samedi 14 avril 2012

Transformer l'élection présidentielle en référendum sur le tirage au sort

Qui les supporte encore ? Les sondeurs, les publicitaires, les banquiers, les éditocrates nouveaux chiens de garde, les politiciens... Qui ?

Pas nous, qui cherchons à remonter de cause en cause, à penser radicalement, à faire la généalogie du désastre. J'ai lu, j'ai beaucoup lu. Nietzsche bien entendu, anéantissait la différence entre un despote auto-déclaré et le "libre choix" entre 4 ou 5 candidats. Beaucoup d'autres encore. Castoriadis bien évidemment, enseignait que nous ne vivions pas en démocratie. Beaucoup. Je n'en ferai pas la liste. Je ne savais pas assez les relier et en faire émerger une pensée cohérente. C'est une idée m'ayant au premier abord parue loufoque qui a tout changé. Une idée d'Etienne Chouard, découverte il y a quelques années en vidéo : la démocratie passe par le tirage au sort des représentants. Plus vous suivez ses conférences, plus vous vous rendez compte que ce drôle de personnage, en plus d'être capable du travail le plus titanesque, a l'étrange manie de chercher plus que tout des objections à sa pensée. Objections qu'il s'attache à démonter, moyennant quoi sa pensée peut évoluer si l'objection n'a pas pu être complètement surmontée, ou être renforcée comme ayant été capable, précisément, de surmonter cette objection. Cette méthode est éminemment convaincante. Depuis 2005, il a donc bâti une pensée politique tout à fait cohérente. Ayant lu une infime partie des mêmes auteurs que lui, j'ai pu grâce à ses conférences faire les liens qui me manquaient et facilement être convaincu. 

Je résume : l'élection suppose de connaître les candidats, ce qui implique à une échelle de 60 millions d'habitants des moyens colossaux de communication - par quoi les candidats pouvant l'emporter sont nécessairement liés aux milieux d'affaires et médiatiques, et se constitue fatalement une oligarchie servie par des professionnels de la politique coupés du peuple qu'ils prétendent représenter, et qui écrivent eux-mêmes les règles qui vont limiter (tu parles) leurs pouvoirs. D'où toutes les trahisons que nous pouvons identifier sur les différents sujets. Ce n'est pas parce qu'ils sont vilains, c'est parce que nous leur avons abandonné le pouvoir. La démocratie, ainsi que tout le monde le savait avant 1789, nécessite donc le tirage au sort. A cela toute une panoplie d'objections, cf. les vidéos d'Etienne Chouard.

Bien. Il y a là de quoi redonner goût à la politique, parce que c'est passionnant de se lancer dans l'écriture d'une Constitution. Il y a tout un travail, gigantesque, d'éducation populaire à la politique, autrement plus enthousiasmant que de devoir aller voter pour un pantin plutôt qu'un autre. Mais, l'éducation populaire, c'est long. La diffusion, la propagation du message, c'est long. Et aujourd'hui, nous devons supporter le lamentable Spectacle de la présidentielle. 

Faut-il vouloir accélérer le mouvement ? Je l'ai souvent cité : plutôt le chemin boueux vers le cœur que l'autoroute de l'information. Éloge de la lenteur. Nous devons nous approprier tout ça, pas chercher à le consommer aussi vite que le reste. Peut-être devons-nous aller lentement pour que l'idée mature. En nous précipitant, nous nous lancerons peut-être sans y être préparés, et ce pourrait être l'échec. Or, les révolutions qui échouent, Bourdieu insistait là-dessus, sont très dangereuses, parce qu'on ne récolte pas les fruits de la révolution, mais les coups de la réaction.

Il n'empêche. On voit aujourd'hui le Nouvel obs, lui-même, citer la loi de 1973. Les médias y sont bien contraints, puisque Dupont-Aignan, Mélenchon, Le Pen (et Cheminade mais lui, ils s'en foutent) en parlent. C'est une victoire. Une victoire d'acteurs du net, une victoire de gens comme André-Jacques Holbecq et Etienne Chouard pour ne citer qu'eux, et de leur immense travail inspiré de Maurice Allais. C'est une victoire de leur stratégie virale.

Personnellement, je préfèrerais que nous parlions de stratégie de pollinisation, d'abord parce que j'aime bien les abeilles, mais aussi en référence au travaux de Yann Moulier-Boutang. Bzzz. Bref, la cause avance. Mais lentement. Le 7 mai, l'UMPS aura gagné et "les marchés" nous attaqueront. Retraites, TVA, salaires, CDI, privatisation de l'éducation, tout y passera ce sera l'histoire d'une salade grecque. 

Alors, il y a quelques mois, j'avais du publier un Se passera-t-il quelque-chose ? en espérant une jonction des anti-oligarchiques. On a entendu Peyrelevade expliquer doctement que ce que les "démocrates" craignaient, c'était la liaison des "2*20% de populistes" séparés et opposés sur l'échiquier politique. Comme à l'époque du CNR quoi... Sachant qu'en l'occurrence, 2*20 ne fait pas 40, mais plutôt 55 (référendum de 2005). 

Mais il ne s'est rien passé. Ou plutôt si. Mélenchon est très haut dans les sondages. Dupont-Aignan se lâche de plus en plus contre l'oligarchie. Cheminade a eu ses signatures. Marine Le Pen a publié un livre de gauche, économiquement. Mais, tous sont en ordre dispersés. A une semaine du premier tour, on a les chiens de garde qui aboient sur ces candidats jugés "dingues", "populistes", "antis... je ne dirai pas le mot", "complotistes", "unijambistes", tous les mots en "iste" qu'ils connaissent. Dupont-Aignan est accusé de se mélenchoniser, Mélenchon de faire du Le Pen, etc. 

Au final, juste des regrets... que tous ceux-là (et d'autres : que font Chevènement et Montebourg avec Hollande ?) n'aient pas pu mettre de côté leurs importantes divergences pour répondre à la vraie et unique priorité du moment : la reprise de souveraineté par le peuple qui doit écrire une Constituante.

Le CNR avec ses communistes (des vrais ! pas des sociaux-démocrates à barbichette) et ses maurassiens (des vrais ! pas des sociaux-libéraux modernisés) avait su passer outre. Bon, il a fallu une guerre.

Mais aujourd'hui, n'avons-nous pas les moyens de s'épargner une guerre (civile) en tentant de convaincre les semi-démocrates ? Avec une stratégie révolutionnaire à la Bernard Friot : partir de l'existant et le pousser au bout de sa logique. L'existant, ce sont ces politiciens du système certes mais semi-démocrates car opposants à l'oligarchie. Il faut du temps, beaucoup de temps, ne serait-ce que pour lancer la discussion sur le tirage au sort. A la TV, c'est impossible. Sur Internet en revanche, n'est-il pas possible d'organiser une sorte de table ronde sur la question constituante, en invitant tous ceux qui dénoncent l'oligarchie tout en restant pour le moment favorable à un système électif ? Mélenchon, Montebourg, Dupont-Aignan, Chevènement, Le Pen, etc. Ils feraient part de leurs objections, la plupart seraient certainement réfutées, d'autres pourraient faire progresser le projet. Serait-il illusoire d'arriver à une candidature commune de ces gens-là avec pour seul programme la convocation par tirage au sort d'une Constituante ? Pour le moment, ça l'est peut-être. Quand "les marchés" auront attaqué la France (le 7 mai ?), ça le sera peut-être moins ?...

Puisse cette élection présidentielle être la dernière en date. Puisse la suivante être remplacée par un référendum "Pour ou contre le tirage au sort ?"... Alors, ce sera à nous, petites abeilles, de faire valoir nos arguments dans une réédition de 2005 en forme de revanche.