samedi 11 août 2012

Thelonious Monk et Léon Bloy : l'intégrisme sinon rien

Depuis l'Affaire Siné, et un tract particulièrement percutant, je suis tombé dans la marmite nabienne. Son passage à Apostrophes en 1985, un délice ! "On entre dans un auteur comme dans une cathédrale !" Ah ! Ses livres, du coup... sa guerre déclarée, à coups de coups d'épée dans l'eau kamikazes contre le "juste milieu", ce "bon Dieu des imbéciles"... Ce refus total - Absolu - des compromissions. Cet intégrisme en fait, a été une vraie bouffée d'air pur, complètement anachronique dans cette époque de sentimentalisme dégénéré. C'est vrai quoi, Annie Lemoine elle a un public à qui elle donne des émotions, on ne peut critiquer ses livres, c'est insultant. Groumpf !

Or, donc, Marc-Edouard Nabe. Et Nabe existe en tant que Nabe, mais Nabe existe en tant que passeur vers les Anciens Intégristes. Nabe c'est la drogue et le dealer réunis. C'est lui qui m'a montré qu'il y avait au-dessus du rock que je ne supportais plus, le : Jazz ! Il me suffit d'écouter... au hasard... C Jam Blues par l'Oscar Peterson Trio, pour saisir de quoi je lui suis redevable. C'est lui, aussi, qui m'a montré qu'il y avait au-dessus de guignols post-modernes à la Beigbeder que je ne tolérais plus, la : Littérature ! La Joie de la lecture de Mort à crédit de Louis-ferdinand Céline pour en témoigner.

Il a réédité son premier et fracassant livre : Au régal des vermines. Je le lis, chapitre par chapitre. J'en isole deux pour cet article. L'un sur Monk, l'autre sur Bloy. Ce sont les mêmes. Monk, Thelonious Monk. Il y a des noms qui sont tout un programme. C'est comme Pier-Paolo Pasolini, ou Louis-Ferdinand Céline. Leur nom suffit. Contre-exemple : le comte Maurice Irisson d'Hérisson - invraisemblable nom d'un des funestes "honnêtes gens" du XIXe. 

Mais revenons à Thelonious Monk. Lui qui, raconte Nabe, "est allé se coucher pour des années, après avoir quitté le domicile conjugal sous prétexte que ses enfants y avaient introduit à son insu un disque des Beatles." Il s'est refermé progressivement au monde, jusqu'à en mourir. Ça c'est de l'intégrisme, ou je ne m'y connais pas. Mon respect en est forcé. "La liberté ou la mort !" - il faut encore en être capable et qui aujourd'hui ? Monk et les Beatles ne peuvent pas coexister. Oh, ça ne dérangeait assurément pas les seconds. Et pour cause. Donc, "Monk est mort. Monk est mort. Il faut bien se mettre ça dans la tête."


Et Léon Bloy ? Même rengaine ! Absolument intégriste. Le seul catholique de tous les temps. Aucun de ses "coreligionnaires" ne peut le supporter. Tous par lui démasqués dans leur tartuferie hypocrite. De même, quel "athée" pourrait-il accepter tout Nietzsche ? Voilà ce qu'en dit Nabe : "Je suis comme ça moi, je ne tolère que les hystériques, les fanatiques impitoyables. Si vous êtes prisonnier, soyez Sade ! A être fasciste, autant être Rebatet ou rien ! Si vous êtes catholique, soyez Dieu, pas moins..." On peut rajouter dans la même veine qu'il est éclatant que Céline a voulu et sans doute réussi à être le plus grand antisémite de tous les temps. C'est la demi-mesure, qui est insupportable. C'est trop demandé d'avoir une âme, d'être animé ? Tolérance interdite ! Intolérance sans frontière, voilà le point !

Chaque note de Monk, chaque mot de Bloy, balayent les milliers d'insignifiances qui, pour se protéger, propagandent pour la "tolérance" - tolérance qui va jusqu'à faire mourir Monk, ou les enfants de Bloy, mais tolérance vous comprenez... C'est Nietzsche qui a bien parlé de ça, comme de tout le reste : il explique que l'humilité est érigée en vertu par le ver de terre voyant le pied qui va l'écraser. Monk ou Bloy n'ont besoin d'aucune tolérance. Ils sont là, en 2012.

Léon Bloy s'en prenait à ces lieux communs : 

Etre poète à ses heures
Je vous mets au défi de trouver un Bourgeois qui ne soit pas poète à ses heures. Ils le sont tous, sans exception. Le Bourgeois qui ne serait pas poète à ses heures serait indigne de la confrérie et devrait être renvoyé ignominieusement aux artistes, à ces espèces d'esclaves qui sont poètes aux heures des autres.
Par exemple, il est un peu difficile de comprendre et d'expliquer ce que peut bien être cette poésie aux heures du Bourgeois. Supposer un instant que cet huissier se repose des fatigues de son ministères en taquinant la muse, exécutant des cantates ou des élégies, serait évidemment se moquer de ce qui mérite le respect. Ce serait, si j'ose le dire, une idée basse.
Le Bourgeois n'est pas un imbécile, ni un voyou, et on sait que les vrais poètes, ceux qui ne sont que cela et qui le sont à toutes les heures, doivent être qualifiés ainsi. Lui est poète en la manière qui convient à un homme sérieux, c'est-à-dire quand il lui plaît, comme il lui plaît et sans y tenir le moins du monde. il n'a même pas besoin d'y toucher. Il y a des domestiques pour ça. Inutile de lire, ni d'avoir lu, ni seulement d'être informé de quoi que ce soit. il suffit à cet homme de s'exhaler. L'immensité de son âme fait craquer l'azur.
Mais il y a des heures pour ça, des heures qui sont les siennes, celle de sa digestion, entre autres. Quand sonne l'heure des affaires, qui est l'heure grave, les couillonnades sont immédiatement congédiées.
"Être poète à ses heures, rien qu'à ses heures, voilà le secret de la grandeur des nations", me disait, dans mon enfance, un bourgeois de la grande époque.

Une bonne moyenne
Le président Jules Grévy venait d'inaugurer le Salon des Champs-Élysées. Il dit à ceux qui le reconduisaient à la sortie : "C'est cela, messieurs, c'est cela. Pas de génie, mais une bonne moyenne, voilà ce qu'il faut à notre démocratie !"

Exégèse des lieux communs, à lire d'urgence. Et ensuite, son Journal, bien entendu !


Allez, du Monk pour finir :







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