samedi 1 septembre 2012

Oh mon Dieu ! je suis devenu raciste

J'ai peur du noir
Horresco referens !... je frémis en l'écrivant. C'est pourtant vrai. Je n'ai pas encore lu Richard Millet, dont les pamphlets ont "la forme et le fond" de ceux de Louis-Ferdinand Céline, dixit Les Inrocks (soit à peu près l'équivalent moderne du Saint Tribunal de l'Inquisition), mais l'écouter dix minutes ont suffit.

Le terrain était assurément propice, depuis ma lecture des-dits pamphlets. Mea culpa ! Bagatelles pour un massacre ! L'école des cadavres ! Les beaux draps ! N'en jetez plus ! Je me suis laissé piéger à l'époque. J'étais seul, trop seul, je les ai lus - je n'aurais pas du, mais comme pour ne me laisser aucune chance, je les ai lus sans aucun Journaliste ni Intellectuel au-dessus de mon épaule pour m'arrêter avant de sombrer dans la folie antisémite carabinée. J'aurais du contacter... peut-être pas Bernard-Henri, mais au moins Philippe Val. Je n'aurais pas tourné fou ! Aujourd'hui, c'est terrible. Tout le monde sont juifs, je suis complètement paranoïaque, et même les psys sont juifs ! Oh ! misère... Enfer et damnation... 

Mais ce n'était rien encore, comparé à ce que je vis depuis hier. Mon racisme s'est étendu. J'ai entendu la complainte du seul blanc. (Im-)médiatement, mon sang aryen n'a fait qu'un tour. Encore une fois, j'ai commis l'erreur fatale : j'ai écouté l'infâme Richard seul. Quelle abomination ! Son angoisse m'a envahi. Et je me suis identifié à lui, totalement, mais complètement. Je vis, depuis lors, un affreux cauchemar. C'est vrai, je suis moi aussi le seul blanc, le seul blanc dans mon appartement. Je ne cesse de trembler. Je n'ose à l'heure actuelle pivoter sur ma chaise. Une horde de nègres barbares et cannibales me scrute et n'attend que le moment propice pour me dévorer. Du coin de l’œil, je les observe. Jugez plutôt - et appelez vite la police pour me délivrer : il y a là Miles Davis, Louis Armstrong, Charlie Christian, Thelonious Monk, Sonny Rollins, Milt jackson, Art Blakey, Cannonball Adderley, Wayne Shorter, Charlie Parker, Duke Ellington, Sydney Bechet, Dizzy Gillespie, Oscar Peterson, Yusef Lateef, Chet Baker, Bud Powell, ils sont tous noirs !, Ahmad Jamal, Archie Shepp, Billie Holliday, Ella Fitzgerald, il y a même des négresses mon Dieu !, Charlie Mingus, Ornette Coleman, John Coltrane, encore et encore !... Anthony Braxton, Geoffrey Oryema, Nat King Cole, J.-B. Lenoir, Lester Young, Count Basie, Wes Montgomery, Albert Ayler, d'autres encore mais je souffre trop, j'agonise d'angoisse à les citer

Pire encore, si c'était Dieu possible, ceux qui ne sont pas noirs, sont, j'ose à peine l'écrire, d'infâmes bougnoules ! Oum Kalsoum ! mon cœur se serre, j'ai l'impression que mon appartement va être soufflé dans un attentat, commis par quelque Anouar Brahem, Khaled AlJaramani, Ali Reza Ghorbani ! Nusrat Fateh Ali Khan ! même des Iraniens bordel ! Faiz Ali Faiz... Ibrahim Maalouf...  Ustad Mahwash, etc. 

J'ai encore l'impression que d'autres pourraient s'allier à eux pour m'agresser : des romanichels, des latinos, des Mongols ! autant avoir Gengis Khan directement dans sa cuisine, prêt à vous égorger. La touche finale, bien sûr, c'est que parmi les quelques disques de rock qu'il me reste, s'impose... Noir désir. Je pleure.

Je suis pris au piège. Je ne peux même pas sortir. A Mermoz-Laennec, figurez-vous que c'est plein de nègres et de bougnoules. Affreux, affreux, affreux ! 

Tout ça à cause d'une vidéo ! J'essaye, j'essaye de surmonter - je n'y parviens pas. Je remets la vidéo, je coupe le son quand Richard Millet parle, et je bois les paroles des journalistes. Rien n'y fait ! c'est trop tard. Encore un peu, et je commande des armes pour faire un carnage. Tout ça parce que ce malfaiteur de l'humanité a fait de Breivik un héros. Les journalistes veillent, mais n'ont pas le pouvoir, hélas ! de brûler ces sorcières modernes qui exercent une si mauvaise influence sur nos cerveaux populo sans défense. Voltaire demandait la tête de Rousseau qui propageait des idées scandaleusement démocratiques dans ses livres, dont auraient pu s'inspirer les rues basses de Genève. Restaurons la guillotine. Que Millet serve d'exemple ! On en trouvera bien 105 autres, en hommage à la restauration thermidorienne. Internet pullule de mécréants de la pire espèce : populistes, fascistes, conspirationnistes, ce n'est pas ça qui manque. 

Appelons enfin de nos vœux la création d'un Tribunal de la Bienpensance, financé par Goldman Sachs, Total et Coca Cola, et dirigé par un collège de journalistes cooptés lors du Dîner du Siècle. Plus aucun pauvre ne doit mal penser.

Sic transit gloria mundi, amen.

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