jeudi 21 juillet 2011

Non, je ne suis pas...

1/ Réactionnaire
Je précise, notre époque ayant aboli l'idéologie dans un fantastique gloubi-goulba, il n'y a plus non plus de catégories de pensée. Le réactionnaire est celui partisan de la Réaction, d'un retour en arrière (traditionnellement jusques avant la Révolution). Aujourd'hui, on ne dit plus "réactionnaire", tout au plus "réac" synonyme de vieux con. En général, après un commentaire jugé "réac", est asséné un : "c'était mieux avant" ironique et supposé tourner en dérision l'absurde personnage trop peu moderne. La dérision est vraiment une plaie (je sens que cette phrase va soulever un nouveau malentendu).

Le (bon) sens commun veut que ce soit mieux aujourd'hui qu'avant. Ça s'appelle le modernisme. Guy Debord : "tout ce qui est bon apparaît, tout ce qui apparaît est bon", voilà le modernisme. Eh bien non, de mon point de vue, les "progrès" doivent être mis en question : ils ne sont pas nécessairement bons, et s'ils peuvent apporter quelque chose, il peuvent aussi faire perdre autre chose qu'il eut été souhaitable de préserver. Je ne suis donc pas moderniste, progressiste, rationaliste. 

Pour aggraver mon cas, je critique souvent et férocement la médiocrité de notre époque, et à titre de comparaison, je convoque avec enthousiasme les Grands Anciens dont je parlais récemment. Lady Gaga, Marc Lévy et autres grands succès contemporains ne me font pas grimper au rideau. Alors que Dostoïevski et Beethoven, davantage... Je ne veux pas dire par là que le XIXe siècle était meilleur que le XXIe. On pourrait d'ailleurs en discuter, ce que refusent les modernistes par leur dérision, éteignant toute velléité de comparaison (c'est forcement mieux aujourd'hui). De mon côté, je juge une telle discussion sans intérêt. Jamais je n'ai dit, et sans doute jamais ne dirai-je que telle époque est mieux que telle autre. Ce qui compte n'est pas d'aller en avant ou en arrière, je vis dans cette époque au sein de laquelle il s'agit de s'élever (pas nietzschéen pour rien). 

Le sens de mon propos est celui-ci : on tombe en admiration aujourd'hui devant le premier passant venu avec une petite lampe 3,5V ; mais, il y a des étoiles et ce sont elles que nous devrions contempler. Chaque époque a eu ses marchands de lampes 3,5V, évidemment. Ce n'est pas la question. 

Par exemple, avec Huysmans, Bloy, Bernanos, je parlerais volontiers d'un catholicisme encore admirable, à opposer au vil matérialisme qui sévit de nos jours. Ce faisant, je ne rêve pas de revenir à des sociétés religieuses comme avant. J'estime toutefois qu'il y avait alors une vie intérieure qui fait cruellement défaut aujourd'hui, parce qu'elle est la porte d'entrée pour qui veut s'élever. Je ne dis pas : le catholicisme, c'était mieux que le matérialisme. Je dis : nous devons retrouver une vie intérieure digne de ce nom pour nous libérer du matérialisme.


2/ Conspirationniste
Déjà, "conspirationniste", ça n'existe pas. Si le mot venait à exister, ce devrait être pour désigner la personne participant à une conspiration ; et non celle qui la dénonce. Que les anti-complotistes (idem pour "complotiste") apprennent à parler français. D'une.

Alors, si je comprends bien être suspecté de pensée réactionnaire par quiconque progressiste (modéré ou forcené), je comprends tout aussi bien être suspecté de pensée conspirationniste (sic) par quiconque impérialiste (modéré ou forcené). Les mêmes procédés sont à l’œuvre. 

L'ironie et la dérision. Douter, se poser des questions, garder un esprit critique, déconstruire la propagande du système, chercher les enjeux cachés... suscite désormais  des réactions époustouflantes : on nous parle volontiers de Chinois sarkozystes associés à des extra-terrestres de la CIA. Suite à quoi, tout le monde aura compris que les doutes et questions soulevés sont grotesques et ridicules. Certes, c'est parfois insuffisant, le ridicule ne tuant pas, mais la police de la pensée démocrate a plus d'un tour dans son sac. Il sera facile de juger le malotru malade mental et/ou négationniste donc antisémite. Hop !

Les complots, ça n'existe pas. Il n'y a jamais eu au cours de l'histoire d'attaque sous faux-drapeau. Aucune décision n'est prise en secret. Bombarder l'Afghanistan, l'Irak, la Libye, etc. c'est effectivement pour le bien des peuples. Au dîner du Siècle, ils ne font que jouer à la belote, c'est bon enfant comme au Bilderberg. En fait, nous vivons en démocratie, et tout est transparent.

L'idée, c'est bien sûr de confondre cette attitude critique avec quelques ahuris aux théories fumeuses, pour décrédibiliser toute pensée critique envers le système. A l'inverse, quand on veut défendre le matérialisme, on le cantonne à quelques zombies consommateurs effrénés, pour ne pas voir que le mode de vie de tous, aujourd'hui, est matérialiste, dégénéré et sataniste.

Voilà la difficulté : moi qui ne suis pas réactionnaire, c'est d'abord contre les progressistes-modernistes-rationalistes que je pense ; moi qui ne suis pas conspirationniste (sic), c'est d'abord contre les rationnalistes-démocrates-impérialistes que je pense. Et je pourrais poursuivre la série : moi qui ne suis pas raciste, c'est d'abord contre les anti-racistes que je pense ; moi qui ne suis pas nationaliste, c'est d'abord contre le Capital mondialisé que je pense.

Et ce parce que le monde qui s'écroule, c'est celui moderne humaniste tolérant rationnel démocrate industriel capitaliste. C'est ça le paradigme occidental, en fin de cycle. C'est contre lui qu'il faut trouver une sortie vers le haut.

1 commentaire:

  1. Notre époque aime bien jouer avec les mots et diaboliser ceux qui n'entrent pas dans le moule.

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