mardi 24 novembre 2009

Passez, muscade ! Antimodernisme et antisémitisme chez Céline

J’écris souvent que la question de l’époque est celle du langage. Un jour, j’essaierai de relier tout ce qu’il y a à relier sur ce sujet. Pas aujourd’hui. Nous sommes soi-disant dans une société de liberté et de débat dans laquelle les opinions contraires peuvent s’affronter démocratiquement. Arnaque ! tromperie ! duperie ! Ce n’est pas qu’il faille comparer notre société à d’autres dans le monde ou dans le temps et dire : « nous sommes pires ! ». C’est simplement reconnaître qu’il y a aujourd’hui des souffrances ; et, que les souffrants sont privés de parole pour les exprimer.

Ils en sont privés par absence de mots, de vocabulaire, de littérature aux sens strict et large en même temps. Il y a un marché florissant de la culture… mais quels mots trouve-t-on chez ces marchands ? 100 000 Musso vendus ne feront jamais 1 Antonin Artaud.



Ils en sont privés ensuite parce qu’il n’y a plus de porte-parole. L’agitation médiatique a tout phagocyté et ne parle plus que pour elle-même. Internet… Internet est une chance. Benjamin Bayard dit : « l’imprimerie a permis au peuple de lire, Internet va lui permettre d’écrire ». Inch Allah !

C’est pour ça que la littérature, la vraie, est forcément violente, parce qu’elle est l’expression de ces souffrances. La violence de Nietzsche est la première a m’avoir marqué. Récemment, l’écriture de Léon Bloy, assassine par son catholicisme « intransigeant » (je mets des guillemets parce que c’est Emile Poulat qui parla le premier d’un catholicisme intransigeant, né au XIXe siècle en réaction aux idées révolutionnaires laïcisatrices… mais Bloy fait certainement figure d’intransigeant face aux intransigeants eux-mêmes…) m’a stupéfait également. Rien ne sert de multiplier les exemples. L’écrivain qui aujourd’hui navigue seul… toutes voiles dehors… pour défendre le Verbe est Marc-Edouard Nabe. Pour lui, ce qui prime est une question de langage. Il n’y a pas à avoir peur de la violence du langage, bien au contraire ! L’ami Raoult vient encore de s’en prendre à la violence de la littérature et ce n’est pas parce que tout le monde lui est tombé dessus que ce même monde défend véritablement (je ne doute pas de leur sincérité, mais on peut être faux en étant sincère) la littérature, évidemment…

Donc, comme le hurla Nabe, dans une injonction parfaitement nietzschéenne : « Soyez les plus forts ! Essayez de dépasser ces problèmes politiques… ». Il faut reprendre la main sur le langage, après 30 ans de mollesse démocratico-tolérante (cf. la vidéo de Jean Bricmont sur la « gauche morale »).

Alors, je me suis demandé ce que pouvait vraiment le langage… et s’il n’était pas condamné à se fourvoyer. Parce que, les détracteurs de ceux qui ont des mots à écrire, dire, chanter, rire, etc. les accusent toujours de racisme et ne s’estiment repus qu’une fois les avoir nazifier. Cette (im)posture est intenable, mais ils la tiennent. Alors soit… concédons qu’il y a ce risque, et réfléchissons-y. Et quel meilleur exemple que Louis-Ferdinand Céline ? Son Voyage m’avait estomaqué, torturé, meurtri… sa violence m’était si belle… un tel anarchisme… une si formidable charge misanthropique – Rossinante, qu’il chevauche assurément, a retrouvé une vigueur… Une telle noirceur est forcément lumineuse et géniale.

Mais il est antisémite. Pas dans le Voyage… mais dans ce qu’on sait de ses pamphlets. On ? qui ? Sait ? quoi ? Personne ou presque ne les a lus… et pour cause. Je les ai donc lus, dans l’optique non pas de juger si Céline était ou non antisémite – je m’en fous – mais de comprendre pourquoi il a écrit de telles choses et, question subsidiaire, me demander si toute critique vraiment radicale du système conduisait à ce genre de dérive.

Ça commence par Mea culpa, dont le sujet est l’URSS, d’où il revient. Voilà en quelques pages ahurissantes le communisme assassiné, il n’y a pas d’autre mot, en 1936. La charge est proprement inouïe. Ce texte est formidable. Ça se complique avec Bagatelles pour un massacre et L’école des cadavres.

Évidemment, c’est épouvantable. Je n’en rajoute pas, il n’y a pas besoin d’avoir lu ces textes pour savoir qu’ils sont d’un antisémitisme infâme. M’enfin… faudra revoir le mot antisémitisme, parce que ce n’est pas tout à fait de cela dont il s’agit, comme on le comprend à la fin de L’école des cadavres. J’y reviendrai.

Il prétend que cette charge n’est pas raciste, mais idéologique. Je le crois sincère, mais ce n’est certes pas forcément convaincant. En tout cas, il est évident que Bagatelles n’est pas le dictionnaire des lieux communs du racisme ordinaire, mais est porté par une furieuse rage idéologique. Une furieuse rage déjà décrite à propos du Voyage, d’ailleurs… cette noirceur est ici employée pour décrire plus systématiquement le… système. Juste une petite citation pour, je crois, aller au cœur de la critique célinienne de la modernité :

Depuis la Renaissance l'on tend à travailler plus passionnément pour l'avènement du Royaume des Sciences et du Robot social. Le plus dépouillé... Le plus objectif des langages c'est le parfait journalistique objectif langage Robot... Nous y sommes... Plus besoin d'avoir une âme en face des trous pour s'exprimer humainement... Que des volumes ! Des arêtes ! Des pans ! Et de la publicité !... Et n'importe quelle baliverne robotique triomphe ! Nous y sommes...

Cette critique est, je crois, un grand classique chez, pourrait-on dire, les déçus de la Révolution Française, de l’esprit des Lumières, de la démocratie. Depuis, la société avance autant par elle-même – le capitalisme – que par son contraire – le socialisme. Tout est déjà chez Nietzsche qui renvoyait dos-à-dos libéraux et socialistes comme deux visages d’une même morale héritée des ruines du judéo-christianisme. Et tout est encore chez Baudrillard, par exemple, qui rappelle qu’une société est toujours fondée sur un antagonisme – Dieu et le diable, la Consommation et sa contestation… La première fois que j’ai rencontré ces idées, c’était chez Edgar Morin qui s’en prenait au Grand Paradigme occidental – le cartésianisme et la grande disjonction entre sciences et humanités, au profit des premières cela s’entend. On trouve en fait ce fonds idéologique partout, à gauche, à droite, dès qu’il y a une âme quelque peu mystique, qui n’est pas satisfaite du monde matérialiste dans lequel elle baigne. C’est le bébé spinoziste qui veut jeter l’eau du bain cartésien, pour ne pas être sali. Léon Bloy et sa « fringale d’Absolu » (Le désespéré)… Bref, des sires très différents les uns des autres, mais qui se retrouvent sur ce terrain. Huysmans (Là-bas), assez proche, et en écho à la citation célinienne précédente :

A n'en pas douter, ce fut une singulière époque que ce Moyen Âge, reprit-il, en allumant une cigarette. Pour les uns, il est entièrement blanc et pour les autres, absolument noir ; aucune nuance intermédiaire ; époque d'ignorance et de ténèbres, rabâchent les normaliens et les athées ; époque douloureuse et exquise, attestent les savants religieux et les artistes.

Ce qui est certain, c'est que les immuables classes, le clergé, la bourgeoisie, le peuple, avaient, dans ce temps-là, l'âme plus haute. On peut l'affirmer : la société n'a fait que déchoir depuis les quatre siècles qui nous séparent du Moyen Âge.
Alors, le seigneur était, il est vrai, la plupart du temps, une formidable brute ; c'était un bandit salace et ivrogne, un tyran sanguinaire et jovial ; mais il était de cervelle infantile et d'esprit faible ; l'Église le matait ; et, pour délivrer le Saint Sépulcre, ces gens apportaient leurs richesses, abandonnaient leurs maisons, leurs enfants, leurs femmes, acceptaient des fatigues irréparables, des souffrances extraordinaires, des dangers inouïs !
Ils rachetaient par leur pieux héroïsme la bassesse de leurs mœurs. La race s'est depuis modifiée. Elle a réduit, parfois même délaissé ses instincts de carnage et de viol, mais elle les a remplacés par la monomanie des affaires, par la passion du lucre. Elle a fait pis encore, elle a sombré dans une telle abjection que les exercices des plus sales voyous l'attirent. L'aristocratie se déguise en bayadère, met des tutus de danseuse et des maillots de clown ; maintenant elle fait du trapèze en public, crève des cerceaux, soulève des poids dans la sciure piétinée d'un cirque !
Le clergé qui, en dépit de ses quelques couvents que ravagèrent les abois de la luxure, les rages du Satanisme, fut admirable, s'élança en des transports surhumains et atteignit Dieu ! les Saints foisonnent à travers ces âges, les miracles se multiplient, et, tout en restant omnipotente, l'Église est douce, pour les humbles, elles console les affligés, défend les petits, s'égaie avec le menu peuple. Aujourd'hui, elle hait le pauvre et le mysticisme se meurt en un clergé qui réfrène les pensées ardentes, prêche la sobriété de l'esprit, la continence des postulations, le bon sens de la prière, la bourgeoisie de l'âme ! Pourtant, ça et là, loin de ces prêtres tièdes, pleurant parfois encore, dans le fond des cloîtres, de véritables Saints, des moines qui prient jusqu'à en mourir pour chacun de nous. Avec les démoniaques, ceux-là forment la seule attache qui relie les siècles du Moyen Âge au nôtre.
Dans la bourgeoisie, le côté sentencieux et satisfait existe déjà du temps de Charles VII. Mais la cupidité est réprimée par le confesseur et, ainsi que l'ouvrier, du reste, le commerçant est maintenu par les corporations qui dénoncent les supercheries et les dols, détruisent les marchandises décriées, taxent, au contraire, à de justes prix, le bon aloi des oeuvres. De père en fils, artisans et bourgeois travaillent du même métier ; les corporations leur assurent l'ouvrage et le salaire ; ils ne sont point tels que maintenant, soumis aux fluctuations du marché, écrasés par la meule du capital ; mes grandes fortunes n'existent pas et tout le monde vit ; sûrs de l'avenir, sans hâte, ils créent les merveilles de cet art somptuaire dont le secret demeure à jamais perdu !
Tous ces artisans qui franchissent, s'ils valent, les trois degrés d'apprentis, de compagnons, de maîtres, s'affinent dans leurs états, se muent en de véritables artistes. Ils anoblissent les plus simples des ferronneries, les plus vulgaires des faïences, les plus ordinaires des bahuts et des coffres ; ces corporations qui adoptaient pour patrons des Saints dont les images, souvent implorées, figuraient sur leurs bannières, ont préservé pendant des siècles l'existence probe des humbles et singulièrement exhaussé le niveau d'âme des gens qu'elles protégèrent.
Tout cela est désormais fini ; la bourgeoisie a remplacé la noblesse sombrée dans le gâtisme ou dans l'ordure ; c'est à elle que nous devons l'immonde éclosion des sociétés de gymnastique et de ribote, les cercles de paris mutuels et de courses. Aujourd'hui, le négociant n'a plus qu'un but, exploiter l'ouvrier, fabriquer de la camelote, tromper sur la qualité de la marchandise, frauder sur le poids des denrées qu'il vend.
Quant au peuple, on lui a enlevé l'indispensable crainte du vieil enfer et, du même coup, on lui a notifié qu'il ne devait plus, après sa mort, espérer une compensation quelconque à ses souffrances et à ses maux. Alors il bousille un travail mal payé et il boit. De temps en temps, lorsqu'il s'est ingurgité des liquides trop véhéments, il se soulève et alors on l'assomme, car une fois lâché, il se révèle comme une stupide et cruelle brute !
Quel gâchis, bon Dieu ! - Et dire que ce XIXe siècle s'exalte et s'adule ! Il n'a qu'un mot à la bouche, le progrès. Le progrès de qui ? le progrès de quoi ? car il n'a pas inventé grand-chose, ce misérable siècle !
Il n'a rien édifié et tout détruit. A l'heure actuelle, il se glorifie dans cette électricité qu'il s'imagine avoir découverte ! Mais elle était connue et maniée dès les temps les plus reculés et si les anciens n'ont pu expliquer sa nature, son essence même, les modernes sont tout aussi incapables de démontrer les causes de cette force qui charrie l'étincelle et emporte, en nasillant, la voix le long d'un fil ! Il se figure aussi avoir créé l'hypnotisme, alors que, dans l'Egypte et dans l'Inde, les prêtres et les brahmes connaissaient et pratiquaient à fond cette terrible science ; non, ce qu'il a trouvé, ce siècle, c'est la falsification des denrées, la sophistication des produits. Là, il est passé maître. Il en est même arrivé à adultérer l'excrément, si bien que les Chambres ont du voter, en 1888, une loi destinée à réprimer la fraude des engrais... ça, c'est un comble !

Ah ! Ah ! c’était long, n’est-ce pas ? mais j’estime que la chandelle (verte, oui Alfred, bien sûr !) en vaut la peine, cette citation éclairant sur ce qu’on perd (d’autre) quand on gagne (quelque chose). Le poète T.-S. Eliot l’avait clamé, d’ailleurs… J’offre un chocolat de Noël (oui c’est déjà Noël) à celui (ou celle, mais ne rêvons pas) qui me donne le vers en question. Le même argumentaire revient donc, chez des penseurs libertaires, comme chez des penseurs réactionnaires. Classifications quelque peu désuètes à mon sens, d’ailleurs. Les réactionnaires l’étant à ce point qu’ils deviennent révolutionnaires et inversement ; tous ces gens trop mystiques pour s’inféoder à une morale dégradée (pléonasme), quelle qu’elle soit.

Un procès du monde moderne chez Céline, donc. Mais mène-t-il directement à l’antisémitisme ? Nietzsche rejette libéraux et socialistes dos-à-dos. Céline voit Rothschild et Marx. Passez muscade ? Délire complotiste chez Céline ? Un peu facile, non ? Je n’ai pas envie d’expédier la question si facilement. Déjà, je n’aime pas beaucoup les théories du complot, je trouve que tout s’explique très souvent sans complot, par simple convergence d’intérêts (comme l’explique Noam Chomsky)… mais ce n’est pas une raison pour écarter un adversaire en se contentant de lui tatouer « Théorie du complot » sur le front. Des complots, il en a existé, et pour commencer le Protocole des sages de Sion, auquel fait d’ailleurs référence Céline, en le prenant pour argent comptant, dans Bagatelles, et qui est issu des milieux tsaristes pour faire croire à un complot juif de domination du monde.

Et il y a une certaine cohérence chez Céline, qu’il ne faut pas passer sous silence. Il s’attaque donc à la modernité, mot-valise-bien-remplie (rationalisme, Réforme, capitalisme, progressisme, socialisme, démocratie, etc.). Or, qui sont les figures de cette modernité si ce ne sont le protestant, le juif, l’athée ? Céline fait d’ailleurs parler un rabbin, dans Bagatelles, qui explique, ce qui est très connu, que l’usure étant interdite dans le catholicisme médiéval, seuls les Juifs la pratiquaient… d’où leur rôle bancaire quand la modernité capitaliste va prendre son envol (rôle aussi lié à l’Inquisition qui les chasse des terres catholiques et provoque une nouvelle diaspora en Europe du nord où… phrase suivante). Envol pris en terres protestantes comme repéré par Max Weber, même si son interprétation du phénomène est contestable. Contre la mondialisation (avec des arguments étonnement actuels, ceux qu’on peut entendre tous les samedis dans la bouche d’Eric Zemmour par exemple), contre l’internationalisme selon un vocable plus d’époque, qu’il soit capitaliste ou communiste, n’y a-t-il pas une logique à ce que Céline s’en prenne à ceux qui la font, cette mondialisation ? Il pose d’ailleurs l’égalité Juif = Anglais et, plus tôt, Juif = communiste.

Evidemment, moi je vois Rothschild, banquier, et Marx, socialiste, et non pas : Juifs. Insensible que je suis, ou immunisé, à un mode de pensée englobant l’individu dans sa « communauté » ou sa « race » comme on commençait à ne plus dire, à l’époque. Car Céline n’esquive pas ce débat-là. Mais ce qu’il en dit (sur le thème « j’aime pas les Juifs, mais ce n’est pas un crime ») ne me semble pas expliquer la rage qu’il déploie. D’ailleurs, il n’aime pas les autres non plus, et surtout pas les Français de qui on n’imagine mal comment il pourrait dire plus de mal.

Est-ce par ressentiment ? Contre la critique ? Il s’en défend, de toute jalousie. Contre son patron lorsqu’il travaillait à la SDN et qui n’admit jamais un texte que Céline pensait pourtant anodin (L’église) ? Contre l’amant d’Elizabeth Craig, la danseuse dont il avait été amoureux ? Tout ceci saute aux yeux, dans Bagatelles, mais trop peut-être pour être crédible… Finalement, ce qui semble le plus convaincant, c’est cette crainte d’une nouvelle guerre. En lisant le Voyage, il est évident que celle de 14 l’a profondément meurtri, et il veut tout faire par la suite pour éviter que cela se reproduise. Et pour lui, la SDN poussait tout droit à la guerre. Alors il a pris sa plume, parce qu’il est écrivain, et non homme politique, pour prophétiser, faire parler le Verbe pour faire taire les armes. Espérait-il que Français et Allemands diraient : « Stop ! » ? A-t-il eu cette naïveté, cette prétention ?

On peut le penser. Il appelle à la fusion entre la France et l’Allemagne comme seul moyen d’échapper à la domination économique de l’Angleterre. Et à ce titre, il s’en prend aux antisémites, à la fin de L’école des cadavres notamment. Pour lui, ce sont soit des petits joueurs, soit des gens qui veulent tout bêtement prendre la place des Juifs qu’ils jugent dominants (ils veulent dominer eux aussi donc sont méprisables), soit contre-productifs parce que leur nationalisme les dresse contre l’Allemagne et les amène donc à la botte du capitalisme anglais.

Si bien que ce n’est pas de l’antisémitisme qu’on trouve chez Céline, mais du racisme. Il le dit d’ailleurs en ces termes. Quelque part, c’est encore plus effroyable. Ce n’est pas dénoncer une position soi-disant dominante des Juifs, c’est les expulser purement et simplement, et retrouver une pureté de race. Et comme, au départ, il n’est pas raciste, c’est à se tirer les cheveux qui nous sont poussés sous les pieds à force de marcher sur la tête. Sa haine du système, du monde moderne l’a poussé à prôner une idéologie qu’il ne partage pas. En tout cas, c’est mon interprétation, et elle ne l’excuse absolument pas, encore une fois, ce n’est pas le propos.

C’est bien gentil, mais ai-je répondu à la question subsidiaire ? Non. Alors, au boulot. Plusieurs évolutions font désormais office de garde-fous contre un tel raisonnement. D’abord, l’horreur de l’Holocauste. Ensuite, les progrès de la mondialisation et, avec l’éclatement (ressenti, plus ou moins… avéré, plus ou moins) des frontières, le développement d’un internationalisme et d’un métissage rendant absurde même l’idée de « civilisations ». Enfin, la défaite scientifique du racisme. Tout cela fait qu’on n’arriverait plus, si on le voulait, à englober tous les membres d’une communauté, nation, race, n’importe, dans une même identité. Les gagnants sont mélangés, les perdants sont mélangés. C’est une évidence première. La domination en est d’ailleurs d’autant plus forte. Mais crispée… parce que de plus en plus contestée de par le monde. C’est pour cela que le Verbe est de plus en plus souvent nazifié par les sentinelles du système impérialiste. Je vous laisse avec Jean Bricmont pour vous en convaincre…




6 commentaires:

  1. l'appat du chocolat est trop grand : Where is the wisdom we have lost in knowledge? Where is the knowledge we have lost in information?

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  2. Sinon, ce dont tu parles à la fin, du langage nazifié, m'a fait penser à un truc que je viens de lire, de Gilles Lapouge. C'est pas vraiment dans le sujet, mais bon :

    "Comme les camps de concentration nazis, ou comme "Monsieur Propre", la réforme de l'orthographe, une fois placée sous le microscope utopique, avère de bizarres ambitions : une offensive contre la crasse du langage, donc contre le temps et l'histoire à la fois. Le propos n'est-il pas de remplacer une orthographe farcie de verrues, d'excroissances, de vestiges, d'irrationalités, d'anomalies, de coquecigrues par une orthographe propre comme un sou neuf, soumise à la seule logique et indemne de toutes les cicatrices ou souillures que les siècles ont déposées sur sa peau? Une orthographe si simple, si conséquente qu'elle prive les hommes du droit à l'erreur? Aujourd'hui, l'homme le plus savant du monde comment des fautes d'orthographe. Demain, dans l'orthographe utopique, le plus ahuri n'arrivera pas, même s'il y met du sien, à faire la faute la plus vénielle! La noblesse de la condition humaine, et presque son essence, n'est-ce pas le droit à l'erreur? Un univers sans fautes serait un univers irrespirable, une barbarie. "La conscience, dit Dostoïevski, est infiniment au-dessus des deux fois deux font quatre. Après deux fois deux, bien entendu, il ne reste rien non seulement à faire mais même à apprendre..."

    Bon, je suis pas cent pour cent d'accord avec ça, parce la bonne construction d'un langage permet aussi la bonne construction de la réflexion, mais en tout cas, je suis complétement d'accord avec l'idée d'une tentative de négation académique de l'évolution "naturelle" du langage au fil du temps. Un langage qui se modifie, se simplifie sûrement, en se nourrissant à gauche et à droite, sans que ce soit une chose à condamner.
    Bref, je digresse, désolé

    bzzzzzzzzzzzzz

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  3. Bon, une boîte de chocos... une...

    Sinon, c'est complètement le sujet au contraire. J'avais d'ailleurs commencé une première partie exclusivement sur le langage, mais l'article était déjà bien assez long comme ça.

    Moi, je suis d'accord avec ce que Lapouge écrit, sauf pour "comme les camps de concentration nazis", disons que sa phrase est mal tournée, mais faut pas déconner... C'est plutôt : les camps de concentration nazis sont comme... C'est la logique rationaliste-scientifique-industrielle qui se prolonge dans le nazisme, comme poussée à son absurde extrême ; ce n'est pas ce qu'on vit depuis qui ressemble au nazisme. Ça peut paraître anecdotique mais c'est la différence entre un point godwin et une analyse de la modernité...

    Je ne vois pas en quoi ta critique contredit le paragraphe au-dessus, par contre. Le langage et sa maîtrise oriente la réflexion... mais ce n'est pas pour ça que le langage doit être aseptisé, neutre (au contraire même, c'est justement parce qu'il construit la réflexion qu'il doit y avoir du bordel).

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  4. J'avais pas fait gaffe à sa tournure, mais oui, elle est débile : ça revient en plus à dire que les camps de concentration ont mal tournés, comme si les bizarres ambitions n'étaient pas là dès le début.

    Je suis tout à fait d'accord avec ton deuxième temps, mais disons qu'en ce moment, il y a une tendance d'appauvrissement orthographique (pourquoi, peut-être parce que les gens écrivent plus, peut-être) qui renforce les discours conservateurs et académiques qui pronent un langage pur et figé, un langage de dictionnaire, sans tenir compte de l'effet du temps, justement (je pense que c'est ce dont il parle quand il évoque les utopistes, pour qui le temps est l'ennemi à éradiquer), mais je voulais juste dire que la lutte contre l'appauvrissement orthographique (au sens du "bordel, arrêtez d'écrire en sms, c'est plus un code, des diminutifs, qu'une évolution de l'orthographe") n'impliquait pas une adhésion au mouvement conservateur pour autant.

    Tout ça en réaction de sa phrase un poil démago sur le savant génial qui fait des fautes d'orthographe, et le droit à l'erreur. Il y a erreur et erreur (main involontaire et main volontaire, en gros) et fot dortograf et faute d'ortographe!

    ps : sans noisette, le choco!

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  5. Je ne connais pas Lapouge, mais un type qui utilise "coquecigrue" est assez peu soupçonnable d'aimer le langage sms, et donc, pour moi, il était évident en lisant ce paragraphe qu'il faisait la distinction entre erreur et erreur... Mais peut-être pas, tu le sais mieux que moi...

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  6. Je le connais depuis peu, donc je m'en doute que oui, mais bon, je préfère l'exhaustivité et la lourdeur à la démagogie et le style brillant!

    Mais, ceci dit, j'ai hate de lire la suite de ta réflexion sur le langage!

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