jeudi 10 mars 2011

"Mais voici des paroles d'or..."

Dersou Ouzala, Kurosawa, 1975
Voilà un petit Kurosawa qui n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd. Dersou Ouzala raconte la vie d'une homme de la taïga, qui vit en parfaite harmonie avec la nature. Jusqu'à ce qu'il doive tuer un tigre, dépérir moralement et physiquement, et devoir se réfugier chez son ami de capitaine, au milieu de la "civilisation". Dersou devient fou quand il rencontre des gens qui vendent du bois, et court au parc public pour abattre un arbre - ce qui le fait arrêter par la police. Cette anecdote pour crier quelle est l'attitude normale, logique, juste, simple, naturelle : c'est pure folie que de vendre la nature. Des millénaires de civilisation pour intérioriser cette absurdité... c'est quand même malheureux. 

Et je transite pour le Thoreau - Walden ou la vie dans les bois. J'avais lu de lui sa Désobéissance civile, très pertinente, et notamment cette réflexion selon laquelle il n'était pas normal qu'un homme comme lui, et son conflit avec la société, ne soit pas emprisonné. C'est en effet la moindre des choses, que connaissent bien tous les résistants dignes de ce nom. Bref, me revoici avec cet auteur, pour une tentation forestière - je n'ai d'ailleurs besoin de personne pour la ressentir... 

Je passe sur la première partie "Économie", un peu fastidieuse à vrai dire quoique pas inintéressante. Là où on entre dans le vif du sujet, c'est avec le chapitre "Où je vécus, et ce pour quoi je vécus". Je m'y arrête. D'une, parce que les vacances aussi, s'arrêtent, et de deux : parce que le passage mérite qu'on s'y arrête. 

La page 107 notamment marque le début de la floraison des guillotines littéraires comme je les aime.

"Car pour la plupart, il me semble, les hommes se tiennent dans une étrange incertitude à son sujet, celle de savoir si elle est du diable ou de Dieu, et ont quelque peu hâtivement conclu que c'est la principale fin de l'homme ici-bas que de "Glorifier Dieu et de s'En réjouir à jamais"."

Je voudrais la citer entièrement, mais lisez !

"De la simplicité, de la simplicité, de la simplicité !"

Encore...

"Les hommes croient essentiel que la Nation ait un commerce, exporte de la glace, cause par un télégraphe, et parcoure trente milles à l'heure, sans un doute, que ce soit eux-mêmes ou non qui le fassent ; mais que nous vivions comme des babouins ou comme des hommes, voilà qui est quelque peu incertain."
Et :

"Ce n'est pas nous qui roulons en chemin de fer ; c'est lui qui roule sur nous.

Évidemment, puisque :

"si nous restons chez nous à nous occuper de ce qui nous regarde, qui donc aura besoin de chemins de fer ?"

Élémentaire, mon cher Watson. Mais va faire comprendre ça à un progressiste. Il termine le chapitre en s'en prenant au besoin de "nouvelles" (qu'en dire, aujourd'hui ? Enfer et damnation ! C'est comme avec Péguy, leur description, datée, est déjà épouvantable, mais c'est mille fois pire encore aujourd'hui...) que le "philosophe", en connaissant le principe, balaye comme autant de "commérages".

Quelques pages plus loin, lors du chapitre "Lecture", cette dernière sentence :

"Un homme, tout homme, s'écartera considérablement de sa route pour ramasser un dollar d'argent ; mais voici des paroles d'or, sorties de la bouche des plus grands sages de l'Antiquité, et dont le mérite nous a été affirmé par les sages de chaque siècle l'un après l'autre [...]"

Humanité : coupable !

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