samedi 25 août 2012

Ouf, de l'anti-Histoire !

"L'histoire, c'est terrible à faire vous savez.

La phrase est du sieur Henri Guillemin, lui accusé par Régine Pernoud (Jeanne devant les Cauchons) d'avoir fait de l'anti-histoire à propos de Jeanne d'Arc. Pourquoi ? Parce qu'il aurait fait son travail sur Jeanne (Jeanne, dite Jeanne d'Arc et ses conférences télévisées) en seconde main. Querelle d'experts qu'il est bien difficile de juger pour un profane. On peut dire que Guillemin lacère régulièrement Michelet pour avoir travaillé non pas sur les sources mais en deuxième main - conséquence de quoi : erreurs, mensonges, etc. En revanche, Guillemin n'est clairement pas un spécialiste du XVe siècle et il est possible qu'il n'ait pas tout documenté de première main sur ce dossier.

Guillemin balaie d'un revers de main la prétendue objectivité (et la scientificité) de l'histoire. Il est des historiens qui y tiennent, ça fait sérieux. D'autres disent que l'histoire n'est pas une science, il s'agit plus de comprendre, pas d'expliquer. Certains parlent de "connaissance par traces". Furet, François Furet estimait que le fait historique est un choix intellectuel (et il savait de quoi parler, quand il s'agissait de faire de Robespierre le grand-père de Staline, avec son fondation Saint-Simon financée par ? devinez...)
Bref ! bref ! bref ! L'histoire est de toute évidence une construction, dans le choix du sujet, des questions posées, des documents et faits sélectionnés, dans l'écriture - puisqu'il faut bien l'écrire... et certains l'écrivent bien - Michelet. Que certains historiens se démènent pour prouver l'objectivité de leur travail m'a toujours paru insensé. 

Guillemin, en introduction à son récit sur la Commune, cite trois non-historiens :

Faites attention à l'histoire que l'imposture se charge d'écrire. 
Chateaubriand

Croire à l'histoire officielle, c'est croire des criminels sur parole.
Simone Weil

Dites le vrai. Ne racontez pas un opprobre notoire comme on raconterait n'importe quelle histoire.
Victor Hugo

Qui écrit l'histoire ? Les vainqueurs. Le pouvoir. Évidemment ! Et l'histoire n'hésite jamais, d'ailleurs, à dénoncer, en tout cas à démasquer, les "romans nationaux" successifs. Aujourd'hui, on raillera très facilement le discours du Tour de la France par deux enfants, bible de l'enseignement sous la IIIe République. Mais qui pour déconstruire notre propre récit à nous ?

Quel est le pouvoir aujourd'hui ? La >> République << >> démocratique << et maçonnique à en croire Frère Mélenchon, Frère Peillon, ou Frère Bertrand - et ce ne serait peut-être qu'à peine abusif de leur donner raison.

C'est donc sa contre-histoire qu'il faut faire, ou son anti-Histoire. Au diable la majuscule de l'Officielle. Que cette contre-histoire soit vraie ou fausse, c'est insignifiant (elle est fatalement fausse, tout comme l'Histoire). Bornons-nous, bornons notre subjectivité à dire le vrai, c'est-à-dire à ne pas mentir, et ne rien cacher de ce qui pourrait nous déranger. C'est le mot d'ordre du père Guillemin. Dans un autre registre, celui aussi d'Etienne Chouard. Également : de Franck Lepage. Michel Onfray ? Nous qui sommes démocrates, on en a soupé de la >> Démocratie << ; nous qui sommes de gauche, nous en avons soupé du >> centre-gauche <<.

Comment tout cela a-t-il commencé ? Il faut remonter au déboulonnage de l'ennemi : la monarchie absolutiste. 

De Guillemin, on peut écouter sa conférence sur Robespierre et la Révolution Française : 

Il raconte avec un extraordinaire brio la prise de pouvoir des milieux d'affaires aux dépends de l'ancienne aristocratie. Et l'apparition des "honnêtes gens" (La Fayette), c'est-à-dire les "gens de bien", les gens qui ont du bien, les possédants. Les "honnêtes gens" qui comprendront vite la supériorité d'un régime >> démocratique << sur un régime monarchique pour la conservation des intérêts. La Bourgeoisie écrit les lois, et c'est au nom de la volonté générale, de la souveraineté populaire et nationale : c'est magnifique. Et voilà le mythe du suffrage universel prêt à remplacer le mythe royaliste. On est plus que jamais dedans.

Évidemment, dès que le peuple se mêle de ce qui ne le regarde pas, ça ne va plus. 17 juillet 1791 : feu sans sommation sur la foule. 22-28 mai 1871 : la semaine sanglante. Etc. 

Justement sur la Commune, Guillemin (en 13 parties) : La semaine sanglante

Depuis 1789 en somme, la Bourgeoisie fera tout pour éviter le renversement des structures sociales. Et, très important, à chaque fois que la menace rouge était trop forte, un détournement des questions sociales vers du sociétal. Tout est bon : la défense nationale, la laïcité, etc. Encore aujourd'hui, le >> centre-gauche << ne s'attaque pas à la Banque, mais propose le mariage homosexuel - bon, d'accord.

De Guillemin encore, la série sur la préparation de la guerre de 1914 (13 parties aussi) : L'autre avant-guerre

Tant de perles, dans ces conférences, tant de perles ! Par exemple l'Affaire de Panama dans la 5e partie de "L'autre avant-guerre" : 
"ils vendaient, ils vendaient en sachant parfaitement qu'ils vendaient des titres pourris à la clientèle, et c'était surtout une clientèle de petites gens... vous n'imaginez pas les bénéfices qu'ils ont fait". 
Ça ne vous rappelle rien ?

Le même travail, par la lorgnette culturelle, est mené par Franck Lepage. Lui fait la promotion de l'athéisme culturel dans ses conférences gesticulées. Il a arrêté de croire en la Culture, en la >> démocratisation culturelle << comme nouvelle religion de "la gauche". Mais "la gauche", c'est le >> centre-gauche << soit les possédants. 

Il reste à écrire notre Dictionnaire.

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