est transférable (on apprend plus que ce qu'on apprend). Enseignement actif, avec effort sans lequel on ne peut rien (mais qui ne peut tout).
2 critères antagonistes ? Ajoutons le critère de la joie (Spinoza, passer d'une valeur moindre à une valeur supérieure). L'école est un luxe, marque de démocratie. L'éducation invite au sacrifice, s'oppose au sacrilège. Il reste du sacré, même si l'Homme moderne en est devenu juge. L'humanité est sacrée pour l'Homme, ce qui permet de dépasser l'antinomie entre intégration et libération, fidélité et progrès.


Conclusion

- ouvrage qui privilégie l'enseignement scolaire
- ce n'est qu'une philosophie de l'éducation
- problème non résolu de l'efficacité de l'éducation (il restera toujours une place pour le "génie du maître")

"On n'en finit jamais de devenir un Homme."

Citations :

"L'Homme n'est ce qu'il est que par l'éducation" Kant
"L'expérience n'est pas transmissible, seul le dogmatisme l'est" Aragon
"Laisser mûrir l'enfance dans l'enfant" Rousseau
"Malus, puer robustus" Hobbes

Histoire du système éducatif

Troger, Ruano-Borbalan, Histoire du système éducatif, Que Sais-je? n°3729, PUF, 2005

Quels processus ont abouti au quasi-monopole éducatif de l'école, pourtant en état de crise permanent ?

I/ Ecole et pouvoirs : de l'Église à l'État

L'augmentation des activités commerciales et administratives entraîne l'apparition d'écoles contrôlées par les hiérarchies cléricales ou politiques. Novation au IVe avant JC à Athènes : la maîtrise du discours. L'organisation est reprise par les Romains dont les innovations montrent le lien école - système politico-religieux (réglementation plus précise, enseignement supérieur du droit, transmission des valeurs). A la chute de l'Empire, le réseau scolaire disparaît : seule l'Église peut en entretenir des vestiges (trivium + quadrivium = programme de référence jusqu'au XVe). Charlemagne dynamise le réseau (mais les moyens sont faibles) d'écoles monastiques. L'essor démographique et économique au XIe multiplie les petites écoles. Paris, Toulouse, Montpellier sont les premières universités françaises au XIIIe.
La Papauté tente de les contrôler (formation clercs, réflexion théologique), la Monarchie aussi (juristes, prestige) => statut ecclésiastique, privilèges fiscaux et juridiques. C'est le début des cursus de longue durée (baccalauréat, licencia docendi). 5 à 10 000 étudiants à la Sorbonne fin XIIIe.
L'imprimerie, la Réforme et la Contre-Réforme accélèrent le mouvement et provoquent la naissance de l'école moderne en parallèle avec la montée en puissance de l'État. La Révolution a autant détruit que construit. Bonaparte s'inspire des collèges jésuites pour les lycées créés (l'élite administrative). Avec la IIIe République, l'enjeu est l'enseignement primaire. Guizot avait fait un compromis pédagogie catholique "simultanée" (toujours en vigueur) / administration de l'État, sur lequel reviennent les conservateurs (loi Falloux 1850) suscitant la virulence en retour de la République de 1879 à 1882. Le système semble inégalitaire : lycées et collèges amènent au bac; le primaire supérieur et le technique non. En 1937, Jean Zay n'arrive pas à unifier,la IVe non plus, ce sera l'œuvre de la Ve (loi Debré 1959, loi Berthoin 1959, Haby 1975). L'école, institution de masse, est plus en tension que jamais.

II/ La construction des savoirs scolaires

Contrôle du pouvoir, travail des enseignants, contexte matériel, modes d'évaluation fixent les savoirs scolaires. La culture générale domine dans l'Antiquité. L'écrit prend une place plus importante dans les universités médiévales (et leurs intellectuels, cf. le Goff). Avec la Contre-réforme, la préoccupation est à la moralisation, au moyen des auteurs latins, quitte à les expurger des passages violents ou érotiques. Cela fait débat mais persiste jusqu'à Napoléon qui vante les vertus chrétiennes et patriotiques. Cela se montre même dans les petites écoles (civilisation des moeurs) et même avec la laïcisation républicaine. Toutefois, au XIXe, si on reprend les principes des écoles des Frères, on introduit l'orthographe et les poids et mesures (identité nationale, rationalité), que les instituteurs s'approprient, jusqu'à aujourd'hui. Longtemps, les savoirs scientifiques n'ont eu que peu de place.
La IIIe République essaye d'y remédier, notamment en 1902 par une réforme des lycées (bac A, B, C, D). De Gaulle veut moderniser, affirmer la puissance militaire et industrielle et donc privilégier les sciences. Les mathématiques opèrent alors au début des 60's un coup d'Etat, remplaçant le latin comme discipline d'excellence scolaire. Pour autant, il y a toujours débat ! L'évolution des savoirs universitaires (linguistique, sociologie et économie, écologie, ...) se répercute. Les évolutions des 20 dernières années montre que de plus en plus, l'élaboration des savoirs scolaires dépend de facteurs internes au système éducatif : les disciplines dominantes ont plus d'heures de cours, donc de profs, d'inspecteurs, de représentation syndicale ...

III/ Evolution des pratiques éducatives et controverses pédagogiques

Jusqu'au milieu du XXe, les pratiques pédagogiques étaient autoritaires. La pédagogie grecque est une sorte de longue ascèse respectueuse des prédécesseurs. Plus utilitaristes, les Romains s'en inspirent quand même largement. C'est l'idéal de "l'honnête homme" qui reste la norme jusqu'à la Renaissance : dressage ignorant la personnalité de l'enfant. "L'âge de raison" est fixé par l'Eglise, à la suite des Grecs, à 7 ans : rien ne sert d'éduquer avant, si ce n'est les civilités de base. Longtemps la petite enfance reste donc peu considérée. Plus âgé, l'enfant est proche de l'adulte et de ses activités (autorité). Après la Révolution, scolarisation et conscription éliminent les espaces d'autonomie qu'avaient les jeunes tout en conservant les pédagogies autoritaires et répressives. La jeunesse est en effet sous contrôle. Les différences sexuelles s'accroissent à ce moment-là. Mais des contre-cultures pédagogiques émergent avec Comenius et surtout Rousseau (1762) : "commencez donc par mieux étudier vos élèves". Il considère l'enfant comme un individu à part entière, non un adulte inachevé. Pestalozzi, Fröbel (jeu dans les Kindergarten), Decroly (méthode globale), Montessori (jeu), Dewey (méthodes actives), Neill (école autogérée de Summerhill) le suivent. En France, il faut attendre le pacifisme et l'anti-fascisme post WWI pour voir ces idées à l'oeuvre : GFEN (1922), CEMEA (1936) et Freinet dans les années 20 qui rencontre l'hostilité de notables et d'Inspecteurs de l'EN, et fonde alors une école privée. Ces idées, après la WWII, vont recevoir l'appui de la psychologie (Claparède, Piaget, ...) puis de la psychanalyse et de la linguistique. Mais si les psys réussissent, les pédagogues échouent malgré les réformes de 1969 sur lesquelles on revient dès 1975 et définitivement en 1985.

IV/ L'école entre autonomie et centralisation

Malgré la domination politique ou religieuse dès l'origine, ce n'est qu'avec Napoléon Ier qu'apparaît en France une administration scolaire centralisée. L'organisation gréco-latine reste valide jusqu'au XIXe. L'autorité politique ou religieuse incite et réglemente, mais la création, le financement et le contrôle relèvent d'initiatives locales (autorité ecclésiastiques, représentant communauté villageoise ou urbaine, donateur privé). Napoléon instaure le monopole de l'Etat (secondaire et supérieur) le 17 mars 1808 et crée une administration autonome et pyramidale qui permet au corps enseignant d'y faire carrière (Thibaudet, La République des professeurs). Taine moque ce centralisme / standardisation. Mais le système est efficace. En revanche, il est rétif aux réformes qui se doivent de venir d'en haut, donc toujours abandonnées. L'école primaire vient se greffer par la suite (loi Guizot 1833). En 1886, les instituteurs sont fonctionnaires et échappent à la tutelle locale dont ils dépendant pourtant toujours (recrutement départemental).
Après 1960, la gestion bureaucratique et centralisée s'accentue encore (mutations démographique, sociale et politique) : architecture, carte scolaire (1959 pour réduire les inégalités géographiques d'équipements scolaires, puis secteurs d'inscription), mode de gestion des enseignants, organisation des examens et concours. La difficulté est de s'adapter à la société quand la gestion est si lourde ! Ex : l'école maternelle a crû d'elle-même (travail féminin, exode rural, intérêt des classes moyennes) vers 1950-60, sans décision politique (Prost parle de "non-décision gouvernementale"). Il a fallu décentraliser et déconcentrer mais le bilan en est confus : difficultés à établir les priorités (diversité des demandes sociales), impuissance à imposer des décisions à l'administration, incapacité à établir un dialogue constructif avec les enseignants (Agnès Van Zanten). Inéluctable, ce mouvement risque d'aggraver l'impuissance de l'Etat à réguler efficacement.

V/ Former au travail : des corporations à l'enseignement technique

Préjugé latin contre l'enseignement pratique (Victor Duruy 1863) ? Sans doute car l'Antiquité dresse l'homme contre le technicien : Platon contre le "monde sensible", la culture libère, rôle social et politique de l'éducation donnant primauté au discours. Le Moyen-âge chrétien en est l'héritier. La transmission des métiers se fait de façon protectionniste, malthusienne : tradition du secret, longues et difficiles formations, sélectivité. Ces fonctions sont celles des corporations, qui limitent la formation professionnelle jusqu'à la RI. C'est alors, dès le XVIIIe, que le système est dénoncé par les tenants du libre-échange (embryon de scolarisation, loi le Chapelier 1791) à un moment où la formation devient un enjeu important et mal appréhendé ("crise de l'apprentissage"). L'Etat intervient (Polytechnique 1794, Arts et Métiers 1803...) mais plus nombreuses sont les initiatives privées (Boulle, La Martinière...) qui permettent de faire face aux besoins croissants. Mais : qui paye la formation ? Et n'enferme-t-elle pas les ouvriers dans les besoins des patrons (Buisson) ? Après 1879, les Républicains s'emparent de ces questions (puissance nationale). L'enseignement technique se développe, un diplôme est créé en 1911 (devient CAP en 1919). Mais l'efficacité reste limitée, suivant la bonne volonté des entrepreneurs. le Front Populaire puis Vichy vont mieux réguler l'apprentissage, héritage qui va fructifier dans l'après-guerre : l'Etat intervient beaucoup (keynésianisme, influence du PC). Les enseignements professionnels ont leur légitimité scolaire et 1/3 des lycéens actuels. Mais ne sont-ils pas les "exclus de l'intérieur" (Bourdieu) ? Persistance des hiérarchies des savoirs de l'Antiquité + effets pervers de la massification de la scolarisation (plus de rôle méritocratique). Le jeu de main chaude entre Etat et patrons se continue pour le financement...

VI/ Ecole et inégalités

Jusqu'à la Renaissance, l'inégalité est vue comme l'ordre des choses, naturel ou divin. On la retrouve donc devant l'accès à l'instruction. J. le Goff estime cependant qu'une réelle ascension sociale est possible pour un certain nombre de fils de paysans à l'université. Aux XVIe-XVIIe a lieu une première extension de scolarisation qui progresse incontestablement mais demeurent les inégalités. 3 projets révolutionnaires traitent de l'éducation : Talleyrand, libéral (instruction primaire gratuite car commune à tous, secondaire payante car on tire des bénéfices à y assister), Condorcet, progressiste (reculer les limites de l'instruction) et Le Peletier, prudent, veut limiter l'accès au secondaire. Ils sont timides (Condorcet et Talleyrand moins que Le Peletier) sur les inégalités sexuelles, par prudence en regard de la pensée dominante exprimée par Mirabeau (la femme ne doit pas quitter la maison paternelle). Bonaparte consacre le monopole de l'Etat ; le XIXe voit la persistance des discriminations. La latin sert à classer explique Françoise Wacquet. Lycées et collèges sont l'apanage des élites, l'enseignement primaire supérieur et technique sont le secondaire du peuple, dont l'instruction progresse : c'est là le creuset de la méritocratie républicaine. Mais... consécration d'une discrimination (école à 2 vitesses). Buisson s'en indigne, il sera suivi après la WWI et surtout après la WWII (commission Langevin-Wallon 1947 prônant l'unification du premier cycle secondaire et la scolarité obligatoire jusqu'à 18 ans). De 1959 à 1975, des mesures vont dans ce sens. Institutionnellement, la critique de Buisson n'est plus fondée, mais l'égalité des chances fait plus que jamais débat. Les enfants de milieux populaires échouent plus, en effet. Rôle du capital culturel ? de la disparité pédagogique et des méthodes d'autonomie ? Insuffisance de la concertation entre enseignants ? Le bilan n'est pourtant pas seulement négatif : les filles réussissent désormais mieux que les garçons, et il y a 7 fois plus d'étudiants dans le supérieur qu'en 1960... le niveau général a significativement augmenté !! Mais le marché du travail est difficile, l'échec scolaire synonyme d'exclusion sociale, l'école a le monopole d'éducation et de formation (Eglise, mouvements laïques, PC, syndicats n'ont plus ce rôle)... tout cela met l'accent sur la demande massive de réussite socioprofessionnelle. Vers l'égalité de résultats ? Grand défi !!


VII/ Les innovations techniques à l'école

Jusqu'au XVe, presque pas d'évolutions techniques à l'école. C'est l'imprimerie à partir de 1450 qui bouleverse en premier : plus de lecture et d'écriture. Notons quand même l'évolution du rouleau de papyrus au livre relié (codex) et du papyrus au parchemin (IVe, généralisé au VIIIe) puis au papier (XIIIe). Avec l'imprimerie donc, plus de lectures individuelles et donc de craintes morales, donc de censures et contrôles des enseignants. Au XIXe, l'école devient un marché pour innovations (plumes, manuels, ardoises, cahiers ...) Cela s'accélère après la WWII (le baron Bic auquel résistent plus de 20 ans les enseignants). La polycopie (expérimentée par Freinet) connaît un vrai succès vers 1960, la photocopie 15 ans plus tard. Dernier exemple : la calculatrice. C'est en revanche au moins un semi-échec pour la télévision scolaire puis l'informatique. En fait les innovations facilitant le travail magistral traditionnel sont acceptées, celles qui le mettent en cause sont plutôt rejetées. L'enseignant se vit comme détenteur unique de l'autorité et du savoir face à sa classe ! L'e-learning connaîtra-t-il plus de succès ?

Conclusion

Les valeurs philosophico-pédagogiques de l'éducation se comprennent sur la très longue durée. Une révolution scolaire a eu lieu au XVIe et les formes actuelles en sont les héritières : collèges, petites écoles pour pauvres, élèves par classes, examens de passage, hiérarchie et sanctions doivent motiver les élèves... La tradition pédagogique occidentale remonte à la Grèce classique : Socrate et le dialogue interrogateur, Platon et la primauté rationnelle (partir du monde matériel et s'élever au monde des idées) => la pédagogie est centrée sur des connaissances théoriques. Les contenus de l'enseignement sont issus d'une longue histoire mais les institutions ont connues plus de variations liées aux évolutions sociale, politique et économique. Le système scolaire est organisé selon 3 axes :
1/ conception de la connaissance dérivée des savoirs rationnels
2/ organisation et culture spécifiques, conditionnées par la forme scolaire
3/ socialisation par intériorisation des normes sociales, de la compétition et de la sélection

lundi 17 mars 2008

Sarkozy vu par Bakounine


"Parleur superficiel et pédant, innocent de toute conception originale, et de toute pensée qui lui fût propre, mais très fort dans le lieu commun, qu'il a le tort de confondre avec le bon sens, [...il] a préparé savamment [...] un plat métaphysique de sa façon, et dont la consommation, rendue obligatoire, [...] a condamné plusieurs générations de suite à une indigestion du cerveau. Qu'on s'imagine une vinaigrette philosophique composée des systèmes les plus opposés, un mélange de Pères de l'Église, de scolastiques, de Descartes et de Pascal, de Kant et de psychologues écossais, le tout superposé sur les idées divines et innées de Platon et recouvert d'une couche d'immanence hégélienne, accompagné nécessairement d'une ignorance aussi dédaigneuse que complète des sciences naturelles, et prouvant que deux fois deux font cinq."

Bakounine (Dieu et l'État) parlait d'un Français, déjà, mais d'un philosophe, M. Cousin... Devinette : à qui ce paragraphe vous fait-il penser ?

dimanche 16 mars 2008

Pour un athéisme radical




La première version n'a rien de satisfaisant, je la publie cependant en espérant - même si j'en doute - qu'elle soit critiquée, ce qui m'aiderait à l'améliorer.


mardi 11 mars 2008

La place des réseaux internationaux de transport et de communication dans le processus de mondialisation

Voilà, après l'histoire, la géographie. Comme prévu, ça tombe sur la mondialisation, et donc sur les réseaux, ce qui est assez logique. Après coup, un mot du sujet que j'ai sous-estimé certainement, c'est "internationaux" qui semble renvoyer aux travaux de Carroué, qui fait office de référence quasi officielle sur la question mais que je n'ai pas lu. Donc, peut-être une direction était attendue pour le traitement du sujet que je ne pouvais pas prendre, sans connaître les travaux de Carroué.
A cette réserve près, j'estime avoir bien maîtrisé le sujet. Mais, encore une fois, je constate que mon plan et mon traitement de la question est en total décalage avec tout ce qu'ont fait les autres, qui ont construit des plans géographiques thématiques en général, par échelle parfois... Certains ont fait de la géohistoire mais en ne remontant qu'à 1945.
De mon côté, ma première partie est purement géohistorique, mais remontant au XVe siècle, c'est-à-dire à l'origine de la mondialisation, en résumant le livre de Fernand Braudel, trop volumineux pour que les candidats l'aient lu, d'où le fait qu'ils n'en parlent pas. Mais moi je trouve que ça a un intérêt parce qu'il montre comment la mondialisation est née de ces réseaux de transport et de communication d'une part, et que l'asymétrie spatiale est due à ces mêmes facteurs (navigation hauturière, institutions de réduction d'incertitude pour les activités des capitalistes des grandes villes européennes). La preuve du rôle archaïque (premier, essentiel) des réseaux est ainsi faite. Or, on nous demande de traiter de leur place dans le processus !
Ma deuxième partie est elle économique : analyse du passage du fordisme au toyotisme, les 3 configuration de Michalet, la globalisation et l'économie de la vitesse. C'est certes économique et non géographique, mais on ne comprend rien aux dynamiques spatiales sans comprendre la nature de la gobalisation. Là encore, ça se justifie tout à fait selon moi, mais ça fait 2 parties sur 3 qui ne sont pas directement géographiques, et je crains que cela ne me soit reproché.
J'ai donc allongé au maximum la troisième partie, purement géographique, elle, qui dresse une typologie des espaces selon leur degré de connexion au système-monde, et ce à différentes échelles (ce qui plaît par-dessus tout aux géographes) : macrorégionale, nationale, city régions, locale. Avec des exemples à la clé, autant que possible.
Je regrette de ne pas avoir parlé de Dubaï (juste mentionné dans le croquis de synthèse, bien difficile à faire d'ailleurs, avec ce thème !), mais enfin, on ne pouvait pas tout dire. Je ne me souviens pas avoir mentionné l'expression Archipel mégapolitain mondial, ni même économie d'archipel, ce qui est un peu idiot même si j'en ai décrit les logiques. Au final, je pense que je m'en suis plutôt bien sorti, et que ça devrait pouvoir passer. On verra bien au mois de mai.Mon plan, pour mémoire, encore une fois :
A/ Les Grandes Découvertes et le temps du monde
=> Braudel
=> industrialisation / baisse coût du transport / littoralisation économie
=> Michalet et les configurations successives/concurrentes de la mondialisation
B/ La globalisation : une économie de la vitesse
=> Pierre Veltz et la métropolisation
=> externalisation, just-in-time, post-fordisme, risque/assurance, NTIC
=> villes globales, hub&spoke, effet tunnel, réseaux (systémique et complexité)
C/ Etre ou ne pas être connecté... (typologie spatiale)
=> Macrorégions
=> Etats
=> city regions
=> local

lundi 10 mars 2008

Tenir son rang dans les sociétés anglaise, espagnole et française au XVIIe siècle

Tel fut donc le joyeux sujet du CAPES d'histoire 2008. La première remarque, c'est que ce sujet était ultra-prévisible, la moderne était archi-favorite pour tomber, et ce thème en était le thème central. Nulle surprise donc, et même une satisfaction certaine de nager en eaux connues, même si j'aurais préféré la contemporaine (Penser et construire l'Europe)...
Alors ? Les premiers plans postés sur les forums, ainsi que ceux corrigés de la fac de St Etienne où le sujet était tombé, au mot près, lors de la préparation, vont tous dans le même sens : prendre le sujet au mot, ne pas le questionner, ne pas dépasser les limites. C'est aussi ce que je pensais avoir fait, rester dans les sentiers battus, trop échaudé par l'expérience de l'an dernier, mais quand je compare à ce qu'ont fait les autres, je dois bien constater que, malgré moi, j'en suis très largement sorti, des sentiers battus.
Déjà des problèmes épistémologiques et historiographiques me semblaient essentiels : comment penser et classer les sociétés du XVIIè ? Comment se pensaient et se classaient-elles, elles-mêmes ? S'interroger sur le mot "rang"... très vague. Société d'ordres ? Société de classes ? Etc. Du coup, interroger la pertinence de la question : pourquoi est-il pertinent de se poser la question des stratégies pour tenir son rang au XVIIe ? Se posait-on déjà la question (oui, de toute évidence) ?

- le XVIIe siècle est une période de troubles, d'incertitude, de crise(s) même si le tableau a souvent été trop noirci.
- c'est aussi LE siècle du contrôle social (Civilisation des moeurs - N. Elias ; Grand renfermement - M. Foucault ; confessionalisation, réforme tridentine et reconquête des esprits ; chasse aux sorcières ; obsession de la pureté de sang ; etc.)
- et c'est le siècle d'émergence de nouvelles mobilités sociales (essor bourgeoisies urbaines, sociogenèse de l'Etat accélérée, transition féodalisme => capitalisme avec le commerce au loin)

Et c'est à cause de ces caractéristiques du XVIIe siècle que les acteurs ont cette motivation de "tenir son rang" si présente. C'est parce que les riches marchands concurrencent la noblesse militaire que celle-ci se crispe sur son identité et les nobles leur rang ; c'est parce que c'est une période trouble qu'on cherche des boucs émissaires (sorcières, juifs, mauvais pauvres) et qu'on aspire au maintien de l'ordre social (chacun à sa place). Etc.
Donc, pour moi, ce sujet justifie que l'on parle, en plus des stratégies des acteurs pour tenir leur rang, des nouvelles mobilités sociales et du contrôle social sans quoi on ne comprend rien à ce qui se passe, on reste dans la description bebête (j'ai bien peur que ce ne soit ce qu'on nous demande, justement). Ce sujet justifie qu'on ait en tête des schémas de longue durée (Braudel) et des théories de l'organisation sociale (Elias, théorie des jeux, E. Morin, H. A. Simon). Il me semble m'être justifié assez clairement sur ces choix, j'espère donc que cela ne sera pas jugé trop iconoclaste.

Mon plan, pour mémoire :
I/ Les sociétés A/E/F du XVIIe : des sociétés d'ordre ? => le XVIIe, une phase B ? => le contrôle social => ordre, désordre, organisation sociale
II/ Des mobilités sociales nouvelles => essor urbain => sociogenèse de l'Etat => sur la route du féodalisme au capitalisme
III/ Tenir son rang : les acteurs et leurs stratégies => risques de déclassement => stratégies identitaires (honneur, demeure, habit) => stratégies socio-économiques (mariage, héritage)
Qu'il en soit ainsi... ça va être long d'ici les résultats et la sentence... enfin, avant cela : la géographie demain. Je parie sur un sujet sur la mondialisation, et plus précisément sur les rapports Etats/mondialisation ou territoires/mondialisation. Tant que c'est pas un sujet de régionale française, ça ira...

mardi 4 mars 2008

Mai 68 et le "désastre scolaire"

On n’a pas fini d’entendre parler de Mai 68 et de voir s’affronter sa mémoire mythique et sa mémoire angoissée dans un nouvel avatar de la lutte des mémoires qu’une compréhension de l’histoire (peut-être une question générationnelle est-elle sous-jacente à cette mécompréhension…) permettrait d’apaiser. Vécu avec enthousiasme par ses protagonistes, et raconté par eux depuis, cet événement reste le grand moment de la gauche, quitte à lui accorder une importance qu’il n’a pas. En retour, c’est pour la droite le repoussoir premier. Cependant, cette opposition est possiblement sur le point de commencer à s’estomper et si Sarkozy a eu besoin de lancer une charge féroce contre Mai 68, « il n’en pense pas un mot » comme l’explique Cohn-Bendit qui rappelle simplement qu’à ce moment, Sarkozy doit contrer le rapprochement PS-Verts-UDF que l’esprit 68 appelle de ses vœux (Cohn-Bendit, Kouchner, etc.) : c’est purement électoral. Demeurent des oppositions idéologiques, malgré tout, et c’est d’elles qu’il sera question ici.

Alain Finkielkraut est attachant : sa sincérité et sa passion ne sont que trop frappantes et le voir souffrir – réellement ! – lorsque ses interlocuteurs énoncent des propos avec lesquels il est en total désaccord est impressionnant. Certes, parfois, la sincérité de sa passion le conduit à l’aveuglement – plus qu’à la mauvaise foi – comme lors d’épisodes célèbres (Underground, débats avec Edgar Morin, etc.) mais c’est un revers de la médaille sans trop d’importance. En revanche, comment ne pas être consterné par ses interventions médiatiques qui dénotent une accumulation de confusions intellectuelles qui force le respect venant d’un philosophe !

Il a raison de vouloir « commémorer » Mai 68 en lui joignant une lecture de Rhinocéros de Ionesco, montrant par là que toute subversion porte en elle le risque du conformisme. Il a raison, surtout, d’insister toujours plus sur la culture alors qu’elle est sans cesse dévalorisée dans notre société. C’est passer pour un ahuri que de préférer de nos jours Beethoven à n’importe quel star-académicien, Les frères Karamazov au Da Vinci Code, Cornélius Castoriadis à Bernard-Henri Lévy… Il a raison, encore, d’opposer un 68 parisien, jeune et spontanéiste, à un 68 pragois, adulte et cultivé (il pourrait admettre cependant que la culture sous un régime communiste étant plus mise à mal que sous le régime gaulliste, il est logique que celle-ci soit plus mise en avant là-bas qu’ici). Il a tort d’en tirer les conclusions à l’emporte-pièce qu’il tire et de rendre Mai 68 coupable du « désastre scolaire » et de la grande promotion de Disneyland, de la Citroën « Picasso » et de Bigard.

Tout d’abord, Mai 68 n’est pas coupable. On peut voir, sur le site de l’INA, des archives montrant les discussions de l’époque et que disait-on à l’époque ? Que le niveau se dégradait, que l’enseignement manquait de moyens, que le déclin était en marche. Ce n’est pas convaincant ? Que dit Thomas Mann en 1935 dans un petit texte (Achtung Europa !) ? Ceci : il dénonce « L’invraisemblable déchéance de la culture et la régression morale » qui est « l’affaire du siècle ». Diantre ! Mai 68 a eu des effets rétroactifs d’une puissance inimaginable ! L’argumentaire de Mann, pour en parler brièvement, reprend celui de José Ortega y Gasset (La rebelion de las masas) décrivant l’intrusion des masses dans une civilisation qu’elles ne comprennent pas : à la suite d’un certain anti-intellectualisme (Marx, Nietzsche) justifié (car au nom de l’esprit, pas de son mépris) contre l’idéologie allemande, contre le platonisme, le christianisme, c’est une véritable réaction non-intellectuelle qui s’est produite, méprisant par dessus tout vérité, justice et liberté, ainsi que la durée : la culture, pour résumer. Pourquoi, dès lors, une telle fixation sur Mai 68 aujourd’hui ? C’est d’autant plus surprenant venant de Finkielkraut qu’il en appelle régulièrement à Hannah Arendt qui, pourtant, se place dans le cadre de la modernité quand elle parle d’autorité, de crise de la culture, etc. Or, la modernité, elle commence sa fin en 68, précisément, laissant place à une post-modernité, une ultra-modernité, une modernité tardive selon les auteurs. Pourquoi ne jamais rappeler que le processus était déjà enclenché depuis bien longtemps, plus frappant encore : qu’il était sur le point de passer à autre chose ?

Plus intéressante que la surenchère idéologique, l’analyse des processus socio-économiques et des décisions politiques qui conduisent au « désastre » que l’on « connaît » (et que, justement, il faudra remettre en question plus loin). Finkielkraut, par son célèbre mépris pour les sociologues, refuse d’aller sur ce terrain, grand bien lui fasse.
Premier processus à l’œuvre, ce que Jean Baubérot appelle le « troisième seuil de laïcisation » (Laïcité 1905 – 0005 : entre passion et raison) autour de la période 68-89. Dans la société de consommation (Jean Baudrillard) et de communication, dans le culte de la performance (Alain Ehrenberg), l’individu devient incertain et il y a crise des identités. Des identités, au pluriel, car l’identité n’est plus nationale, façonnée par l’Etat, mais davantage liée aux droits fondamentaux, l’individu est plus nietzschéen, souverain de lui-même, autogouverné, abandonnant la civilisation des mœurs soit la discipline sociale par intériorisation de la contrainte (Norbert Elias). Concrètement, cela se manifeste par une laïcisation des laïcisateurs : l’Ecole et la Médecine, les deux institutions qui ont fait triompher la laïcité jusque-là sont elles-mêmes prises dans le processus et les nouveaux clercs qu’étaient instituteurs et médecins sont contestés dans leur autorité. On peut le regretter, mais on peut aussi y voir un progrès du couple liberté / responsabilité. Le propos ici n’est pas de juger, mais de montrer que le résultat ne provient pas de la seule « pensée 68 » mais qu’il s’inscrit dans une histoire longue de la laïcisation et des rapports individus – société : mieux vaut comprendre avant de hurler au loup. Mai 68 marque le début d’une nouvelle étape, mais largement amendée par la suite d’une part, et conditionnée par ce qui précède d’autre part.
Autre processus faisant intervenir l’histoire longue : la mondialisation, cette grande perturbation (Zaki Laïdi). Elle bouscule en effet les conceptions bodiniennes de la souveraineté, mettant à mal l’autorité de l’Etat, l’identité de la nation, et construisant un imaginaire nouveau basé sur des formes communes (d’où la peur de l’uniformité), une vie quotidienne mondiale et des happenings incessants (d’où la dévaluation culturelle du temps long), un vivre-ensemble émotif (d’où une sentimentalisation sur les décombres du politique), un règne du marché (d’où un relativisme certain, une haine du « détour », de la culture), un caractère normatif du temps mondial (d’où la crise de souveraineté et de l’action politique). Si l’on suit Fernand Braudel (La dynamique du capitalisme), on admettra que le temps du monde date de quelques siècles avant Mai 68. Cela ne signifie pas que tout est joué depuis le XVIè siècle, depuis toujours, que tout est écrit, qu’il n’y a pas d’alternative. Les hommes font toujours leur époque, sans le savoir ni même sans vouloir le savoir, mais si l’on peut légitimement échapper au déterminisme, au rôle déterminant de la structure, on doit aussi, en retour, ne pas accorder à l’événement une force et une singularité qu’il n’a pas. Cela pour signifier qu’il est trop aisé de se défausser en attaquant Mai 68 et en oubliant dans le même geste les processus dont cet événement constitue l’écume, pour reprendre une image braudelienne.

Maintenant, cette tarte à la crème qui consiste à dire que « le niveau baisse » et non seulement baisse, mais de manière tout à fait catastrophique et inédite, et dont le responsable serait Mai 68 qui aurait ruiné la transmission des savoirs en sapant l’autorité du maître, dans une confusion entre le maître de l’esclave et le maître de l’élève. Faire le constat d’un « désastre scolaire » est pour le moins surprenant et risque de signifier qu’on est prêt à jeter le bébé avec l’eau du bain. Il est indiscutable que le niveau général a augmenté par la démocratisation de l’éducation. Les effets positifs sont immenses : il y a aujourd’hui 7 fois plus d’étudiants dans le supérieur qu’en 1960, les filles réussissent désormais mieux que le garçons, etc. Comme c’est systématiquement oublié, il vaut mieux le rappeler. Mais ce n’est pas le seul oubli, loin de là. Il y a au sortir de la guerre une fantastique demande scolaire, dépassant de loin la décision politique : l’exemple de l’école maternelle qui a crû d’elle-même vers 1950-60 est à ce titre très significatif (Antoine Prost parle de « non-décision gouvernementale »). La société était en avance sur un pouvoir central qui avait déjà du mal à gérer un appareil si lourd. C’est elle qui a su dépasser les limites d’une conception héritée des Lumières, angoissée à l’idée que la populace s’investisse des savoirs. Désastre scolaire ?
Autre point fondamental que Finkielkraut n’aborde jamais. C’est le révolutionnaire anti-autoritaire bien connu, le Général de Gaulle, qui a, dans les années 60, orchestré un bouleversement majeur qui n’est pas sans conséquence : le remplacement du latin par les mathématiques comme matière d’excellence. Il est vrai, longtemps les savoirs scientifiques ont eu peu de place dans l’école républicaine. Après la libération, le terrain leur sera plus favorable. De Gaulle veut moderniser le pays, affirmer la puissance militaire et industrielle et les sciences vont donc se retrouver au centre des préoccupations. Au début des années 60, on peut parler de coup d’Etat des mathématiques renversant le latin. Il est fini le temps où l’Ecole républicaine avait pour mission l’unité nationale autour de sa langue, de sa géographie, de son histoire. Une autre utilité lui est donnée. Comment ne pas en voir les conséquences ? Jusqu’à Sarkozy qui estime : « Vous avez le droit de faire de la littérature ancienne, mais le contribuable n’a pas forcément à payer vos études » (20 Minutes, 16/04/07). Autrement dit : il est complètement farfelu de comparer le niveau orthographique et littéraire « avant » et « après » et en conclure que ce sont les pédagogies nouvelles de Mai 68 qui en sont responsables. Comme on dit, la condition « toutes choses égales par ailleurs » n’est ici absolument pas vérifiée. Garder les mêmes critères d’évaluation alors que les contenus, les attentes, les utilités ont été bouleversés, voilà bien quelque chose de curieux.

D’ailleurs, Mai 68 n’a absolument pas inventé les pédagogies nouvelles : encore un raccourci d’une facilité indigne d’un intellectuel. C’est avec Rousseau que se marque une première rupture non dénuée de suite, même si cette suite s’est émancipée de son héritage rousseausite (excellence de la nature, perversion de la société) en s’investissant de la psychologie de la fin du XIXè siècle. Les délicates questions du constructivisme et des pédagogies nouvelles ne seront pas posées ici (se référer aux écrits de Jean Piaget, Herbert A. Simon, Edgar Morin). L’aventure scientifique depuis la fin du XIXè a ruiné les bases du positivisme et dans la perspective constructiviste, l’intelligence chez l’enfant se forme en construisant des structures en structurant le réel selon un processus de développement (et les modes de transmission éducative), les connaissances sont donc de nature active, la tabula rasa – boîte vide à remplir par les savoirs prédisponibles du maître – est rejetée. Finkielkraut a parfaitement le droit, à son tour, de rejeter cette conception, mais alors il doit argumenter contre, et non pas se satisfaire d’un rejet moral au nom d’une préservation de l’autorité du maître prétendument menacée. Prétendument parce que l’autorité, au moins depuis un bel article de Diderot dans L’encyclopédie (« Autorité politique »), ne peut plus être vue comme monolithique. Olivier Reboul en montre 6 formes : le contrat, l’expert, l’arbitre, le modèle, le leader, le Roi-Père. Les pédagogies nouvelles ne font que mettre l’accent sur l’expert, l’arbitre, plus sûrement le contrat, mais ne viennent pas à bout de l’autorité, même si certains discours en 68 notamment ont allègrement confondu l’autorité en général avec sa forme « Roi-Père ». Ce n’est jamais l’enfant qui décide qu’il y aura contrat, mais l’institution ! La rigueur reste un « invariant pédagogique » (Michel Tardy), le souci est qu’elle ne soit pas arbitraire. Qui plus est, malgré les réformes de 1969, les pédagogues ont échoué là où les psychologues ont réussi et on ne peut estimer que les pédagogies nouvelles aient été appliquées (réformes liquidées en 1975 puis encore plus en 1985). Ce serait un formidable tour de passe-passe que de les tenir pour responsables !

Il ne s’agit pas d’être angélique et de nier les problèmes éducatifs rencontrés par notre société, bien au contraire. Si Thomas Mann craignait en 1935 l’abrutissement totalitaire, nous avons à craindre aujourd’hui l’abrutissement d’une « démocratie de marché ». Il est vrai que Mai 68, en s’attaquant à l’Etat jacobin, au PCF, à la famille… s’est attaqué à ce qui restait comme contrepoids au marché. Mais ce n’est là qu’une variation sociétale d’un processus socio-économique plus profond. L’éducation rencontre de nombreux problèmes :
En se démocratisant, l’Ecole a intégré les tensions sociales : « exclus de l’intérieur » (Pierre Bourdieu), marché du travail difficile, demande sociale d’égalité de résultats, …
Bureaucratisation et centralisation sans cesse croissante alourdissant la gestion ; corporatismes et conservatismes bloquant les évolutions
Société foncièrement anti-éducative comme l’illustre le monopole de l’éducation tenu par l’Ecole. Sans suivre Ivan Illich qui considère l'Ecole nocive et inefficace, on ne peut que regretter la « démission » des autres institutions à vocation éducative (famille, partis politiques, associations, média, etc.)

N’est-ce pas un formidable paradoxe ? alors que l’Ecole est en état de crise permanent, et même de crise de plus en plus prononcée, son quasi-monopole éducatif ne fait que se renforcer ! Pourquoi ne pas profiter de ce débat pour réfléchir plus globalement sur les valeurs de l’éducation ? Alain disait : « nous n’avons pas besoin d’une élite éclairée, mais d’un peuple éclairé ». Parfois, le procès simultané de Mai 68 et de la démocratisation de l’éducation sonne comme une condamnation des propos d’Alain et une nostalgie des Lumières seules cultivées et appelées à guider le bon et docile peuple. La querelle autour de Mai 68 est agaçante car stérile : elle masque le fantastique défi à relever qui est de penser l’éducation du XXIème siècle. Il est certain que Finkielkraut veut relever ce défi...

4 petits Que sais-je ? comme introduction à ces questions, ce qui me permet avec Montaigne de dire que les choses ne vont pas de soi : il s’en suit que la réflexivité, la construction/déconstruction est le but de l’éducation.


REBOUL (2006), La philosophie de l’éducation, QSJ n° 2441
TROGER & RUANO-BORBALAN (2005), Histoire du système éducatif, QSJ n° 3729
LEMOIGNE (1999), Les épistémologies constructivistes, QSJ n° 2969
RESWEBER (2006), Les pédagogies nouvelles, QSJ n°2277