mardi 2 décembre 2008

Pour que les lancers de tétine restent autorisés


Il est de bon ton, ces derniers temps, de se moquer du PS et de Ségolène Royal en particulier. Les mêmes qui passent leur temps à commenter ainsi l'actualité de ce parti estiment d'ailleurs en général qu'il ne s'y passe rien : par un étrange mouvement, les voilà donc tout occupés à nager dans l'insignifiance. Il n'y a rien à commenter, et pourtant ils y passent leur temps. Le show, le marketing, la comm' politique des uns et des autres, Ségolène ou Martine, c'est insignifiant. C'est du spectacle, au sens de Debord (se reporter aux billets qui lui sont consacrés). C'est ça qui passionne les foules - en attendant, les vrais sujets, la chose publique, sont esquivés. Je n'ai pas parlé de Chomsky & Cie, le film tiré de l'émission de Daniel Mermet - Là-bas si j'y suis - consacré au "peut-être plus grand intellectuel contemporain". Il y a bien montré comment la propagande s'insinue dans les sociétés dites démocratiques : il n'y a certes besoin d'aucun complot, tout cela se fait naturellement par concourance d'intérêts. C'est spontanément que les gens se passionnent pour l'insignifiant. Pendant ce temps, un incongru personnage prétend "moraliser le capitalisme", réforme l'Education Nationale, entend abolir la "retraite-guillotine" (sacrebleu, Mitterrand n'était pas allé jusqu'au bout !), etc. Il me faudra éplucher plus complètement la réforme de l'Education Nationale... quant à la conception du travail n'en parlons pas... En revanche, il y a quelque chose qu'il me faut bien évoquer, parce que ça touche à quelque chose qui me met vraiment hors de moi. Un rapport remis à Rachida Dati préconise d'abaisser de 13 à 12 ans l'âge légal pour emprisonner. Restons-en là, et ce serait déjà choquant au plus haut point. Mais M. Lefebvre, porte-parole, je crois, de l'UMP, surenchérit ! Il reprend les propos de Sarkozy candidat et estime qu'il faut détecter les comportements violents dès le plus jeune âge (3 ans). Bon, quand l'UMP applique ses idées à l'économie, c'est juste aberrant... mais quand ça touche à la justice, c'est absolument inqualifiable, répugnant... C'est là, je trouve, que l'on voit le mieux la différence entre la droite et la gauche. Si on devait penser binairement, ce qui n'est pas ma tasse de thé par ailleurs, je dirais que droite et gauche se distinguent le long du continuum suivant :

liberté <------------------------------------------> communauté

Pour la droite, la communauté prime : le lien, la tradition, les ancêtres, la généalogie, la tribu, l'identité... Et pour la gauche, c'est la liberté individuelle qui prime, la construction de soi, les cultures, le progrès, l'acquis... Pas la peine de m'expliquer que c'est caricatural, discutable, etc... c'est le but de ce genre d'oppositions. C'est cette opposition que je trouve significative, je reste dessus.
De là découle le reste dont les rapports à la justice, et à la science - pour ce qui m'intéresse dans cet article. Pour la droite, il faut protéger la communauté du désordre (la liberté) et la science est utilisée à cet effet ; pour la gauche en revanche, on ne saurait se priver des libertés au nom d'une prétendue sécurité. C'est ainsi que l'on comprend l'utilisation que l'on peut faire de la psychologie. D'un côté pour contrôler les masses, améliorer la réception de la propagande (pardon, la publicité), obtenir une plus grande efficacité économique en développant la motivation qui pousse les éléments à dépasser leurs limites (l'esclavage, pardon, le coaching), ramener les vilains petits canards vers une norme sociale rassurante, mettre à l'écart les déviants sous le fallacieux prétexte de les soigner...
De l'autre côté, on entend utiliser les connaissances de la psyché humaine pour permettre une plus grande émancipation de l'individu. La psychanalyse par exemple, au départ, a pour but la prise de pouvoir du conscient sur l'inconscient (Où Ca était, Je dois advenir), pas du tout de guider vers une norme préétablie pour reproduire l'ordre social.
Je ne vais pas reprendre l'argumentaire contre la détection dès 3 ans des comportements violents, vous trouverez certainement tout ce qu'il faut sur le vieux site (le gouvernement avait déjà renoncé en 2006 devant le tollé) de la pétition "Pas de zéro de conduite pour les enfants de 3 ans". Les postulats philosophiques qui conduisent à ce genre de mesures sont inacceptables, tout simplement. Comment peut-on nier l'humanité aussi férocement ?
Il y en a marre ! Ras-le-bol de ces conceptions liberticides. Ras-le-bol de cette tentation de faire de tous des moutons de panurge, de découper les têtes qui dépassent. C'est quoi la vie ? Aller à la crèche, subir des tests psychologiques plus crétins les uns que les autres, aller à l'école, y apprendre qu'on y est uniquement pour intégrer le marché du travail - le plus tôt sera le mieux - marché sur lequel on est amené à faire un boulot de plus en plus dépourvu d'intérêt puisque toujours plus segmenté et spécialisé, sans vision d'ensemble donc sans satisfaction ni motivation... si toutefois on a la "chance" d'avoir un job, auquel cas il ne faudra pas broncher sous peine de le perdre, le job - y en a tellement qui attendent après... C'est ça la vie ? Suivre le chemin de l'abrutissement le plus complet ? Et puisqu'on vit plus vieux, faut travailler plus longtemps (logique à la con s'il en est). Et puisque la vie est si merdique qu'on n'a plus le temps de rien faire en semaine, il faut travailler aussi le dimanche pour qu'on ait le temps de consommer. Le soir, écoeuré et épuisé par son travail e la journée, il n'y a plus qu'à regarder le foot ou les séries US à la télé... pas la force de remettre en cause sa vie... suffit d'attendre les vacances tant attendues (E. Morin : "La vacance des grandes valeurs fait la valeur des grandes vacances"). On ne supporte pas sa vie, et c'est pour cette raison qu'on n'est pas capable de se révolter. Alors tout continu. Stress, chiffres, normalité. G. Debord : "Ils ne sont que des chiffres dans des graphiques que dressent des imbéciles."
Mais qui parle encore de qualité, de qualité de vie ? La preuve que la crise économique que nous traversons n'est pas majeure est bien que le modèle de société n'est absolument pas remis en cause. On le croyait, ou espérait, au début (Wallerstein, Stiegler, ...)... mais c'était prendre ses rêves pour des réalités. Mais rien ne change. Ce débat est totalement esquivé... alors... vous reprendrez bien un baril de Ségolène !

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