lundi 22 septembre 2008

Norbert Elias et l'élucidation de la dynamique de l'Occident

Ce livre est la 2ème partie du travail entamé par La civilisation des mœurs. Il en constitue la conclusion, mêlant le processus de formation de l’État centralisé et la civilisation des mœurs individuelles. C’est un véritable classique, travail fondateur très fécond. Des critiques ont été émises par la suite, notamment au sujet des sources utilisées par Elias et notamment Saint Simon décrivant plus le XVIIIe siècle que le XVIIe, or Elias parle de processus du XVIIe siècle. Il n’empêche, l’élucidation des processus de monopolisation de la violence et de la contrainte par l’Etat, concomitante de l’émergence d’une société d’individus autocontraints, ça n’est pas sans intérêt !

La sociogenèse de l’État. Norbert Elias montre comment, par le gain progressif de complexité sociale, l’on passe des seigneuries féodales à l’État centralisé et absolu. L’émiettement du pouvoir au XIè siècle a provoqué un jeu de concurrence libre entre différentes Maisons qui ont tenté d’agrandir leurs domaines. Les vainqueurs de ce jeu ont alors pu constituer un monopole, d’ordre privé, marqué par le temps des apanages (XIV-XVè). Le pouvoir royal a profité des tensions extérieures / intérieures pour assurer son triomphe et installer son monopole, qui devient petit à petit celui de l’État, de la nation, et non plus de la famille royale. Tout est issu du jeu d’interdépendances économiques entre les différents corps sociaux : relations antagonistes des bourgeois et nobles, qui se révèlent complémentaires pour asseoir les pouvoirs du « maître central ». Si bien que personne n’a jamais souhaité instaurer un monopole d’État, que ce soit militaire ou fiscal, mais c’est ce qui s’est produit (mécanisme absolutiste).

Esquisse d’une théorie de la civilisation. Justement, la monopolisation de la contrainte physique et fiscale par l’État réduit la contrainte sociale entre individus ou entres groupes. On passe alors à une logique d’autocontrainte qui se développe, d’abord par la curialisation des guerriers, mais ensuite par le jeu des interrelations entre couches sociales supérieures et inférieures montantes. Encore une fois, personne n’impose à des dominés une contrainte précise. Cette autocontrainte se manifeste par le refoulement des pulsions et une rationalisation qui n’est donc pas inventée par quelques penseurs des Lumières (ils en sont les porte-parole). La pudeur et la gêne gagnent du terrain, d’abord uniquement vis-à-vis de ses égaux sociaux, puis les relations sociales se complexifiant, en s’étendant par le jeu de la mobilité sociale. Ainsi les comportements « civilisés », nés de l’intériorisation de la peur notamment, sont relatifs, dépendent de la nature humaine tout en en étant autonomes puisque ce sont des Hommes, dans des conditions particulières, qui ont produit ces comportements qui ne sont pas éternels et universels. D’où l’importance de comprendre les processus de l’émergence de ces comportements, la dynamique de l’Occident mêlant sociogenèse de l’État et civilisation des mœurs.

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