mardi 21 décembre 2010

... continuons le combat

N'Dickou et Louise dans un débat
Quelques mots sur Ce n'est qu'un début, le film de Jean-Pierre Pozzi et Pierre Barougier, documentaire retraçant l'expérimentation menée par l'enseignante Pascaline Dogliani en moyenne et grande section d'une école maternelle de région parisienne : faire de la philosophie. Je passe sur les qualités du film, assez brut, quelques plans ajoutés bien pensés, la musique de ce cher Anouar Brahem et évidemment les enfants, très drôles (mention spéciale pour la petite fille au nutella). 

L'expérience ne promet que d'improbables résultats... les débuts sont difficiles, mais après deux ans de philosophie, les progrès sont étonnants. Posons deux limites d'emblée : 
  • certains enfants monopolisent l'écran, peut-être parce qu'ils monopolisent la parole en classe, mais précisément, comment l'enseignante remédie à ça ? à supposer qu'elle le fasse... 
  • on voit la progression de ces élèves, mais il faudrait pouvoir comparer à des "non-philosophes"

Les bénéfices sont toutefois évidents. Les enfants sont capables de réfléchir, d'exprimer à leur tour des accords ou désaccords argumentés. Surtout, les discussions deviennent de plus en plus autonomes et débordent la séance de philo, la salle de classe, la cour de l'école. Pour moi, c'est extrêmement intéressant puisque mon rôle est exactement celui-là, pour les sciences et non la philosophie. Créer les conditions de production autonome de connaissances, en utilisant une démarche, en confrontant ses idées à celles des autres, en imaginant, en vérifiant... On peut apprendre grâce aux "savants qui savent" qui transmettent. On peut aussi apprendre en "chercheurs qui cherchent" autonomes, chercheurs scientifiques, chercheurs philosophes, peu importe. Ils découvrent des choses, par exemple sur la télévision, et l'expliquent de manière vraiment stupéfiante. Pas besoin des Grands Experts.


dimanche 28 novembre 2010

Une agriculture saine ?

C. & L. Bourguignon - LAMS
Long est le temps qui nous sépare du dernier article publié ici. Alors je prends mon courage à deux mains, et j'y vais. J'essaye de lire encore un peu, sur les courts moments où je n'ai ni à travailler ni à dormir (zombification... zombification...). Et j'ai attaqué un gros morceau tout en tentant d'en finir un autre. Je termine L'idiot de ce cher Dostoïevski, fabuleux comme il se doit.  Et j'ai commencé, donc, Les grandes transformations du monde et de l'économie, du sieur René Passet. C'est un économiste morinien aurais-je envie de dire. Transdisciplinaire, omnivore culturel, complexe. Il revisite l'histoire économique au prisme des grandes théories explicatives qui fondent chaque époque. C'est un pavé, je ne fais que le débuter, mais c'est fantastique. Une phrase empruntée au physicien Werner Heisenberg (bien connu pour son "Principe d'incertitude" : pour une particule massive donnée, on ne peut pas connaître en même temps sa position et sa vitesse, la précision sur l'une des données va réduire celle sur l'autre) m'a interpellé :
Dsi Gung dit : "Il existe un moyen d'irriguer cent rigoles en un seul jour. Avec peu de peine, on arrive à de grands résultats. Ne veux-tu pas l'utiliser ?" Le jardinier se releva, le regarda et dit : "Et que serait-ce ?" Dsi Gung répondit : "On prend un levier de bois lourd à l'arrière et léger à l'avant. C'est ainsi que l'on peut puiser l'eau à profusion. On appelle cela un puits à la chaîne." La colère monta au visage du vieux qui dit : "J'ai entendu parler mon maître. Celui qui utilise des machines exécute machinalement toutes ses affaires ; celui qui exécute machinalement toutes ses affaires se fait un coeur de machine. Or celui qui porte un coeur de machine dans sa poitrine a perdu sa pure innocence et devient incertain dans les mouvements de son esprit. [...] Ce n'est pas que j'ignore ces choses - j'aurais honte de m'en servir."

Fabuleux ! Ce jardinier fait l'honneur de la Chine millénaire. Il faut bien toute la dégénérescence communisto-capitaliste pour ruiner une telle tradition d'amour de la nature. Bref... Tout ça pour revenir à ce fameux livre :  Le sol, la terre et les champs, sous-titré Pour retrouver une agriculture saine, de Claude & Lydia Bourguignon. Ce livre vraiment exceptionnel s'attaque donc à l'agriculture productiviste, par le versant agrologique. Je reviendrai un autre jour par le versant politique avec la PAC et la construction européenne. Agrologique, parce qu'il y est question d'opposer l'agrologie à l'agronomie des experts plutôt dégénérés. C'est un livre parsemé de poésie, en conclusion de l'ouvrage, en exergue des différents chapitres, par l'hommage rendu à moult bestioles et force variétés de fruits et légumes, par la nostalgie d'un monde perdu qui pointe de-ci de-là, et c'est déjà rafraîchissant. C'est par l'exercice d'une spiritualité qu'on arrive ici à combattre le modernisme soi-disant efficace, rationnel et scientifique. 


Le sol, milieu dynamique

Le sol est aussi fondateur (de humus à homme, humilité) que méconnu et il a fallu attendre le siècle dernier pour atteindre une conception du sol non plus comme couche inerte et à labourer, mais comme milieu complexe ayant une vie et... une mort. 

Contrairement à l'air et à l'eau, purement minéraux, le sol est un milieu organominéral, il faut de la vie, de la matière organique pour qu'il naisse. Du coup, il est très fragile, parce que les liaisons entre les composés minéraux et les composés organiques sont électriques, très faciles à rompre au contraire des liaisons atomiques (azote, oxygène, etc.) des autres milieux. Il faut donc respecter les lois de sa naissance pour ne pas le tuer. Ce qui n'a pas été fait et a détruit 2 milliards d'hectares, d'ores et déjà. 

Je vous passe les détails chimiques de la formation du sol, mais la litière (cadavres d'animaux et de plantes) s'unissent aux argiles issues de l'altération des roches pour former un complexe argilo-humique (ça se passe dans les intestins des vers de terre). Ce qui est impossible dans un désert où, non retenus par la litière, les composés minéraux sont emportés par le vent, ou dans les tourbières en montagne où la litière est trop lentement décomposée. 

Température, pluviométrie, dureté des roches, relief, type de végétation jouent un rôle et expliquent l'extrême diversité des sols. Connaître ces facteurs, et la maturité du sol permettrait de ne pas lui infliger de mauvais traitement susceptibles de le faire mourir. Est donnée l'illustration de fleuves d'Amazonie, certains clairs, certains orange et chargés de terre. Quels sont ceux qui côtoient les zones cultivées ? Ceux orange, vous avez gagné. La nature empêche l'érosion des sols, c'est l'incompétence humaine qui la provoque : l'érosion des sols monte à 40t/ha/an en France. Par le labour, on perturbe le mécanisme de formation du sol ; en cessant d'apporter de la matière organique, on supprime l'alimentation de la faune, le sol s'acidifie, pollue les nappes phréatiques et les rivières, n'absorbe plus l'eau et cela provoque des inondations. 

Le point central est donc le suivant : pour préserver les sols, il faut s'intéresser aux microbes, à la faune, aux plantes, et non pas seulement à une analyse physico-chimiques et des apports d'azote, phosphate et potassium comme le font les agronomes. Ce n'est pas un simple support physico-chimique. La seule efficacité économique a prévalu pour le remembrement, et la séparation de l'élevage et de la culture, et c'est une absurdité. Le labour est destructeur et il est proposé de le remplacer par la technique du semis direct : on laisse les pailles entières et debout, et on sème derrière la moissonneuse-batteuse une culture intercalaire qui étouffera les mauvaises herbes, protègera le sol du soleil, servira d'abri à la faune et préparera le terrain à la culture d'hiver. 


Le sol, milieu vivant

D'une, il y a les végétaux. Les racines des plantes, bien plus volumineuses que leurs parties aériennes. Extrêmement important. Un pied de seigle peut produire jusqu'à 600 km de racines. Merci pour lui. Un chêne s'enracine à 140 m de profondeur. Le chevelu racinaire permet d'absorber les éléments nutritifs, et en échange (c'est très adamsmithien, ce qui se passe dans le sol), il nourrit certains microbes du sol. Tout le monde y gagne. Grâce aux racines, la terre est grumeleuse, légère, aérée, au contraire des grosses boulettes de terre des champs nus, grande catastrophe ne favorisant que l'érosion.

Ensuite, la faune. Ceux visibles, comme les rongeurs qui creusent des galeries (utiles pour faire rentrer l'air et l'eau dans le sol). D'accord, les rongeurs mangent une partie des récoltes. Mais à long terme, ils permettent des gains de productivité par l'aération qu'ils permettent. Étonnant, non ? Quant aux invertébrés, ils broient la litière, qui sera attaquée, alors, par les microbes, pour former l'humus. La faune, en circulant, crée très forte porosité du sol qui contient 80% de vide. C'est pourquoi un sol peut absorber jusqu'à 150 mm/heure. Alors qu'un limon labouré n'absorbe que 1mm/heure ! Voilà comment créer des inondations en période de sécheresse. Cette faune qui décompose, digère, brasse la litière, est détruite par les pesticides. Merci qui ?

Il ne faudrait pas oublier les micro-organismes, algues, champignons, bactéries, qui servent d'interface entre le monde minéral et les êtres vivants.
 Vie = énergie * matière

Exemple : les organismes photosynthétiques sont ceux capables de fusionner l'énergie solaire et la matière minérale atmosphérique (C, O, H). Plantes vertes et bactéries (Photo-organotrophes, chimiolithotrophes, chimio-organotrophes) sont essentielles. Ce sont elles qui font entrer le carbone, l'azote, dans le cycle du vivant. Le phosphore lui vient des champignons. Il est donc extrêmement important de favoriser le cycle microbien plutôt que de n'apporter aux plantes que du N, P, K.

Le sol gagne à être amendé parce que l'homme a détruit les forêts qui tenaient ce rôle. Les pratiques de marnage (apport d'argile calcaire) et de compostage, ainsi que celle du BRF (apport de Bois raméal fragmenté sur quelques centimètres) y pourvoient.


Le sol et les plantes

A chaque climat sa végétation type. Mieux vaut comprendre les modèles naturels durables que d'imposer des plantes qui n'ont pas leur place dans un climat particulier. Donner à une plante son environnement optimum n'est pas facile mais doit être l'objectif. Il faut connaître le sol, le climat, la plante. Ce qui est parfaitement négligé aujourd'hui. Et c'est pourquoi on se dirige vers le hors sol, catastrophique. Les rotations et associations de culture obéissent à des règles largement méconnues. La betterave par exemple est parfaite pour préparer au blé. Mais la rotation a été abandonnée à cause de l'exode rural et de la recherche de productivité. Les auteurs proposent le semis direct sous couvert pour remplacer le labourage.

Les plantes se nourrissent par ailleurs à 95% par les feuilles (l'air), et à 5% seulement par les racines (et les engrais qu'on y envoie). Joli pied-de-nez aux agronomes qui s'acharnent sur 5%. Les haies, les haies rasées, permettaient de ralentir l'air et de favoriser l'absorption par les plantes d'éléments nutritifs. Étonnante perfection, et étonnante imbécillité que cette destruction sans savoir.

La science n'est pas si miraculeuse qu'on le pense. Elle a même détruit la biodiversité. 253 variétés de pommes françaises en 1906. 4 variétés US se partagent aujourd'hui 92% du marché, les 8% restants concernent 10 variétés à peine. Belle réussite.



Agrologie et fertilisation

Il s'agit donc de proposer un nouveau concept de fertilisation, non plus seulement chimique, mais savoir fertiliser le sol, la faune, les microbes, les plantes, par diverses techniques déjà évoquées.


Le sol et les animaux

Une simple citation : "Curieuse civilisation que celle qui brûle ses vaches et ses volailles, qui extermine la faune sauvage et qui cajole à l'excès ses chiens et ses chats. Notre coeur n'est-il donc plus assez vaste pour aimer la nature dans sa plénitude ? Pour nous, habitants des grandes mégapoles, la nature se résume-t-elle donc à un chien castré qui vient pisser chaque matin sur le cèdre bleu au milieu du gazon bien tondu ?"


Le sol et le terroir

Pour un terroir, il faut un climat, une géologie, une topographie, et un sol, et des hommes. Loin du schéma simpliste NPK des 50 dernières années, celles de l'agriculture productiviste. Pilules, vitamines, fast-food, bonjour.


Vous voulez une conclusion, oui je sens que vous voulez une conclusion. En voilà une, je cite, il n'y a rien d'autre à faire, c'est magnifique :

C'est dans la noirceur des marais et dans l'ombre des forêts que se trouvent les réponses aux questions que se pose l'humanité. C'est dans ce que nous rejetons et détruisons depuis des millénaires que se trouvent les fondements de la prochaine civilisation. Accepterons-nous de regarder avec amour et compréhension ce que nous avons toujours fui ? Accepterons-nous de regarder et de respecter le sol comme devra faire l'agriculteur de demain ? Et ces grouillements de vies obscures qui se déroulent sous nos pieds, et les rêves inconnus de nos bêtes, saurons-nous leur donner la place qu'ils méritent dans les fermes du futur ? Il en va pourtant de notre avenir et, ne nous leurrons pas, ce n'est pas de technique dont nous aurons besoin pour bâtir l'agriculture de demain mais de spiritualité pour découvrir le champ du rêve.


lundi 25 octobre 2010

Mi(ni)stère de l'écologie

Borloo espère que la pollution automobile va pouvoir reprendre son envol grâce à la réouverture des pompes à essence. 



Demain, Roselyne Bachelot, ministre de la santé, espérera une épidemie de grippe (ah mince, elle a déjà fait le coup). 

mardi 12 octobre 2010

L'objection social-démocrate ou néo-libérale (on ne sait plus)

Vous pouvez dire : mais oui, les deux précédents articles sont bien gentils, mais il y avait une raison pour privatiser ainsi le crédit, et puis le monde a changé et il faut faire face à la concurrence des pays émergents. Un tel discours sera tenu indifféremment par qui vous voulez du PS à l'UMP en passant par le Modem et Europe Ecologie, partis qui donnent l'impression d'une offre diversifiée au niveau politique. C'est un peu l'histoire du spectre visible des ondes électro-magnétiques. Nous pouvons en voir des couleurs du rouge au violet, cependant, ce n'est qu'une infime part des ondes existantes et néanmoins invisibles. De même, la grande majorité des idées sont invisibles à la télévision. Et celles que nous voyons peuvent, à l'instar des couleurs de l'arc-en-ciel superposées dans la lumière blanche, se fondre dans une unicité (pardon). Comment appeler cette pensée dominante ? n'a aucune importance. Ceux qui sont dans le bon camp se dénomment "sociaux-démocrates" (sans rien avoir en commun avec les vrais sociaux-démocrates) et insultent leurs soi-disant adversaires de "néo-libéraux" (qui trahissent le libéralisme comme les précédents trahissent le socialisme). Tous sont en réalité les enfants de la théorie monétariste de Milton Friedman. Je ne rentre pas dans les détails ; et, je me pardonne cette caricature :

L'idéologie consiste à avoir l'obsession de la stabilité des prix (éviter l'inflation) et donc empêcher l'Etat d'intervenir sur le plan monétaire et économique. 

De fait, il a pu arriver que des gouvernements battent monnaie inconsidérément, à l'approche d'élections. Dans ce cas comme dans d'autres, la spectre de l'inflation (et des années 30) sert d'épouvantail (logique). Ainsi, la loi de 1973 fut justifiée par la lutte contre l'inflation, supposée être causée par l'augmentation de la masse monétaire. Or, la masse monétaire a depuis considérablement augmenté, jusqu'à 11% par an (nous sommes en droit de nous demander en quoi les banquiers seraient plus raisonnables que l’État), sans qu'une inflation galopante ne vienne tout terrasser. Cet argument est plutôt mis à mal. 

Eut-il été valable que cela n'aurait pu remettre en cause le pouvoir régalien par excellence d'un État qui est de battre lui-même sa propre monnaie. Et pourtant... Bref, je ne reviens pas dessus, ce que je ne saurais faire sans tourner en rond avec les articles précédents.


La seconde objection - la concurrence internationale - mérite une pause. Là, j'ai envie de sortir mon Emmanuel Todd. L'actualité en a décidé légèrement autrement, puisque Maurice Allais, Prix "Nobel" (un faux Prix Nobel, qui a pour but de faire croire que l'économie est une science, d'ailleurs) d'économie 1988, est décédé en début de semaine à l'âge de 99 ans. Comme le rappelle François Asselineau, son âge avancé ne l'empêchait pas de combattre intellectuellement, bien que banni, pour ainsi dire, des média. En témoigne une intervention que Marianne a eu l'honneur de publier le 5 décembre 2009. Résumons le résumé de la pensée de M. Allais : la monnaie n'est pas le seul problème, il y a aussi la libéralisation excessive, ce qu'il appelait le "laissez-fairisme", dévoiement du libéralisme, complètement destructeur. Il est absurde de faire du protectionnisme face à des voisins ayant le même niveau de vie, et peut-être des économies complémentaires, comme c'est plutôt le cas en Europe de l'ouest, par exemple. En revanche, face à des économies de niveaux complètement différents, le libéralisme conduit à la destruction avec délocalisations, chômage, etc. 


Le plus fort, c'est que, finalement, le seul continent libéral aujourd'hui est l'Europe. Oncle Bernard (Charlie Hebdo, 12/10/10) : 
"L'euro flambe. Trichet [Banque Centrale Européenne] regarde, un verre d'eau à la main. De quoi Trichet est-il le nom ? De l'incompétence ou de l'incapacité ? Les deux, mon capitaine. Il ne peut rien faire. Les Américains décident d'accélérer la chute de leur monnaie en achetant à tire-larigot de la dette (en battant monnaie, autrement dit), les Japonais font de même, les Chinois aussi, Trichet regarde. Veut-il contrer la hausse de l'euro ? Non. Il regarde toujours l'horizon dans l'attente de l'inflation. [...] Un euro fort ne pénalise pas l'Allemagne, qui assemble hors zone euro (faibles coûts) et vend dans la zone euro (prix forts), mais tous les autres pays, la France, l'Italie, etc. Ne parlons pas de la Grèce." 
Grèce en cours de "rachat" par la Chine. C'est fini. La guerre économique est perdue, ce que ne peuvent que constater les responsables "libéraux" de cette situation, les Grands Experts invités sur tous les plateaux TV. Il n'y a plus qu'à ralentir la chute en détruisant ce qu'il reste de politique sociale. C'est encore un mauvais calcul, assurément.

C'est un certain protectionnisme qui a permis à l'Europe d'atteindre, par exemple, l'auto-suffisance alimentaire, et c'est le libéralisme imposé à l'Afrique qui conduit celle-ci, par exemple, à envoyer ce qu'elle produit en Occident plutôt que de le consommer sur place et lutter contre la famine. Des zones régionales organisées sont bénéfiques à tout le monde. Pour qu'il y ait libéralisation, il faut : 
       - un système de complémentarité entre les marchés nationaux pré-existants
       - une production internationale diversifiée 

Faute de quoi, il n'y a pas de coopération possible, mais des concurrences directes et la destruction par ceux qui vont gagner les marchés de ceux qui avaient de quoi subsister. Il est évident que l'industrie française n'a aucune chance face à la chinoise.

Conclusion, les faux socialistes et les faux libéraux, blancs bonnets et bonnets blancs, nous emmènent dans le mur, et c'est pourtant au début qu'il aurait fallu se lamenter, comme le dit mon cher Djâlâl od-dîn Rûmî. La crise des subprimes a ouvert une légère brèche, il devient plus facile de voir les ondes débordant le spectre par la droite ou par la gauche. Maurice Allais, libéral et socialiste, mais aux vrais sens des mots, en fait partie. Je vous laisse avec Emmanuel Todd et Jacques Sapir, pour enfoncer le clou.


lundi 27 septembre 2010

Le mensonge démographique

Pourquoi s'arrêter en si bon chemin ? Le décor est planté - l'arnaque de la dette, allons un peu plus dans le détail. Ou plutôt, attaquons l'obstacle par la face démographique et vous verrez que nous atteindrons le même sommet que par la face monétaire : les parts du profit et des salaires dans le PIB. 

Je vous conseille d'écouter cette conférence de Bernard Friot, sur l'enjeu des retraites. Encore faut-il avoir 1h30 à y consacrer, alors je m'y colle, je résume.







L'enjeu des retraites - Bernard FRIOT - Vannes le 11/6/2010
envoyé par fsl56-org. - Regardez les dernières vidéos d'actu.

Quel est l'argumentaire à déconstruire ? 
1/ Il y a un problème démographique
       2/ Il entraîne un déficit
             3/ Il faut donc travailler plus longtemps

En route...

Le problème démographique
Il y avait 4 actifs pour 1 retraité il y a 40 ans, il y en a 2 aujourd'hui, il y en aura 1 en 2050. Catastrophe ! Catastrophe ?

Aujourd'hui, nous consacrons 13% du PIB aux retraités. Ce sont eux qui produisent la valeur de ces 13% ! Ces 13% correspondent à la reconnaissance comme travail de l'activité des retraités, c'est plutôt un progrès social. Ce n'est pas 13% de la valeur produite par les salariés qui s'envole.

2 actifs aujourd'hui produisent autant que 4 il y a 40 ans. Friot rappelle qu'au début du siècle, il y avait 30% d'agriculteurs, il y en a 3% aujourd'hui et ce n'est pas la famine. Entre les deux, il y a eu des gains de productivité ! Note : ce qui n'est pas nécessairement positif, j'y reviendrai bientôt en parlant du livre de Claude et Lydia Bourguignon.

Conclusion : plus il y a de retraités, plus leur part dans le travail augmente et il est légitime et non pas problématique que leur part dans le salaire global augmente.

Le déficit
                               PIB 1970 : 1000 milliards € dont 50 M€ consacrés aux retraites (5%)
                               PIB 2010 : 2000 milliards € dont 260 M€ consacrés aux retraites (13%)
                               PIB 2050 : 4000 milliards €

Admettons, non pas que nous restions sur la situation d'aujourd'hui, mais que nous revenions sur toutes les réformes depuis 1987. Les retraites coûteraient, en 2050, 800 M€, soit 20% du PIB. Comment est-ce présenté ? "Catastrophe, le coût va tripler en milliards d'euros, on va dans le mur". Il serait bien plus logique de parler en progression de pourcentage, puisque le PIB va doubler. Mais ça ferait moins peur, à juste titre. On se demande bien où est le problème puisque, les 800 M€ mis de côté, il restera alors 3200 M€ pour : les salaires, les investissements, les profits (inutiles). C'est bien plus que ce dont nous disposons aujourd'hui.

Le PIB augmente du fait des gains de productivité, mais aussi parce qu'on attribue de la valeur à des activités (notamment des retraités) qui n'en avaient pas jusque là et n'étaient pas salariées. Un retraité bénévole dans une association, qui cultive des légumes, garde les petits-enfants, que sais-je ? travaille, mais n'est pas employé. C'est plutôt un progrès de le payer pour cela, d'autant plus que les retraités sont certainement plus heureux de leur travail que la plupart des employés. En 2050, la moitié de la société sera payée et sans emploi : "on devrait plutôt sauter de joie".

Il faut travailler plus longtemps
Cette réforme ne nous fera pas travailler plus longtemps, pas plus que les précédentes qui ont laissé l'âge moyen de fin d'activité à 58 ans et 9 mois. C'est logique puisque la durée de travail dépend des employeurs, pas des employés. En revanche, la durée moyenne de carrière diminue. On travaille moins pour gagner plus. Ces réformes ne créent que des distorsions entre ce raccourcissement et la prise de retraite (61 ans environ) retardée pour éviter la décote en cas de "carrière incomplète" (les femmes surtout sont concernées).

En réalité, l'objectif de ces réformes est de faire pression sur les salaires. Les vieux sont fragilisés. On parle de "séniors" pour euphémiser et rendre la chose acceptable. Vont apparaître des "emplois séniors" sans cotisation sociale [j'ajoute un commentaire : les charges patronales ne sont jamais payées par l'entreprise, mais par le salarié, qui bénéficierait d'un salaire plus important sans elles, l'entreprise ne fait que payer techniquement], sur le modèle des "emplois jeunes", avec la même rhétorique. 

Qui faisait pression sur les salaires, jusqu'aux années 70 ? Les vieux (c'étaient eux qui occupaient les "petits boulots"), l'exode rural, les femmes, l'immigration. A partir de là, on a utilisé "les jeunes", catégorie inventée à l'époque. Depuis la guerre, le salaire à l'embauche augmentait continuellement. Cette politique a permis de casser cette hausse, avec des répercussions sur tous les salaires. Depuis 1975, le salaire d'embauche a été divisé par 2. Logiquement, la part des salaires dans le PIB passe dans le même temps de 70% à 60%. Aujourd'hui, si le PIB croît de 1,5%, seuls 0,5% vont aux salaires, le reste au profit.

Pour faire passer la chose, on a versé des larmes de crocodile sur les pauvres jeunes au chômage qu'il fallait aider, avec des emplois-nigauds. Et en effet, le taux de chômage des 18-25 ans est de 25%. Oui, mais, il n'y a que 30% des 18-25 ans qui sont "actifs", les autres font des études, etc. Ce dont il faut parler n'est pas le taux de chômage (chômeurs/actifs) mais le poids de chômage (chômeurs/population totale), de l'ordre de 7,5% pour les 18-25 ans, soit la moyenne. Il n'y a pas de spécificité du chômage des jeunes, mais le faire croire a permis la "modération des salaires" (toujours ce langage). Même ritournelle à venir pour les séniors.


Deux points encore à liquider...

Le plein-emploi
On pense aujourd'hui qu'on a connu le plein-emploi et que ça ira de mal en pis. Mais le taux d'emploi des 20-60 ans est de 76% aujourd'hui, il était de 67% en 1962 ! Ce qu'on appelle le plein-emploi était le plein-emploi... des hommes. La progression vers le plein-emploi est au contraire gigantesque. La précarité aussi était plus forte dans les années 50, mais il n'y avait pas de norme pour mesurer. Friot : "le thermomètre n'a jamais créé la fièvre". 

Deux catégories échappent au marché du travail : les fonctionnaires, qui ont un grade, une qualification, et non pas un emploi (il n'y a donc pas de chômage dans la fonction publique, pour le moment...) ; et, les retraités, payés à vie. Ces deux catégories sont soupçonnées d'abriter des fainéants. Oui, sans doute, mais ne rien faire est certainement moins nocif que beaucoup d'emplois... La mission des retraités serait d'inventer de nouveaux chemins de travail libérés de l'emploi.

L'investissement
La retraite, c'est un investissement sans investisseurs. Même le FMI estime que les marchés financiers pompent plus d'argent qu'ils n'investissent. Les financiers sont des prédateurs. Friot de rappeler comment nous en parlons : "il faut apaiser les marchés", "les marchés sont nerveux", "il faut faire des sacrifices", et de démasquer la vraie religion du temps, une religion païenne autour des marchés. Les investisseurs volent l'argent plus qu'ils ne l'apportent, et en même temps nous aliènent par le marché du travail. Leur toxicité est évidente aux yeux de plus en plus de monde et il va falloir y apporter une réponse positive. La retraite, justement, est une ponction de valeur produite qui échappera aux profits pour aller vers  des caisses qui investissent, elles, et sans épargne ni aucun taux d'intérêt. C'est une réponse. Faute de quoi, le champ sera libre pour l'extrême droite.


Pour finir, un résumé humoristique du même raisonnement : 

vendredi 24 septembre 2010

"Les banques, je les ferme, les banquiers, je les enferme" - Vincent Auriol

Je me suis fait mal en tombant sur quelques images du Soir 3 : nos amis majoritaires justifiaient la réforme des retraites. Il y avait l'ami Wauquiez, l'ami Copé, et un autre ami au moins, ça n'avait en tout état de cause aucune espèce d'importance puisque ce sont des perroquets qui ânonnent (vous reconnaitrez la curiosité) les mêmes "éléments de langage" comme il paraît qu'on appelle cela désormais. C'est clair : on ne peut pas faire une autre réforme. C'est impossible. Donc, il y a eu des manifestants, mais "le mouvement s'essouffle" parce que "les Français comprennent". Il suffit donc (tout cela est très logique) de continuer "la pédagogie" et l'évidence apparaîtra comme telle à tous : "refuser la réforme égale accepter l'immobilisme du PS". Or, être immobile, c'est contraire à la modernité. C'est implacable : on vit plus vieux, il faut travailler plus longtemps.

Cette propagande est on-ne-saurait-faire plus banale. Ce n'est pas parce que c'est banal qu'il faut arrêter d'en dénoncer la violence. C'est comme les publicités, il y en a à tous les coins de rue (échappant à celle radio-télévisée, et celle d'Internet, il n'y a plus que celle-là pour me heurter), mais c'est toujours une agression. Notre ami Wauquiez peut penser et dire ce qu'il veut, les absurdités qu'il peut débiter n'indiqueraient que ce qui à échappé à sa compréhension, ce n'est pas très grave. Mais il est là pour, et il entend nous convaincre. Et ça, c'est impossible ; mais, c'est pourtant ce qui se passe : je parie que le mouvement s'essoufflera en effet et que, la gauche éventuellement revenue au pouvoir, elle ne reviendra pas, en revanche, sur cette réforme. Mon hypothèse est que la contestation ne peut pas tenir parce qu'elle ne conteste que l'écume.

En effet, si on accepte l'idéologie dominante, maintenir la retraite à 60 ans voire l'abaisser (personne n'a la folie de parler de ça), c'est la quadrature du cercle. Les manifestants passeront inévitablement chaque jour un peu plus archaïques et utopistes aux yeux des plus en plus nombreux raisonnables pragmatiques modernes et/ou résignés. 

Je crois que ce n'est pas pour quelques trimestres qu'il faut manifester, mais pour une transformation radicale du système. On nous dit : la France est en faillite, il faut réformer nos politiques sociales pour rembourser la dette et être plus efficaces pour rassurer les marchés financiers. C'est le chantage à la dette. C'est à cause de la dette que le mot réforme, qui signifiait "progrès social" veut désormais dire "régression sociale". Au passage, face à une régression, l'immobilisme est encore un moindre mal. Aller de l'avant pour aller de l'avant, ça n'a aucun sens, et on s'étonne de la faiblesse d'un tel argument répété par les progressistes béats. Au passage encore, s'il est impossible de faire autrement, alors un robot ou un ver de terre aurait imaginé la même réforme et il ne sert plus à rien d'élire et de payer des gens pour nous gouverner. Enfin, laissons la propagande dans la poubelle de l’indifférence qu'elle n'aurait jamais du quitter.


Je voudrais plutôt m'étendre sur un point déjà abordé, rapidement, il y a quelques semaines : le problème, c'est la dette. Jamais on n'entendra ces choses-là dans les médias (sauf peut-être par Mélenchon comme ici contre Marc Touati), et cet assourdissant silence les rend peut-être difficiles à croire ou à comprendre. Pourtant, je pense que c'est très simple, et néanmoins explosif !...

Je vais tenter un court résumé du petit livre de André-Jacques Holbecq et Philippe Derudder : La dette publique, une affaire rentable. C'est un livre vraiment indispensable. 

1/ "dette" = "crédit"
C'est un magnifique exemple de "synonymes qui ne signifient pas la même chose". Je vous laisse imaginer à quoi peuvent servir les différences de connotation.

2/ Histoire en raccourci de la monnaie et des banques
"La monnaie, qu'elle soit faite de métaux pauvres, de métaux précieux, coquillages ou autres "objets", est la représentation symbolique d'une certaine quantité de biens." Quand il y a trop de biens à échanger et que la monnaie correspondante ne peut être transportée, il y a besoin de monnaie-papier (Chine VIIIe siècle, Europe XVIIe). La monnaie-papier est étalonnée sur l'or et si l'on en émet trop, et que tout le monde cherche à l'échanger contre de l'or, c'est la catastrophe, et la France a connu ça avec l'effondrement du système de Law en 1720. En 1944, les Accords de Bretton Woods établissent le dollar comme seule monnaie convertible en or, puis l'étalon-or est abandonné en 1971 par Nixon. On enfonce le clou en 1973 avec la possibilité pour les monnaies de varier entre elles selon l'offre et la demande. "Il n'y a plus de contrepartie métallique à la monnaie émise, seulement de la dette." Extrêmement important pour comprendre la suite. Avant cela, petit détour par les banques : 

La Banque de France, créée en 1800, obtient le privilège d'émission et, parmi les contreparties, doit consentir à des avances à l’État lorsque ses finances l'exigent. Elle peut émettre tant qu'elle veut, à condition qu'elle puisse rembourser en espèces métalliques. Mais, le 3 janvier 1973, sous la présidence du banquier (Céline a inventé le mot bankster) Pompidou, tombe une loi qui oblige la Banque de France à abandonner son rôle de service public : "Le Trésor Public ne peut être présentateur de ses propres effets à l'escompte de la Banque de France" (art. 25). Ceci est intégré au niveau européen par le Traité de Maastricht (art. 104), puis par le Traité de Lisbonne (art. 123) pourtant rejeté par référendum en 2005, mais, comme chacun sait, en démocratie, quand le peuple dit "non", c'est "oui" quand même. 

3/ La monnaie et les mécanismes de sa création
La monnaie est une "convention sociale reposant sur la confiance, elle n'a d'autre valeur que celle que nous lui accordons". Au départ, la monnaie "existait", c'était la pièce d'or ou d'argent, par exemple. Mais elle s'est donc dématérialisée totalement depuis 1971, et elle "n'existe plus", ce qui a des avantages : 
    - on peut "émettre la monnaie à proportion de la richesse produite, coïncidence impossible lorsque la monnaie était en métal précieux"
    - la monnaie "s'affranchit de la rareté" et devient "potentiellement infinie"

Pièces et billets sont aujourd'hui extrêmement minoritaires comme supports de monnaie en circulation


Y aurait-il un problème si la monnaie était considérée comme un bien collectif ? L’État emprunterait à la Banque centrale sans avoir à payer d'intérêts, et financerait ses investissements par un simple décalage temporel dans la comptabilité. Mais si la création monétaire est confiée à un banquier privé ?... Lui ne peut pas avoir des comptes en négatif, et va exiger des intérêts. Cette solution est illégitime. Et elle l'est doublement quand on comprend ceci : la monnaie en circulation a été créée ex nihilo (expression à mi-chemin entre la redondance et l'absurdité) par les banques qui octroient des crédits. On pourrait croire que les banques utilisent les dépôts pour octroyer des crédits, mais c'est l'inverse : c'est parce qu'il y a des crédits qu'il y a des dépôts. Les banques créent la monnaie de toute pièce (si j'ose dire). Les auteurs citent donc Maurice Allais : "Dans son essence, la création de monnaie ex nihilo actuelle par le système bancaire est identique... à la création de monnaie par les faux monnayeurs." Tout simplement !... Le même Maurice Allais, économiste de droite et Prix Nobel (?!) estimant que l’État a renoncé à 5,2%  annuels de son revenu national, en cédant aux banques privées le droit de créer la monnaie.

4/ La dette, des vérités qui ne seraient pas bonnes à dire ?
Les politiciens prétendent gouverner "en bon père de famille" pour résorber la dette. Or, un État peut fixer lui-même ses recettes, contrairement au citoyen lambda. Il n'a pas non plus vocation à faire du profit. Et il est "immortel". Certes il peut faire faillite, mais n'en déplaise à Fillon, la France en est loin avec son triple A. 

Il faut dire qu'on ne parle jamais des "actifs" de l’État. En 2006, la différence entre les actifs et les dettes des administrations publiques est : + 676 milliards d'euros. L'Allemagne, la Belgique, les USA, le Japon sont en bien pire situation, mais ne se déclarent pas en faillite... A propos, ce n'est pas abordé dans le livre, mais la dette privée est une question bien plus grave que la dette publique, et de ce point de vue, la France s'en sort bien, ce que notre ami Sarkozy regrettait en 2007, trouvant que les particuliers n'étaient pas assez endettés ce qui signifiait une peur de l'avenir blablabla. La crise des subprimes est arrivée à temps pour nous sauver de ce dangereux argumentaire...

Revenons à nos moutons : tout cela sert à masquer que les (déjà) possédants s'enrichissent des ressources de la masse des contribuables, et cautionner le démantèlement les politiques sociales trop chères pour un État qui "vit au-dessus de ses moyens". 

5/ L'arnaque de la dette publique
Il manque les données de 1973 à 1978, mais le graphique suivant sera éclairant. C'est simple, sans la loi de 1973, et donc sans les intérêts illégitimes payés (environ 40 milliards d'euros par an), il n'y aurait pas de dette publique aujourd'hui. C'est quand même hallucinant. Les auteurs de conclure avec la célèbre phrase d'Henry Ford : "Il est une chance que les gens de la nation ne comprennent pas notre système bancaire et monétaire, parce que si tel était le cas, je crois qu'il y aurait une révolution avant demain matin." On attend toujours demain matin. Et pourtant, les USA ont pris de l'avance parce que chez eux, le problème date de 1913, cela aussi n'est pas abordé dans le livre, je ne m'y attarde pas.
Merci Président Pompidou !

6/ Coulisses et enjeux de la dette
Pour rappel, on a privatisé les autoroutes (absurdité) pour réduire la dette. De même, Lagarde a vendu 5% du capital de France Telecom en 2007 à cette fin. Pas besoin de faire un dessin. Sarkozy avait vendu une partie des réserves d'or de la Banque de France, me semble-t-il. On vend la maison. C'est la grande braderie, tout doit disparaitre. Peut-être pas du jour au lendemain, mais par petites touches, ça passe plus facilement. Au prétexte de rembourser la dette. Je respecte les majuscules : "TOUT L'ARGENT QUI EXISTE SUR CETTE PLANÈTE EST DU". Argent = dette. Un magnifique extrait de Tocqueville clôt le chapitre. Quant au livre, il s'achève sur... des propositions. Ce sera peut-être l'objet d'un article à venir.


Il faut déjà savoir si nous sommes d'accord sur le constat. Il me semble clair ceci : sans la loi de 1973, pas de dette, donc pas de destruction des politiques sociales parce que le chantage ne prendrait pas. Personne ne se poserait donc la question des retraites. Ou plutôt si, certainement, mais dans l'autre sens puisque depuis la retraite à 60 ans, certes l'espérance de vie a augmenté, mais la productivité aussi. Un salarié d'aujourd'hui produit bien plus de richesse qu'un salarié de 1980. Le nombre d'actifs par rapport au nombre de retraités peut donc diminuer sans que l'équilibre du système ne soit remis en cause. Si débat il devait y avoir, ce serait plutôt pour abaisser l'âge de départ à la retraite, et plus globalement réduire le temps de travail. L'essence du capitalisme, c'est bel et bien "travailler moins pour gagner plus". Reste à savoir où part le gain de productivité : 
    - dans une hausse des salaires
    - dans une baisse des prix
    - dans les profits des actionnaires

Voilà où est le point. Voilà ce qui devrait séparer la droite de la gauche aujourd'hui. PS et UMP sont, là-dessus, par leur silence, sur la même ligne idéologique, à droite. Il faut reprendre les fondamentaux. Les banques, ou le social ?

lundi 6 septembre 2010

La droite rejoint la gauche au cimetière

Ça y est, c'est l'hallali de l'art de vivre français ! Le Quick hallal le met trop à mal, tout comme les minarets dénatureraient le paysage. Eric Zemmour n'en peut plus, et avec lui... 

 

Il y a là quelque chose qui m'échappe. Le "Marché" comme il dit, n'a attendu ni les minarets ni l'alimentation hallal pour anéantir gastronomie et paysages français. Et le Marché a si bien fait son travail qu'il ne reste de cela plus rien ou presque. Les paysages sont industrialisés, neutralisés, indifférenciés, l'agression publicitaire et mercantile est partout ; mais, c'est d'un minaret par-ci par-là qu'on discute. L'alimentation je n'en parle même pas, je n'ai jamais mis les pieds dans un Quick (que les Dieux en soient remerciés), on ne peut pas faire 3 pas sans tomber sur un de ces "restaurants" babyloniens ; mais, c'est quand cette américanisation est en partie islamisée qu'on pleurniche. 

Je veux bien qu'on s'oppose à cette idée de restaurants exclusivement hallal (encore que, je ne vois pas bien à quel titre), ou à l'édification de mosquées, mais par pitié pas avec l'argument fallacieux de l'identité nationale à défendre. Elle n'existe plus, cette identité. Il fallait crier avant. Comment peut-on en arriver à défendre en Quick "l'art de vivre français" ? C'est pathétique. Pauvre droite... Quelque part, ça fait du bien de constater qu'il n'y a pas que la gauche qui ne sait plus du tout où elle habite...

Zemmour adore citer le Général de Gaulle : "Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne." Il ne reste rien de religieux dans ce pays complètement déchristianisé et surtout décatholicisé (si j'ose dire), ni de greco-latin, d'ailleurs, le grec et le latin viennent d'être supprimés du CAPES de lettres classiques, dans l'indifférence générale, et c'est certainement la faute à Muhammad... 

lundi 30 août 2010

Eyes wide ... ?

Les négociations sont rompues, on pourrait bien m'envoyer la Belle au bois dormant que ça n'y changerait rien. La Modernité m'est insupportable. Ça va être violent, je vais malgré tout essayer de l'être le moins possible. Tout converge, tout conspire. Ceux que l'on désigne comme "tenants de la théorie du complot" identifient un petit groupe élitiste, plus ou moins séparé du peuple (ça, c'est vrai), qui se réunit en secret (c'est vrai également) et qui dirigerait tout absolument tout (ça, ça ne tient pas debout). C'est bien pire que ça. Tout conspire. Parce que tout le monde consent.

A ceux doutant encore de la folie du monde moderne, le seul exemple donné par Paul Ariès du pot de yaourt au parcours de 3500 kilomètres de la vache à l'humain devrait suffire. Mais l'attitude la plus répandue n'est pas le scepticisme, c'est l'insouciance, ou l'inconscience. Je ne sais plus qui a dit en substance : le pire n'est pas d'être enchaîné, c'est de ne le pas sentir. Et ça, c'est vraiment décourageant. Voir encore aujourd'hui des pseudo-débats UMP versus PS avec Jean-Marie Le Pen comme épouvantail diabolique, c'est à tomber à la renverse. Ça n'a pas de sens. C'est in-si-gni-fiant. Je ne devrais pas en être surpris, j'ai appris le mépris de la "démocratie" (un gros "pseudo" s'imposerait) chez Cornélius Castoriadis, et plus tôt même chez Friedrich Nietzsche bien sûr. Mais c'est écœurant. Le gros Léon Bloy (pourquoi gros ?) le disait : "Il y a des moments où ce qui se passe est à faire vomir les volcans." Bon... d'accord... c'est horrible. Ce ne serait pas si grave si une réaction se faisait entendre, s'il y avait ne serait-ce qu'une demi-douzaine d'âmes révoltées, Georges Bernanos avait raison de n'en demander pas beaucoup plus pour sauver une époque. Mais non, il n'y a rien.

Dresser un tableau du néant politique est au-dessus de mes forces. Il me suffira d'exprimer mon incompréhension la plus parfaite de ces gens de gauche, dixit, qui attendent le sauveur DSK ou de ces gens de droite, dixit toujours, qui se satisfont de Sarkozy. Remarquez qu'on peut inverser : la droite aime DSK, la gauche aime Sarkozy. Ça marche aussi. Et ce serait presque suffisant à révéler l'imposture. Encore y a-t-il Nicolas Dupont-Aignan et Jean-Luc Dupond-Mélenchon pour montrer aux uns que l'UMP n'est pas de droite et aux autres que le PS n'est pas de gauche, mais rien n'indique avec eux une sortie de l'imposture, bien au contraire. Ces gens ne servent à rien, si ce n'est à alimenter la diversion générale. Qui sommes-nous ? et quelle société voulons-nous ? voilà les questions qui ne sont jamais posées, tenues pour acquises : homo oeconomicus vouloir consommer. Passez muscade !

Plus démoralisant encore serait de s'attaquer aux crimes (aux crimes, pas aux crises) économiques. On voit encore ceux du-dessus se crêper le chignon sur les responsables de la dette abyssale que nous connaissons, et essayer d'arbitrer un match droite-gauche, sans jamais, jamais ! jamais revenir à la loi de 1973 qui interdit au Trésor Public d'emprunter à la Banque de France. Jour de fête pour le Président : Pom Pom Pi Dou. Obligation d'emprunter au secteur privé (intérêts yabon). L'impôt sur le revenu ne suffit pas à payer le service de la dette. Ah ! Oh ! Elevé au niveau européen par le Traité de Maastricht (article 104, Rocard lui-même reconnait maintenant que c'était une grave erreur) et validé aussi bien par le PS que l'UMP avec le Traité de Lisbonne dont le peuple n'a pourtant pas voulu. C'est vraiment important, DSK ou Sarko ? Pom Pom Pi Dou. Même "la crise" ne suffit pas à réveiller, apparemment. C'est ça qui est désolant. Insupportable aussi le coup du "c'est pire ailleurs", ou "c'était pire avant".

Il faut dire que nous sommes zombifiés. D'une, par le mode de vie, l'écrasement professionnel, le stress, la fatigue, la pollution. De deux, par la culture que nos ressources mentales, temporelles et financières nous permettent de consommer toujours plus vite sur l'autoroute de l'information. La Renaissance, si on parle encore aujourd'hui comme d'un temps glorieux, on le doit à la volonté des artistes d'alors de retrouver et d'épater, pourrait-on dire, les Anciens. Tout est là. C'est extrêmement réactionnaire, en réaction à une époque, on va puiser dans un passé glorieux de quoi s'élever (mais qui cela intéresse-t-il aujourd'hui, de s'élever ?). Et tout ce qui a marqué l'histoire de l'art est l'œuvre de tels réactionnaires-révolutionnaires. Je ne connais rien à la peinture, mais l'exposition "Picasso et les maîtres" a du le montrer. On pourrait presque pousser le bouchon jusqu'à dire que c'est par jalousie des Anciens que le génie opère. Ainsi Nietzsche, ainsi... enfin c'est obligatoire. Au lieu qu'aujourd'hui, amenez-moi les artistes qui prétendent (à juste titre) s'inscrire dans une lignée multiséculaire. Qui pour se mesurer à Rimbaud ou Bach ? Personne. Évidemment, puisque c'est le dernier des soucis de l'époque. C'est pourquoi on peut parler d'industrie culturelle sponsorisée subventionnée protégée, du divertissement pour public à conquérir.

De toute façon l'industrie est partout. C'est normal, l'idéologie du Progrès a tout englobé depuis des siècles. Quand la société était contestée, c'était par des marxistes plus productivistes encore que les capitalistes. Aujourd'hui, toute contestation est rendue impossible par dérision. Ne pas être dans le dogme moderne, c'est être médiéval, et il n'y a rien de pire que ça. C'est insupportable. Admettons la barbarie du moyen-âge... c'est une barbarie du canif. Les barbares nucléaires n'ont en comparaison aucune leçon de civilisation à donner, c'est insensé ! En appuyant sur un bouton dans ton navion, tu peux dégommer un petit village afghan en train de célébrer un mariage, et c'est cela qu'on appelle civilisation.

Et donc, l'industrie a gagné l'agriculture. Là, je me contenterai de vous proposer cette vidéo en deux parties, qui résume le livre de Lydia et Claude Bourguignon, Le sol, la terre et les champs. C'est bouleversant. Le résumé est l'œuvre du personnage, du sacré personnage qu'est LLP. Lui voit donc un complot à tout cela, vous l'entendrez à la fin de la deuxième partie.


Le Libre Penseur - Sol Terre et Champs 1 sur 2
envoyé par Cl4VieFrere2010. - Anniversaire, mariage, premiers pas en vidéo.


Le Libre Penseur - Sol Terre et Champs 2 sur 2
envoyé par Cl4VieFrere2010. - Regardez les vidéos des stars du web.

Figurez-vous que je reviens du supermarché. J'y ai vu des tomates-cerises mi-rouges mi-transparentes. J'en ai donc conclu qu'après avoir décoloré les tomates, nos amis ont manqué d'encre pour les recolorer. C'était la fin de la cartouche. Le progrès aura fait toutes ses preuves le jour où chacun pourra imprimer ses tomates et ses pommes chez lui.  Ah faut rester de bonne humeur, hein... Quelques instants avant, j'avais dans l'idée de lire quelques pages des livres que ces zozos vendent. Parce que je n'ai jamais lu, par exemple, une phrase de Marc Lévy ou de Guillaume Musso. Il faut dire que leurs titres, simplement, sont féériques, magiques. Seras-tu là ? Et si tu revenais ? Je serai seul, Tout est fini qui finit bien, Reviens vite la semaine prochaine, Et si c'était vrai ? Et après ? Où es-tu ? Je suis là ! Tu n'y es plus ! Je reviendrai. Bref, un gag. Hallucinant. Ainsi, je n'ai jamais osé ouvrir un de ces livres. Or, on ne peut plus, c'est impossible ! Un film plastique protège désormais les livres. Explication ?

Le but n'est pas de taper sur des cibles aussi faciles que Marc Lévy, Tokio Hotel, Sarkozy, je ne sais qui... Ce serait plutôt de lancer un appel désespéré à la Renaissance.



Trop, c'est atroce, et il est hors de question de fermer les yeux, je veux les garder grand ouverts. Eyes wide shut ? Impossible. Vous savez, le formidable film de Stanley Kubrick, souvent interprété par la lorgnette des méandres de la vie de couple - je veux bien mais cette facette-là ne m'intéresse pas du tout, au contraire du conflit entre dégénérescence et Renaissance. Ce conflit y est exceptionnellement traité, et d'ailleurs, je ne saurais dire où se positionne Kubrick. Ça commence dès le début, j'ose le dire, avec la Valse pour orchestre de jazz n°2 de Dmitri Chostakovitch, qui symbolise la lutte entre l'ordre, les élites (la valse) et le désordre, les bas-fonds (le jazz). Je ne me lancerai pas dans une analyse détaillée du film, je n'en sortirais pas, mais me contenterai de quelques éléments. Tout est déclenché par les propositions d'un certain Sandor Szavost à Alice, un nom qui renvoie très simplement à Anton Szandor LaVey, le sataniste. L'intrigue emmènera Bill tout droit au Bohemian Club pour la célèbre scène rituelle. Plus tard, alors qu'un sbire de ces élites dégénérées le suit, Bill s'arrête à un kiosque, prend un journal où il est écrit "Lucky to be alive" (en faire quoi de cette chance ?), et l'observe avec anxiété, le sbire, qui s'arrête à son tour, entre le Verona (Vérone = Renaissance) Restaurant et un panneau Stop sur lequel est inscrit en graffiti CMB - "Stop CMB", une inversion pour Bohemian Club, le M pour le Moloch qui coiffe leur hibou-emblème (le même M qui fait office de masque de Ziegler, d'ailleurs). N'en jetez plus ! A moins que ce ne soit "STOP VERONA", puisque les mots sont sur la même ligne et de la même taille, signé CMB. La coupe est pleine. La lumière est en face, toutes les fenêtres sont allumées à Vérone.

Bon, voilà. il faut choisir. C'est dur, bien qu'évident. On refuse le chaos, alors il n'y aura pas d'étoile qui danse.

dimanche 25 juillet 2010

Babylon is burning

Un peu de reggae sur le blog, c'est une première. Une dernière aussi, à n'en pas douter... mais enfin sait-on jamais ? Voici donc une chanson du dénommé Akila Barrett, Babylon is burning. Elle ponctue parfois les interventions vidéo du fameux Libre Penseur, LLP pour les intimes internautes inconnus. Le bougre est un sacré personnage. A longueur de vidéos, il lance de violentes diatribes contre les Babyloniens, les débiles mentaux, les lucifériens, les dégénérés que sont les puissants de ce monde et leurs serviteurs (banksters, politiciens, journaleux) et contre les zombies passifs, abrutis par la propagande, que nous sommes tous.



vendredi 23 juillet 2010

La querelle des Anciens et des Modernes

Satantango de Bela Tarr
Ça va par cycles ici. Je pourrais l'écrire en SMS. savapar6klisi. C'est vrai, maintenant qu'on peut ajouter un bouton "Partager" sur facebook, twitter et autres diableries, il faut s'adapter. La roue tourne alors cette impression d'avoir fait le tour de la question et : plus rien à dire. Je dois toujours me battre contre l'éternel retour de plusieurs démons-géants que je prends immanquablement pour des moulins à vent. Je ne les livre pas en pâture, sauf la sensation que chaque article est un coup d'épée dans l'eau, ce qui commence par me décourager..., (oui je me permets le "...," et non, ce n'est pas un smiley - ce mot est-il anglais ou simplement d'un langage dégénéré ?) avant de m'apparaître comme une justification évidente. Vivent les coups d'épée dans l'eau ! 

C'est encore une désagréable sensation de se répéter inlassablement. Felix qui potuit rerum cognoscere causas, heureux celui qui a pu pénétrer le fond des choses. Ah bon. Toujours est-il que l'araignée ayant fait son œuvre, je trouve désormais tout lié à tout, d'une cohérence effrayante et quasiment d'un manichéisme le plus parfait. Les Anciens versus les Modernes. Tout est déjà dans Don Quichotte qui oppose les armes aux lettres, ce roman qui institue la modernité en littérature, ah ! ironie de l'histoire. Mais s'il fallait déjà en 1605 s'élever contre le modernisme, que dire après quatre siècles de rouleau compresseur ? Rien ne résiste plus, et la déchéance progresse, si j'ose (à double titre) dire, en accélération exponentielle. 

La liste des victimes remplira le dernier livre que l'humanité écrira. Nous sommes dans une guerre sans combattants. Les châteaux-forts sont pris les uns après les autres, nous avons l'impression que ce sont des auberges. C'est dire si nous aurions besoin de chevaliers errants pour défendre les auberges qu'ils auraient prises pour des châteaux. Par-dessus le marché (et pourtant, on se demande bien ce qu'il pourrait encore y avoir aujourd'hui par-dessus), les châteaux restants, s'il en reste, sont souvent droitiers. Il n'y a plus rien à gauche pour s'opposer, les critiques debordo-baudrillardiennes de la Société du Spectacle et de la Société de Consommation sont aux oubliettes de l'histoire, passées par pertes et profits par les comptables de la social-démocratie et les zozos d'Olivier dans la besace druckerienne. Le mondialisme est piégé par la globalisation économique. Il reste des anarcho-décroissants, peut-être, mais avec quelle force de conviction face aux poids lourds médiatiques du développement durable  ou capitalisme vert ? Cela dit, je ne donne pas cher de la peau des nationalistes non plus. En fait, Pierre Hillard a peut-être raison : il n'y a plus que l'Islam pour résister



Bon, voilà, alors que faire ? Utiliser les armes progressistes pour montrer la Différence, séparer le vrai du toc ? C'est ce que fait Marc-Edouard Nabe sur son compte twitter, en confrontant des vidéos OUI et des vidéos NON, comme il pourrait dire lui-même. Un exemple de pédagogie : 

Swing, artistes :

Pas swing, dégénérés :

Évident, non ? (Par pitié, dites-moi oui). Mais alors le travail est gargantuesque. La tâche infinie. L'agression permanente. Dans ce combat contre le progressisme je ne montre qu'un héroïsme tout à fait limité. M'enfin, en voici deux exemples, anecdotiques, symboliques.

Vous connaissez mieux que moi, forcément, les iphones et diableries similaires. Ces engins sataniques débordent d'applications. Alors qu'un ami (qu'il se dénonce) me les vantait, je rétorquai que le mot lui-même, applications, était horrible. Il corrigea par "usages". Or ces applications ne sont en aucun cas des usages. Voyez ce que donne le Trésor de la Langue Française comme définition pour le mot usage
Pratique, manière d'agir ancienne et fréquente, ne comportant pas d'impératif moral, qui est habituellement et normalement observée par les membres d'une société déterminée, d'un groupe social donné.
Rien d'ancien, rien de déterminé par un groupe social, mais au contraire rien de plus normalisé-mondialisé et éphémère que ces applications. Usages est un mot usé car porteur de sens, désuet dans un monde technique. Applications n'en est pas l'équivalent, mais la trahison désenchantée passée du langage mathématique au langage courant, un mot au contenu hors du temps, et hors de l'espace. Les mots ont un sens, et ils révèlent le monde dans lequel nous vivons. Il faudrait peut-être imaginer un Dictionnaire de résistance. 


J'avais promis deux exemples. Une comparaison musicale, alors ?



et...



Une fois de plus, j'espère que ça saute aux oreilles. Je veux bien, comme le dit Nabe, qu'on soit "fakirisé par la médiocrité", mais un peu de hauteur fait du bien parfois.


Je finis en revenant à mon araignée et son œuvre. Je faisais par là mention du Satantango de l'immense Bela Tarr. Que dire d'un tel film ? 7h25 de plans-séquences tous plus beaux les uns que les autres. Et quelle désolation ! quelle dévastation ! quelle perdition ! Christo-dostoïevskien dans le genre "J'aime les hommes, je n'aime pas l'humanité", et puis boueux, tellement boueux dans sa quête d'Absolu qu'on a l'impression qu'il adapte des livres de Bernanos. La trilogie que ce film forme avec Damnation et Les harmonies Werckmeister (dont j'ai déjà parlé) prend place au sommet de ce que j'ai pu voir au cinéma. Je dois pourtant être fou pour parler de ce Hongrois alors que d'innombrables films holywoodiens en 3D se bousculent au portillon. Attention, je viens sans doute faire preuve d'intolérance, de mépris, d'arrogance, d'amalgame, que sais-je ? Bah ! j'ai dit : "ça existe, et ce n'est pas encore complètement mort". Il y a peut-être une application pour euthanasier l'Art.

vendredi 11 juin 2010

Lautréamont est mort

J'ai reçu la vie comme une blessure, et j'ai défendu au suicide de guérir la cicatrice. Je veux que le Créateur en contemple, à chaque heure de son éternité, la crevasse béante. C'est le châtiment que je lui inflige.

jeudi 29 avril 2010

Ahmad Jamal au Théâtre de Vénissieux

Soyons clair dès le départ : tout individu de la région absent ce soir est un ahuri. On n'a pas idée de zapper ce qui ne fait pas le buzz. Et en effet, ce fut plutôt une soirée de ramdam, à tous les sens du mot. Ahmad Jamal, dont j'apprends il y a quelques jours en lisant Kamikaze, de Marc-Edouard Nabe, qu'il a annulé un jour un concert sous l'excellent prétexte qu'on l'avait annoncé sous son "vrai" nom, invraisemblable manque de respect pour sa conversion islamique payée d'un juste retour de bâton, donnait ce soir un concert intitulé comme le dernier album A quiet time.

Tout fut magnifique. Je ne relis pas ce que j'avais écrit il y un an de cela pour mon premier concert de "l'architecte", je m'en souviens encore et si je ne le réécris pas, c'est uniquement parce que je n'ai pas plus de talent aujourd'hui qu'hier pour exprimer l'inexprimable. Tout fut magnifique. Nabe encore lui écrivait dans Chacun mes goûts que le jazz est le seul communisme qui a réussi. Je ne suis pas certain de comprendre, mais je le ressens. Et Ahmad Jamal qui dix peut-être quinze fois dans le concert nomme ses musiciens le prouve : des noms, d'accord, des individualités, mais quelque chose d'autre, une émergence, le tout vaut plus que la somme des parties. 

Parlons-en, de ses musiciens. James Cammack à la contrebasse, Manolo Badrena aux percus, et le petit nouveau pour moi : Herlin Riley à la batterie. Ces trois-là font parfois figure de cancres au fond de la salle occupés à profiter du dos tourné du Maître. Et ça rigole, et ça bavarde, ah ! la la... Seulement, si les cancres étaient connus pour obtenir de tels résultats, ça se saurait. Mais la comparaison ne s'arrête pas là, car, au détour d'un titre déconstruit, Ahmad Jamal donne des exercices à faire à ses élèves, chacun leur tour, et cela donne autant de solos magnifiques. Le Maître est facétieux, c'est peut-être même le plus enfantin de tous, et il cherche à les piéger, pour offrir au public un rire inattendu en plein concert ; et, même, un dialogue musical hilarant avec Badrena, débordé volontaire dans son exercice de percussions. Fou-rire de la salle. Tout fut magnifique. La métaphore professorale prendra même pour cible le public, lors du deuxième rappel. Il faut dire que nous avions déjà profité d'un concert exceptionnel d'un artiste exceptionnel, et, après le rappel, la salle fut rallumée. A moitié. Alors tout espoir n'était pas perdu de les voir revenir. Ahmad Jamal en tête, nous pointant du doigt comme un petit vieux qui dénonce un petit garnement.

Et... quel rappel ! Rendez-vous compte... Si, vous pourrez, je vais glisser une vidéo d'une vieille interprétation du tube jamalesque par excellence. Il a joué Poinciana. Il a joué Poinciana ! Ah ! quelle joie d'entendre la première note. Jamais je n'y aurais cru. Tout fut magnifique. 

Voilà, c'est déjà fini. Mais de tels moments n'ont jamais de fin. Comment pourrait-on oublier ? Ce son de Badrena (en live, c'est réellement quelque chose, vivent les percus !)... cette batterie si sèche... cette basse qui marche à pas de loup... En deux notes, ils passent d'une violence qui ridiculiserait n'importe quel hard-rockeur à une légèreté à faire pâlir toute mésange bleue. Et puis cet album, ce thème récurrent... Tout fut magnifique. 

Avant le concert, des voisins ("vieux") constatent : "le jazz n'attire que des vieux". Eh oui, bougres de jeunes...


-Ahmad Jamal Trio Poinciana-
envoyé par larafika. - Clip, interview et concert.

vendredi 16 avril 2010

Werckmeister = SS

Il y a quelques années de cela je découvris le cinéma de Béla Tarr avec L'homme de Londres, adapté du roman de Georges Simenon. Un film magistral. Ce n'est qu'aujourd'hui que je poursuis mon exploration de l'œuvre de ce Hongrois de génie. Damnation, et Les harmonies Werckmeister, donc, qui sont les deuxièmes et troisièmes parties d'un triptyque que le cinéaste a fondé sur l'œuvre de son compatriote Laszlo Krasnahorkai. La première, c'est Satantango, mais le film dure plus de 7 heures, il faut une certaine préparation psychologique et du temps pour s'y attaquer. Lenteur, dévastation, absence, métaphysique sont les mots magiques qui désignent ces films - je ne peux m'empêcher de penser à Bernanos et ses chemins boueux autant qu'aux autres grands maîtres du cinéma est- et nord-Européen (Bergman, Tarkovski, Sokourov, etc.). Je m'attaquerai peut-être un jour à ce sujet dans sa cohérence. Pour l'instant, je veux me concentrer sur Les harmonies.

Janos Valuska, un personnage tout droit sorti d'un roman dostoïevskien (il a donc tout pour me plaire), habite une ville dont les habitants sont dévastés et désœuvrés. Dès le premier plan-séquence, absolument magnifique comme c'est la règle chez Béla Tarr, on le voit seul habité par une exaltation mystique, un émerveillement face à la Création qu'il tente plus naïvement que désespérément de transmettre à ses concitoyens alcooliques transformés en pathétiques derviches tourneurs. C'est peine perdue, et la ville va sombrer dans le fascisme apporté par une sinistre troupe de cirque avec sa baleine et son Prince. 


Vous vous doutez bien qu'il n'y a pas de happy end, j'évacue donc toute culpabilité à dévoiler ce qui se passe. Il suffit d'être dyslexique pour ouvrir une première porte : Jonas Janos affronte la baleine. La deuxième porte vient du titre et de la tirade de second personnage essentiel, un vieux pianiste nommé Eszter. Son obsession, c'est Andreas Werckmeister, un musicien du XVIIe siècle et théoricien de la musique baroque qui a participé à la transformation de la gamme pythagoricienne en gamme tempérée, si j'ai bien compris. Mes connaissances dans ce domaine sont en effet à peu près nulles et j'ignorais même que tout cela existait avant de m'interroger sur ce film. C'est passionnant. Résumons : Pythagore avait identifié 7 sons principaux et 5 altérés. Mais la 12e quinte (ne me demandez pas pourquoi) ne tombe pas juste à l'octave, il subsiste ce qu'on a appelé un comma pythagoricien. Soit. A la Renaissance, on a voulu régler son compte à la virgule. Et pour tomber juste, des zozos matheux tels Werckmeister ont imaginé différents systèmes de gammes tempérées. D'après Eszter, on a remplacé les 7 tons de la gamme comme qualités différentes ("7 étoiles sœurs dans le firmament") par des septièmes d'octave. Tout ça pour ça me direz-vous ?...

Oui, mais non. C'est un symbole. Et pas seulement, parce que tout est lié dans le Monde. Mais un symbole, d'un monde qui recherche l'efficace, le mécanique, le quantifiable, l'identique, le Même, d'un monde qui se débarrasse de l'Autre, de "l'erreur", de la création, de l'individu. Le XVIIe, c'est aussi le siècle de Hobbes (baleine... Léviathan... mais la voilà notre deuxième porte). Tout est lié. Les individus sont rendus identiques et fondus dans un corps monstrueux pour éviter la guerre de tous contre tous. Prétendument. Béla Tarr montre une réalité inverse puisque c'est la neutralisation de l'altérité qui amène la violence fasciste. C'est l'idée selon laquelle seul le Même amène à l'harmonie qui apporte le désastre. C'est l'altérité qui seule permet l'harmonie. 

Ces questions sont tenaces aujourd'hui, dans notre monde publicitaire où on nous fait croire qu'on exprime notre individualisme en consommant par millions les mêmes produits. C'est un individualisme de rhinocéros de Ionesco. Le conformisme par excellence et tous ses dangers fascisants d'ultra-surveillance et de normalisation aberrante. Béla Tarr remonte donc aux sources de la pensée politique et mathématique moderne. Je ne vous cache pas que sa vision est très noire, le sort réservé à nos deux héros étant terrifiant : une terrible impasse et désillusion pour notre Janos à l'impossible fraternité, une démission et une compromission piteuses pour notre pianiste idéaliste. Ce n'est pas la première fois qu'un procès sans concession de la modernité est mené sur ce blog...

jeudi 15 avril 2010

Décroi100

Ceci est le 100e message du blog et, quitte à prêter attention aux chiffres, autant parler décroissance. La légende médiatique veut qu'un décroissant est une sorte d'ermite appelant au retour à l'âge de pierre. Il se trouve que je n'ai rien contre l'érémitisme, mais ce n'est pas la question (si, c'est un peu la question, mais tant pis). Jamais on n'entend un décroissant dans les médias. Et pour cause. Tiens, cette semaine, l'ami Oncle Bernard de Charlie Hebdo fustige Libé le journal post-68 d'extrême gauche qui a tant changé qu'il s'ouvre sur une double page de publicités. Il n'y a strictement rien à en attendre. Et en tout cas pas des analyses des idées d'Illich, d'André Gorz, de Castoriadis dont s'inspirent les décroissants aujourd'hui. Seulement, c'est toujours sur le même qu'on peut compter : Frédéric Taddeï a invité Paul Ariès il y a quelques jours. Et ça fait boum. Tiens, il faudrait que je parle de Boum Burger, aussi. Je reviens pour le moment à mon mouton hallal. Le discours qu'Ariès oppose à Madelin notamment, mais aussi à Piketty finalement, est très percutant. Je vous fais juges :



paul ariès ce soir ou jamais
envoyé par rebellin01. - Regardez les dernières vidéos d'actu.


Ce que je ne comprend pas, c'est comment un discours parfaitement stupide peut être asséné à longueur d'ondes et de journée et être accepté si facilement - je parle bien entendu du discours progressiste. "Mais enfin, le Progrès apportera la solution aux problèmes d'aujourd'hui, augmentons la taille du gâteau et tout le monde aura sa part". Totalement idiot. Ca me fait penser au sketch de Coluche : "il paraît que Sylvie Vartan a encore fait des progrès... j'attends la fin des progrès pour aller voir". On peut remonter au XVIe siècle pour les origines d'une mondialisation capitaliste (si on suit Braudel), plus loin encore (si on suit Le Goff), disons au XIXe pour être gentil avec nos amis progressistes. Depuis l'industrialisation, les progrès techniques n'ont-ils pas été fabuleux ? Si. A-t-on vu, pour autant, le moindre début de commencement de réduction des inégalités sociales ? Non. C'est le contraire, tout à fait logiquement, qui se produit. C'est bien gentil, déjà, de parler toujours au futur. Mais pour être crédible une seconde, le progressiste de base pourrait au moins fournir le début d'une argumentation pour nous expliquer pourquoi une cause a produit un effet jusqu'à aujourd'hui et va produire l'effet contraire à partir de demain. Mais il n'y a rien. Rien du tout. Si ce n'est de l'ironie facile sur le décroissant et sa poésie, ses feuilles de salade, que sais-je ? 


Ce n'est pas demain la veille que nous écrirons l'épitaphe de la motivation économique...

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Quelques mots sur Boum Burger, donc... Cette affiche est une œuvre d'art assez magistrale. Il s'agit de jouer sur les amalgames et préjugés racistes qui traversent nos sociétés, qui associent islam et terrorisme. Et donc de revendiquer une forme d'attentat alimentaire. La femme voilée radieuse doit finir d'achever les bons Rrrrépublicains (comme dirait Baubérot) féministes (en fait plus tartufes qu'on ne saurait l'imaginer). Ces zozos revendiquent donc quelque chose qu'ils ne sont pas, et par ricochet, ils désignent leurs célèbres concurrents pour ce qu'ils sont (sans qu'ils ne le disent, eux). Le vrai terroriste alimentaire, c'est évidemment Macdo. La culture et le mode de vie comme principale arme idéologique, c'est bien connu. Tout cela est de l'ordre du non-dit, et même du non-pensé, mais n'en est pas moins réel.